[Chapitre VI 2/2 ] La fin de l'innocence.

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 La zone commerciale était en vue tandis que j’essayais de chasser les idées nocives que Clara recassait. Nous avions tous eu notre premier contact avec la furie de la mort et quelque chose me disait que nous allions devoir nous y habituer. Le moteur se coupa, Youssef nous suggéra de commencer par le matériel nécessaire à la réparation de la porte. Alan protesta, préférant entrer dans ce magasin avec des armes. Lorsqu’il pointa le club de tir avec son doigt, je compris le raisonnement de Youssef. Sur le parking, juste devant l’entrée, un groupe de zombies était présent, je pouvais en compter cinq. Pour le moment, nous n’avions pas été repérés, ces créatures étaient trop occupées à manger. Dans le magasin, l’atmosphère semblait plutôt normale, si l’on excluait l’absence totale de vendeurs. En quelques minutes, nous avions regroupés le nécessaire afin de réparer ce qui avait été cassé. J’avais hâte de pouvoir revivre dans une bulle, sans crainte. Pendant que nous rangions le matériel dans la voiture, je pouvais apercevoir Marco regarder en direction du club de tir.

- Les zombies sont partis, t’avais raison Youssef ! se réjouissait-il.

- Ils ne doivent pas être bien loin… répondis-je, méfiant.

- Comment tu le sais ? demanda Alan, dos à moi.

 Je n’eus pas le temps de répondre qu’un grognement se fit entendre, c’est en me tournant vers lui que je compris. Les zombies du club de tir nous avaient repéré dès le début et tendus un piège dans lequel nous avions foncés tête baissée. Les morts-vivants sautèrent sur Alan qui supplia qu’on lui vienne en aide, malheureusement, il était déjà trop tard. Nous pouvions entendre les coups de canine déchirer sa chair tandis qu’une nette traînée de sang se propagea sur le sol. Les cris avaient stoppé, tandis qu’Alan poussé son dernier soupir, servant de festin à un groupe de zombies. Marco, d’abord consterné, fut pris d’une fureur intense et avec son arme, il tirait à bout portant en pleine tête de chaque créature. Ils s’écroulèrent et avec le choc, ce fut une marre de sang et des morceaux de cerveau qui jonchaient le sol, à quelques centimètres de nos pieds. Marco, encore tremblant, s’agenouilla devant les restes d’Alan.

- Allez-y… je dois rester ici, déclara-t-il, la voix cassée.

 Sans insister, Youssef se mit en route vers le club de tir suivi par Clara et moi. J’essayais de rassurer cette enfant qui n’avait pas demandé à assister à une telle désolation. Je pouvais voir des larmes couler et une grande confusion dans son regard… un état que mes mots ne parvenaient pas à altérer. Cette impuissance me frustrait bien plus que la perte d’Alan. Finalement, nous entrions au sein du club qui se révélait être un petit local, sans grandes prétentions. Les grandes baies vitrées du magasin de bricolage nous avait permis d’avoir un peu de lumière, or, dans cet endroit, l’obscurité qui régnait à l’extérieur était bien plus pénalisante… voir même, effrayante. Le silence était absolu tandis que, centimètre par centimètre, nous progressions à la recherche d’éventuels assaillants. Le sang-froid de Youssef me surprenait davantage à chaque minute passée avec lui. Avec soulagement, nous étions les seuls êtres présents en ces lieux. Le ravitaillement en arme dura plus longtemps avec la pénombre mais en sortant, je pouvais lâcher cette barre de fer car j’étais désormais équipé d’un pistolet avec silencieux, accompagné par ses munitions. Youssef, lui, s’était emparé d’un fusil à canon scié, il préférait la destruction à la discrétion.

- Marco et Alan étaient frères, j’ai vu ta tête quand il a demandé à rester là-bas. Ne l’évoque pas, de toute façon, nous serons partis dans quelques heures.

- Où est-ce que vous comptez aller ?

- Je vais rejoindre Lyon… avec mes économies, prendre un avion pour l’étranger et sortir de là. Pour Marco, je l’emmène là-bas pour qu’il puisse chercher son autre frère… ça va être une sacrée réunion de famille.

 Finalement, Marco s’était installé au volant du véhicule, ne voulant plus contempler le corps partiellement dévoré de son frère tandis que nous quittions cet endroit pour remonter sur les hauteurs de la ville. Ce chemin se déroula sans encombre même si le second passage dans le quartier résidentiel anéanti avait relevé le niveau de tension ambiant. Je n’avais jamais été aussi soulagé de revoir cet immeuble qui m’avait vu grandir et vieillir. Nous nous étions absentés durant plusieurs heures et rien n’avait changé. Le zombie qui nous avait couru après avait déserté, à ma plus grande satisfaction. Youssef et Marco s’emparaient du matériel de bricolage et s’engouffraient, sans plus attendre dans la montée, prenant une confortable avance sur Clara et moi.

- Sébastien ? Tu ne m’avais pas dit que sans badge, on ne pouvait pas entrer ? Comment ils ont fait ?

 Cette réflexion, normalement anodine me terrorisa. Depuis la coupure d’électricité, personne n’avait relevé ce détail ô combien important. La porte n’était plus protégée par le dispositif électromagnétique et réparer ma porte d’entrée ne changerait pas ce fait. Tout à coup, plusieurs hurlements déchirèrent le silence, l’écho de la montée les rendant particulièrement effrayants.

- TIRE ! TIRE !

 La voix appartenait à Marco et fut immédiatement suivie par un impact lourd… un canon à scié. En haut, le combat faisait rage tandis que je pouvais distinctement entendre quelque chose débouler à quatre pattes s’approchant de nous, à grande vitesse. En quelques secondes, il nous avait repérés. Un zombie à la fois grand et maigre, vêtu de noir. Il avait également le bras gauche sectionné et une plaie béante au niveau du cou. J’écartais Clara le plus possible tandis que, fébrilement, je sortis ma nouvelle arme. Le mort-vivant, de son côté s’était approché davantage pour finalement me sauter dessus. Le choc sur le sol en carrelage fut particulièrement violent, je vis fou pendant quelques secondes. Seule l’haleine putride de cette créature m’empêchait de tomber dans les pommes. Usant de toutes les forces que j’avais à disposition, je le repoussais sur mon côté pour me relever sans perdre de temps. Pistolet en main, je tirais une première fois. La balle se logea à côté de sa tête, sur une boîte aux lettres. Le zombie se remit à quatre pattes et à courir vers moi. Une seconde balle logée dans son épaule lui fit perdre l’équilibre. La troisième balle fut la bonne, à bout portant, en pleine tête qui explosa dans une fontaine de sang noir qui vint recolorer le carrelage blanc. Clara, choquée, était incapable d’aller plus loin. Malgré nos différends, j’étais désolé de laisser Youssef et Marco à leur funeste destin d’autant que les tirs avaient cessés mais que les hurlements avaient redoublés d’intensité. Nous courrions jusqu’à la voiture tandis que, sans réfléchir, nous quittions cette ville, désormais maudite. Notre technologie, jadis florissante, était aujourd’hui un handicap qu’il allait falloir étudier de près.

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