Les trois soeurs 1/2

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Chutes d’Iguazu – Argentine


Au commencement était le chiffre trois.

Rien de biblique dans ma phrase, juste une réflexion qui me vient, comme ça, maintenant...

Les « Trois Frontières » d’abord, un endroit où Papa a tenu à emmener les petits Parisiens que nous sommes, pour nous montrer combien la Terre est riche, vaste et étonnante. Les Trois Frontières, c’est le carrefour de trois pays, l’Argentine, le Brésil et le Paraguay, et l’on pourrait s’attendre à un lieu très touristique, mais non : pas grand-chose à y voir, à part un monument avec les trois drapeaux. Pourtant, le site est chargé d’une force incroyable, et Papa assure que c’est la puissance de l’eau : ici se rejoignent en effet les deux grands fleuves Paraná et Iguazú qui, en mêlant leurs eaux brunes et agitées, créent une atmosphère bouillonnante, un peu comme une potion magique dans un chaudron.

Je relève l’importance du chiffre trois dans cette histoire pour une raison toute simple : c’est aux Trois Frontières que nous avons rencontré les trois sœurs ! Je veux dire, pour la première fois ! Car, chose plus amusante encore, nous sommes tombés sur elles... trois fois en trois jours ! Je parle ici de trois vieilles dames étonnantes et attachantes, aux joues rondes et roses, aux chapeaux loufoques et aux robes colorées, trois grands-mères qu’Alphonse a baptisées « les trois dames Pepperpote» tellement elles lui faisaient penser à l’héroïne du dessin animé d’un autre temps, qu’il visionne en boucle le soir, sur la tablette de Maman.

Nous avons tout de suite remarqué ces drôles de mamies, qui chantaient, riaient et jouaient comme des enfants, complices comme seules peuvent l’être des jumelles, ou mieux encore : des triplées ! Aux Trois Frontières, Maman ne les a pas lâchées du regard, amusée et subjuguée par leur énergie. Je l’ai même entendue dire à Papa qu’elle aimerait beaucoup leur ressembler plus tard ! J’ai donc bien noté, moi aussi, la présence de ces trois dames aux Trois Frontières, mais j’étais à ce moment-là à des années-lumière d’imaginer l’émotion qu’elles allaient me faire vivre !

Nous avons quitté l’aéroport de Buenos Aires avant- hier pour poser nos valises dans la petite ville de Puerto Iguazú, au nord de l’Argentine, près de la frontière brésilienne. Le Brésil sera la prochaine étape de notre voyage, mais Papa avait très envie de photographier les chutes d’Iguazú d’abord — les plus belles du monde selon lui — et il a lu que le site était plus impressionnant du côté argentin que du brésilien, d’où son choix de nous installer dans cette ville.

Avant de nous rendre au parc national d’Iguazú et d’approcher au plus près des cascades, il tenait à ce que nous nous imprégnions de l’ambiance des Trois Frontières donc, puis que nous visitions le refuge de Güiráoga, centre d’accueil et de soins pour les animaux blessés de la forêt. C’est là, au détour d’un sentier, qu’Alphonse a crié « Oh, les trois dames Pepperpote ! » Même si mon petit frère a tendance à m’agacer, je dois avouer que sa remarque m’a fait rire ! Il venait en effet de reconnaître les grands-mères rigolotes, équipées de leurs chapeaux bizarres et de leurs parapluies malgré un ciel sans nuages !

« Jamais deux sans trois » a dit Maman, et je n’ai pas eu le temps de m’amuser de cette drôle d’expression qu’à cet instant, un oiseau étonnant se posait près de moi et, avant que je ne réagisse, il s’adressait à moi comme si nous nous connaissions depuis toujours !

— Bonjour jeune fille, mon nom est Guaraní, et avant que tu ne me fasses l’affront de me le demander, je suis un toucan !

La magie du kaléidoscope, qui me rend toutes les langues accessibles, même celles des animaux ! Je ne m’y habitue pas, définitivement !

— Bonjour Monsieur le toucan, je sais de quelle espèce vous êtes ! En revanche, je n’ai pas bien compris votre nom... « Guaraní » ?

L’oiseau s’est offusqué, il s’est mis à crier, tourner et virevolter autour de mes oreilles.

— Guaraní ! Tu ne connais pas les Guaranis ?! Dis donc, jeune fille, quand on voyage, on doit s’intéresser aux terres que l’on foule ! Tu es ici en territoire guarani, le peuple indien originaire de la région, un peuple maltraité, chassé par l’exploitation agricole et la déforestation. Mais je ne vais pas te faire un cours de géopolitique, quand même !

J’ai haussé les épaules, vexée, et j’ai poursuivi mon chemin sans prêter plus d’attention à ce toucan présomptueux, me promettant d’étudier l’histoire des Indiens guaranis le soir même. J’ai marché plus vite pour rejoindre Papa, Maman et Alphonse qui s’étaient arrêtés quelques dizaines de mètres plus loin et observaient quelque chose que je ne voyais pas encore.


Un tatou ! Que cet animal est étrange avec sa carapace qui lui donne un air préhistorique ! Et que la forêt tropicale d’Iguazú est riche en rencontres étonnantes ! Coatis, caïmans, tortues, singes, araignées, serpents, et à présent ce tatou, tant d’êtres fascinants se côtoient et s’y promènent en toute liberté ! Sans parler du toucan, bavard et prétentieux. J’ai pensé tout à coup à Nahili, mon ami le jaguar, et j’ai souhaité fort qu’il vive heureux et en paix dans une jungle sauvage comme celle-ci...

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A suivre...

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