30 - Celui qui est tombé
44ième jour de la saison du sapin 2448 - PDV Azéna
Sécher un cours était très mal vu à l'académie d'Archlan et Azéna s'en n'était abstenue jusqu'à aujourd'hui. Dernièrement, tout allait de travers. Reaginn lui donnait du fil à retordre en classe, elle s'était fait accusée de violence physique dans l'académie, elle avait déjà été une fois au donjon et en plus, elle y retournait dans quelques heures mais ce n'était pas tout. Elle tellement en rage qu'elle se permit de sécher un cours en plus de tout ça. Sa réputation déclinait à vive allure. Elle s'imaginait en train de tomber dans un trou sans fin mais, elle savait que chaque trou avait une fin et que la sienne se rapprochait. Elle n'osa pas aller voir Tyrath, car elle commençait à douter de sa sincérité. Était-il véritablement immunisé à la pression de la société? De son côté, normalement, elle en était plutôt indifférente mais, lorsque son titre de dragonnière était en jeu, elle ressentait bien plus d'émotions négatives. Mis à part ses valeurs, c'était l'une des seules choses qu'elle tenait à cœur et qui affectait son honneur. D'après elle, Tyrath devait commencer à avoir honte d'être lié à une telle personne, mais il ne le démontrait pas, comme si tout allait bien et que ça ne l'affectait pas. Peut-être était-ce le fruit de son imagination.
Elle s'était rendue au lac de Cristal. À genoux, elle regardait son reflet dans l'eau dont la surface avait été légèrement cristallisée par le froid.
- Je ne comprends pas les dragons, se lamenta-t-elle. Ils ont parfois une mentalité tellement différente de la nôtre.
Pour l'instant, le lac était toujours en mouvement malgré la température qui baissait chaque jour. L'eau était extrêmement froide, mais était d'un bleu aussi clair que celui du ciel. Le reflet d'Azéna ne restait pas en place et les petites ondulations déformaient son visage qu'elle fixa avec indifférence. Sa longue chevelure était, malgré le vent, toujours peigné à la perfection.
Finalement, elle se lassa de cette image et alla se préparer pour son prochain cours, soit le cours de vol. La journée passa tout de même vite, Umah garda son sang-froid et Azéna oublia ses malheurs jusqu'à ce que le cours de survie ne débute. À ce moment, elle se souvint qu'elle allait devoir côtoyer Reaginn toute la soirée et peut-être plus longtemps.
Lorsque le temps vint, Reaginn accompagnât Azéna jusqu'à l'entrée du donjon qu'il ouvrit avec lassitude.
- Je reviens, informa-t-il. Tu restes là-dedans et tu m'attends sans fouiner, est-ce que c'est bien clair?
Azéna hocha de la tête. Satisfait, Reaginn tourna les talons, mais arrêta sa marche presqu'immédiatement après l'avoir commencée.
- Maître Aranich est là pour te surveiller alors comporte-toi avec sagesse, avertit-il avec froideur.
- Attendez un instant, paniqua Azéna à cette information. Maître... Maître Ruvior...
Azéna se rendit compte que la politesse et la nervosité ne faisaient clairement pas bon ménage. Elle se sentait complètement idiote, mais elle devait essayer de convaincre Reaginn de ne pas la laisser seule avec Vyrius.
- Qu'y-a-t-il? questionna Reaginn en haussant un sourcil. Je n'ai pas le temps de jouer.
- Bien sûr, répliqua Azéna en baissant les yeux. Je comprends, mais je ne me sens pas très à l'aise avec Maître Aranich.
- Ah bon.
Pendant un long moment, l'homme fixa ses petits yeux vert sombre sur elle dans un silence insupportable.
- Apprentie Kindirah, insinuez-vous que mon jugement est incorrecte face au confort que vous devriez avoir durant votre séjour dans mon donjon?
Puis, sans même laisser une chance à Azéna de répliquer, il disparut dans l'ombre du corridor étroit éclairé par quelques torches. La porte en grille métallique se referma lourdement derrière lui.
Azéna sentit cette odeur familière d'humidité et de mort désagréable qui hantait si particulièrement le donjon. Se souvenant de l'expérience cauchemardesque de la dernière fois, elle n'osa pas bouger pendant un long moment.
- Allons, allons, dit-elle tout haut pour elle-même, Vyrius ne doit pas être si terrible que ça si Maître Ruvior me laisse seul avec...
Elle n'en resta pas convaincue. Peut-être devrait-elle attendre Reaginn ici, à l'entrée du donjon. Elle se ferait passer pour une lâche. Peut-être que Vyrius n'était même pas ici. Peut-être était-ce une ruse pour tester son courage. Et si ce n'était pas le cas, est-ce que Vyrius lui ferait véritablement du mal? Terrifiée par son choix, elle descendit lentement dans le pénombre du donjon. Elle arriva au premier croisement et s'assura que personne ne la guettait en tentant de discerner le moindre mouvement dans le noir.
« L'elfe des bois est dans la réserve, résonna une voix caverneuse.»
Azéna sursauta et pivota sur elle-même à la recherche de l'auteur de cet avertissement. Elle ne vit personne.
« Aranich est un elfe des bois, songea-t-elle avec anxiété. Ça veut donc dire que Ruvior avait vraiment dit la vérité. Il est ici. »
Soudainement, un visage qui aurait pu être beau s'il n'avait pas été déformé par les cicatrices et une expression sadique émergea des ombres. Les deux pupilles brunes foncées de Vyrius se fixèrent sur la jeune dragonnière et un ricanement résonna au travers du donjon.
- Oh, tu n'es pas seule, n'est-ce pas? questionna Vyrius en s'approchant d'Azéna avec intrigue.
Azéna recula lorsqu'elle aperçut la dague crochue tenue par l'elfe des bois. En plus d'avoir des idées sadiques, Vyrius portait une arme. Azéna fixa la lame avec paranoïa et avala difficilement sa salive en tentant de se calmer.
- Oh, dit Vyrius avec un ton surpris forcé. Je vois que mon amie t'apporte un malaise.
Il caressa la dague avec tendresse.
- Elle est gentille, mais je dois avouer qu'elle n'est pas très douce. C'est bien vrai...
Cette-fois, Azéna en avait assez entendu. Elle aurait préféré devoir passer une saison avec Reaginn qu'un moment de plus avec Vyrius. L'elfe des bois était légèrement courbé vers l'avant ce qui réduisait sa hauteur impressionnante. Droit, il devait faire un pied et demi de plus qu'Azéna. Sa longue chevelure en désordre était aussi sombre que ses yeux et tombait sur ses épaules. Il sentait l'écorce moisit et brûlé. On avait coupé la cime de son oreille gauche ce qui la rendait carrée au lieu de pointue. Il s'approcha dangereusement d'Azéna.
- Maître Ruvior va revenir bientôt, menaça l'adolescente avec une pointe d'agressivité. Ne t'avise pas à me toucher.
- Je crois que si, répliqua Vyrius de sa voix venimeuse. Tu dis des mensonges parce que tu ne veux pas de ma présence. Tu es une jeune fille désagréable. C'est pourquoi tu es ici.
Il agrippa Azéna par le collet de sa main libre et effleura la lame de sa dague sur son bras. Le froid du métal sur sa peau envoya un frisson au travers de sa colonne vertébrale, mais heureusement, aucune coupure ne fut affligée.
- Tu as encore fait la mauvaise fille pour te retrouver ici, dit-il. Il va bien falloir que quelqu'un te punisse et malheureusement, il n'y a que moi ici alors, la situation m'y oblige.
« Défend-toi, résonna encore la voix mystérieuse. »
Vyrius pressa la cime de la dague un peu plus fortement contre la peau fragile d'Azéna. La jeune dragonnière s'attendait à voir la première goutte de sang bientôt.
On entendit un grincement, puis un bang. L'expression de Vyrius de transforma en crainte et, il figea.
- Non, pas maintenant, pleurnicha-t-il. Je n'ais jamais mon tour!
Azéna aperçut Reaginn du coin de l'oeuil. Vyrius lâcha prise et partit avec hâte. Azéna tomba lourdement au sol et toussa. Le maître du donjon fixa son collègue disparaître à l'angle de la porte de la réserve avec rage puis, posa ses yeux sur Azéna. Il l'inspecta brièvement, ce qui donna la chance à Azéna de retrouver son assurance.
- Tu n'es pas blessée, conclut-il. C'est bien. Maintenant, viens.
La dragonnière grise se releva, laissa passer le maître du donjon et se mit à le suivre. Elle réalisa qu'ils n'étaient pas seuls. Un deuxième apprenti les suivait d'une cadence saccadée comme s'il éprouvait des moments d'anxiété intermittents. Lorsque le groupe passa devant une torche, Azéna identifia le nouveau venu.
« Pauvre Gragèn, songea-t-elle avec amertume. »
« C'est en effet très dommage pour ce petit, répliqua la même voix mystérieuse. »
Azéna sursauta et tourna la tête dans tous les sense.
- Quelque chose ne va pas, Apprentie Kindirah? questionna Reaginn qui s'était arrêté pour l'attendre.
- Un... Une v... voix, balbutie-t-elle avec confusion.
- Celle de Maître Aranich, peut-être?
- Non. Une autre. Vous ne l'entendez pas?
- Je n'ai rien entendu, informèrent Reaginn et Gragèn.
« Ils ne peuvent pas m'entendre, informa la voix. Seulement toi en est capable. »
« Pourquoi? demanda Azéna. Je ne comprends pas ce qui se passe. »
La voix s'était éteinte une fois de plus. Reaginn s'arrêta devant les cellules et en ouvrit une. Les deux apprentis y pénétrèrent docilement alors qu'il referma la porte à clé.
- J'ai deux mots à dire à mon collègue, informa Reaginn en affichant un léger sourire d'amusement. Je reviens... très bientôt... et pas de bêtises.
Lorsque Reaginn tourna les talons, un cliquetis retentit et il disparut. Azéna s'accota contre le mur froid et humide au fond de la cellule. Elle positionna ses mains derrière sa tête en tentant de former un coussin alors que Gragèn fixait anxieusement le sol. Le comportement pleutre du roux l'énervait sérieusement, alors elle se mit à penser aux leçons de Nikala sur la méditation.
« Dire que ce cours me sera util , songea Azéna. Au moins, je risques moins d'étrangler Gragèn. »
« Regarde par terre, près de l'entrée, dit la voix. »
Encore une fois, Azéna fut prise au dépourvue et sentit son coeur lui monter aux lèvres. Gragèn la regarda comme si elle était folle.
- Qu'est-ce...? marmonna-t-elle. Mais, putain de merde.
À ce point, elle ne savait même plus quoi penser de ce personnage qui s'amusait à s'introduire dans ces pensées privées. Elle se sentait impuissante; elle ne pouvait rien faire pour l'en empêcher.
- Es-tu nerveuse à ce point? questionna Gragèn. Pas que je te blâmerai.
- Non, grogna-t-elle, tellement impatiente qu'elle suspectait qu'elle allait bientôt exploser de rage.
- Alors, c'est quoi le problème?
Azéna ignora la question et jeta un coup d'œil en direction de la porte. Quelque chose scintillait sur le sol de l'autre côté du grillage. Sa curiosité piquée, elle s'approcher pour mieux identifier l'objet. Elle tâta et l'agrippa du bout de ses doigts qu'elle étira de tout leur long pour l'atteindre.
- C'est une clé. Une clé... pour...
Elle fixa la serrure avec confusion, se questionnant sur la nature de l'apparition de cette clé. Reaginn était trop vigilant pour qu'il n'ait pas remarqué que la clé était tombée. Elle ne savait pas quoi faire entre tenté de s'enfuir et avoir la chance de se faire expulser pour de bon ou rester tranquillement dans sa cellule et attendre sa punition.
- C'est pas vrai, dit Gragèn en savourant la clé du regard. Il a dû la laisser tomber sans s'en rendre compte. Quelle chance! Utilise-la! On sort d'ici!
Il s'élança vers elle, les mains prêtes à empoigner la clé.
- Attend, ordonna Azéna. Tu n'as même pas songer à la situation, pas vrai? Nos actions pourraient s'avérer désastreuses.
Elle bloqua Gragèn avec son bras.
- Pourquoi devrais-je? questionna-t-il. Qu'y a-t-il à analyser mis à part sortir de cet endroit infesté par la mort?
- Nous pourrions être expulsés pour ça, espèce de crétin.
- D'accord, d'accord. Je propose alors qu'on va jeter un coup d'œil dans la réserve et on revient. Il y a tellement de choses intéressantes là-dedans.
- Tu veux voler?
- Mais, non. Voyons donc pour qui tu ne prends? C'est juste par curiosité. On se ferait couper en petites rondelles pour avoir commis un tel crime.
Azéna le regarda avec un mélange de méfiance et de confusion. Elle savait sans aucun doute que Gragen voulait mettre ses misérables doigts de rat sur quelque chose de précieux.
- C'est drôle, mais j'ai l'étrange pressentiment que tu mens.
- Bah, allez. Tu ne peux pas dénier que tu es curieuse, dit-il.
Gragèn avait raison. Azéna voulait voir si cette plume existait vraiment et elle désirait aussi voir ce que Serfantor manigançait.
- Attend, grogna-t-elle alors que le roux essaya encore une fois d'aggriper la clé qui se balançait entre ses doigts.
Azéna tendit l'oreille pour s'assurer que ni Vyrius ni Reaginn n'était revenu. Gragèn pouffa d'impatience.
- D'accord! s'exclama furieusement Azéna. D'accord! Relaxe, on sort. Juste pour un bref moment et après, on revient ici. Il faut être prudent dans cette affaire. Je te préviens, je te laisse derrière si tu ne te bouges pas le cul et qu'ils reviennent.
Azéna et Gragèn réussirent à se rendre à la réserve sans problème. Vyrius et Reaginn n'étaient pas présents; le donjon était désert. Gragèn était très insistant et pressé car, Azéna le devinait bien, il voulait s'emparer de ce que Serfantor voulait.
« Prend la plume, ordonna la voix. »
Gragèn sonda l'endroit du regard. Il n'avait évidemment aucune idée d'où il fallait chercher. Azéna, par contre, savait où aller pour dénicher la plume car la voix mystérieuse lui donnait les instructions dont elle requit. Après avoir traversé maintes allées bordées de meubles à rangement, elle trouva, au fond de la salle, une plume violette en parfaite état. Cette dernière flottait gracieusement contre le mur par le bien de la magie. Azéna l'effleura doucement du bout de ses doigts et l'observa avec émerveillement. À son touché, l'objet se mit à briller d'un halo mauve pâle.
- La plume, dit Azéna. Alors, c'est toi qui ne cessait de ne parler télépathiquement.
« Oui, murmura une voix tendrement qui semblait au bord du ronronnement. »
Un sentiment étrange envahit Azéna à cet instant, comme si la plume l'avait enveloppée dans un nid douillet et chaleureux. Ce moment de satisfaction eut une courte durée de vie. Gragèn l'avait entendue et avait accourue à elle. Il aperçut la plume qui brillait de mille feux alors qu'Azéna l'agrippa doucement. Il approcha son visage pour l'inspecter de plus près et soudainement, une lueur traversa son regard.
- C'est l'Œil du Savoir ? questionna Gragèn. C'est la plume qui te révèle toute les réponses et te parle?
- Je crois que oui, répliqua Azéna. Enfin, elle me parle. Est-elle enchantée?
- Je ne sais pas et honnêtement je m'en fou.
Azéna réalisa son erreur; elle n'aurait pas dut révéler tant d'information. Gragèn agrippa son poignet avant qu'elle ne puisse réagir et tordit. Maintenant, Azéna en était certaine, c'était la plume que Serfantor désirait tant. Était-ce vraiment seulement cela? Une obsession avec la gloire d'être le plus fructueux apprenti de son année ou encore, de tout les temps. Ça semblait aux yeux d'Azéna une raison médiocre pour tants d'efforts de sa part et pour tant de dommage infligé.
- Donne-la-moi! s'écria Gragèn avec une furie dont Azéna ne l'aurait jamais soupçonné d'en être capable.
- Tu devras passer sur mon cadavre avant que je t'obéisse, répliqua Azéna avec férocité. Je ne laisserai pas Serfantor avoir la plume. Quoi qu'il veuille faire avec elle, ce n'est pas bon pour personne.
- Au moins, je cesserai de me faire torturer par cet espèce de fou qu'on a comme maître de la survie, hurla Gragèn dans une triste agonie.
Il appliqua plus de force au poignet de sa victime.
- Arrête! Beugla Azéna qui sentit une larme se former au bord de son oeil gauche. Gragèn, cesse cette folie!
Cette-fois, elle n'avait plus le choix si elle ne voulait pas se retrouver avec un poignet cassé; elle devait se défendre. Formant un poing ferme de sa main libre, elle frappa Gragèn de toutes ses forces au visage. Le dragonnier rouge ne vit pas l'attaque venir puisqu'il était trop concentré sur le poignet de sa victime ainsi que la plume. L'impact le secoua et il fut forcé de lâcher prise. Il pressa sa main sur son nez qui saignait abondamment.
- Tu m'as cassé le nez, espèce de garce! s'exclama-t-il avec fureur.
- Ooups, répondit Azéna avec une innocence forcée et visiblement sarcastique.
Gragèn poussa un pleurnichement alors qu'on entendit un petit craquement provenant de la blessure alors qu'il fit l'erreur de la toucher. Ignorant sa douleur, il fixa la plume avec une flamme de détermination qui brûlait dans ses yeux. Il serra les dents alors qu'une goûte chaude coula de sa narine jusqu'à sa lèvre. Il l'essuya sans quitter sa cible du regard.
- Donne-la-moi sinon, j'utiliserai les grands moyens, menaça-t-il.
- Ah oui? répliqua Azéna en reculant lentement. Je me demande bien ce que tu peux accomplir lorsque tu es sérieux.
Gragèn s'élança, son poing prêt à frapper.
« Le courant d'air, mentionna la voix. »
Azéna remarqua le vent produit par l'élan de Gragèn et se concentra dessus.
- Je ne peux peut-être pas créer ma propre brise, mais je peux manipuler les préexistantes, s'écria-t-elle.
La force du courant d'air fut amplifiée et propulsa Gragèn en direction d'Azéna. Celle-ci roula hors du chemin juste à temps pour laisser son ennemi s'écraser contre le mur. Elle le regarda glisser au sol, évanouit par le choc qu'il reçut à la tête. Les étagères tremblèrent et quelques objets vacillèrent dangereusement. Le cœur d'Azéna sembla s'arrêta. Rien ne tomba. Elle soupira; elle ne voulait pas attirer l'attention sur elle.
- Bordel Gragèn, murmura-t-elle en fixant le sang qui continuait de s'écouler lentement du nez du dragonnier assommé. Franchement, tu fais pitié. Bah, tu as forcé ma main.
Après quelques instants de silence et d'immobilité à écouter pour le moindre bruit de pas, elle rangea la plume dans l'une des poches de son uniforme. Honnêtement, elle ne savait pas trop quoi faire de cette situation embarrassante alors, elle demanda conseil à la plume.
« Emporte le garçon dans la cellule et laisse la clé juste en dehors de ta cellule pour laisser croire au maître que vous ne pouviez pas l'atteindre, proposa la voix. Tu n'auras qu'à l'accuser de t'avoir attaqué. »
« C'est bien ce que je craignais, songea Azéna avec dédain. Je vais devoir tirer ce gros idiot derrière moi comme un chienne de traineaux. »
« Gros? Il est plutôt bambin pour un humain adulte. »
Azéna faillit éclater de rire.
« Tu es génial, complimenta-t-elle à la plume. »
« Mmmm, merci pour la flatterie je suppose, répliqua la voix qui commençait à devenir familière. »
Azéna fit ce que la plume lui avait proposé. Lorsqu'elle passa devant l'armurerie, il lui fallut beaucoup de détermination pour ne pas succomber à la tentation d'aller jeter un coup d'œil à toutes ces merveilleuses armes.
Une fois dans la cellule, Azéna fermit la porte, tira la clé en dehors de la cellule de sorte à ce qu'elle atterrisse assez près de la porte pour paraître comme si Reaginn l'avait tout simplement laissé tombé là, elle s'écrasa contre le mur pour reprendre son souffle et laissa Gragèn étendu sur le sol.
« Traîner un petit homme comme lui t'a donné tout ce mal? questionna la plume. »
« La ferme, répliqua Azéna avec légère rage. Il est lourd. »
La plume émit un léger rire. Azéna l'ignora, ferma les yeux et relaxa.
Quelques longs moments plus tard, elle entendit le bruit de bottes lourdes, des cliquetis puis, sourd d'une porte qui s'ouvre.
- Que s'est-il passé? demanda Reaginn.
- Il m'a attaqué, accusa Azéna en se relevant. Il a fallu que je me défende.
Reaginn haussa un sourcil et ne semblait pas convaincu. Néanmoins, il ne dit rien à ce propos et s'approcha de Gragèn pour le tapoter de son pied. Le jeune garçon ouvrit les yeux et fixa le maître avec horreur.
- Ell-elle, balbutie-t-il.
- Reste tranquille et ne parle pas, coupa Reaginn avec sévérité.
Le maître du donjon examina Gragèn avec attention, particulièrement dans la région nasale puisqu'il y avait du sang sec étendu un peu partout.
- Ton nez a été fracturé, informa-t-il. Je vais t'escorter à l'infirmerie.
Reaginn aida Gragèn à se relever en le tirant sur ses pieds. Ses yeux sombres se posèrent sur Azéna pendant un bref instant.
- Tu peux partir, annonça-t-il. Je vais vous épargner pour cette fois uniquement.
Azéna resta bouche-bée face à la décision de Reaginn, mais ne s'en plaignit pas. Normalement, il prenait son rôle à cœur et ne laissait rien lui echapper. Encore plus étrange était qu'il semblait se doutait de rien de ce qui s'était passé pendant son absence.
« Bien joué, complimenta la plume. »
Encore loin d'être habituée à la présence de la plume, Azéna sursauta ce qui attira l'attention de Reaginn. Il la regarda avec suspicions, mais n'en fit rien.
- Je viens, dit Azéna. Mais, Maître Ruvior, à propos de Gragèn...
- Je vous conseil, Apprentie Kindirah, d'éviter de participer aux querelles entres apprentis. Vous n'avez surement pas fait une très bonne impression dans un passé très rapproché et encore une fois...
Il baissa les yeux en direction de Gragèn qui grimaçait de douleur à chaque pas.
- Vous savez que je vais devoir reporter cet incident.
- Cette-fois, je vous assure qu'il s'est passé quelque chose d'étrange, rétorqua Azéna avec insistance. Il y avait une ombre... puis, Gragèn est devenu agressif sans aucun motif.
Gragèn hocha tout simplement de la tête, approuvant le mensonge.
- Mmmm bien, dit Reaginn. C'était peut-être... ce spectre. Quoi qu'il en soit, tenez-vous loin des ennuis.
Azéna le suivit hors du donjon. Au cours de la route, ils rencontrèrent Vyrius qui allait dans la direction opposée. Celui-ci accorda un sourire intéressé à Azéna en passant près d'elle, ce qui fit frissonner la jeune dragonnière. Elle détestait que cet elfe pose les yeux sur elle. Reaginn et Gragèn se dirigèrent vers l'infirmerie tandis qu'elle profita de cet opportunité pour se dépêcher aux dortoirs avant que Reaginn ne change d'avis.
« Explique-moi comment tu fonctionnes, demanda-t-elle à la plume. Qui es-tu? Es-tu seulement un sortilège? C'est toi qui me parlais durant mon examen? »
« Je suis un dragon et j'ai perdu la vie il y très longtemps, mais ici n'est pas un endroit pour en discuter, répliqua-t-il. Il nous faut du privé. »
Azéna resta bouche-bée face au fait que la plume n'était pas du tout qu'un simple objet ensorcelé, mais une véritable âme, une créature, un dragon.
« Comment est-ce possible? Qu'est-ce que tu fais dans une plume? »
« Soit patiente et les réponses viendront. »
L'adolescente ne put s'empêcher de ronchonner à cette réponse. Elle détestait ce genre de réplique; ça lui rappelait Leith et son père adoptif. Elle allait protester, mais elle se rappela qu'elle discutait avec un dragon et qu'il pourrait possiblement être un wyrm. Un sourire de malaise se dessina sur son visage et elle monta les escaliers en colimaçon qui menaient à la Tour de la Connaissance à grandes enjambées.
Une fois dans sa chambre, Azéna s'assura qu'elle était bien seule, se défit de son uniforme qui devenait inconfortable après quelques heures et enfila une tenue plus légère. Par-dessus son soutien-gorge, une simple tunique en coton couvrait son torse et ses bras tandis que des culottes de jeune homme trop grandes s'occupaient de ses jambes.
« C'est un habillement de mâle que tu portes, dit le dragon avec confusion. »
Azéna poussa un petit cri lorsqu'elle se rendit compte qu'elle s'était dénudée devant un parfait étranger.
« Je m'habille comme je veux, répliqua-t-elle avec entêtement. Et, je ne sais pas si tu peux me voir, mais n'ose pas me regarde pas quand je me change... Pervers. »
« Je n'ai aucun intérêt à regarder un humanoïde nu, expliqua le dragon avec calme. Nous les dragons le sommes toujours alors, la nudité ne nous excite pas comme vous êtres faibles. »
« Alors, tu peux me voir... Je me demande bien ce qui vient vous chercher dans ce cas, songea-elle en roulant les yeux. »
« De toute façon, le code vestimentaire de l'académie, tu y as pensé? »
« Il faut que je porte l'uniforme dans mes cours, aux évènements officiels et lorsque je m'entraîne. Alors, on se calme, je ne suis entrain de faire aucune de ces choses. »
« Toutes mes excuses. Lorsque j'étais vivant, c'était en tout temps. »
Azéna en conclut alors que ce dragon avait possiblement été lié à un dragonnier dans son passé.
« Même quand les apprentis dormaient? questionna-t-elle en affichant un sourire coquin. »
« Ne sois pas ridicule, rétorqua le dragon. C'est extrémisme ça. »
Azéna réalisa qu'elle s'était comporté grossièrement et ricana nerveusement.
« C'était une blague, ne t'inquiète pas. Je suis taquine comme tu as pu le constater. Bon, aux bains publics. Personne ne prend de bain à cette heure si tardive. Enfin, normalement. Nous aurons surement la paix. »
Azéna sortie de la Tour de la Connaissance et se mit en route vers les douches. Elle avait hâte de savoir à qui elle avait à faire.
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