41 - L'étrange silhouette
45e jour de la saison du marteau 2448 — PDV Azéna
Les étoiles n'étaient plus et la lune qui était d'un rouge virant au doré n'était que peu visible. En cette aube d'été, le vent faible s'avéra assez froid pour percer au travers de la couverture en fourrure dans laquelle était enroulé Azéna. La jeune dragonnière fixa le lever des deux soleils. À ses côtés, son fidèle dragon, Tyrath, utilisa ses ailes comme pare-vent. Les deux amis étaient assis sur le toit de l'académie d'Archlan depuis la fin de la journée. Ils avaient passé la nuit à discuter du combat contre Serfantor et Shalith, de Turion, de leur destin ainsi que du départ d'Azéna pour la saison du soleil.
— Tu devrais profiter des derniers moments de la nuit pour dormir, conseilla Tyrath. Tu en auras grandement besoin pour le voyage.
— Je pourrai dormir sur ton dos, répliqua la jeune adolescente avec obstination.
— Nous en avons déjà discuté. Je déteste l'admettre, mais Turion a raison. Je te causerai plus de tort que de bien à Nothar. Où vas-tu cacher un dragon du peuple dans cette ville étroite ?
— Étroite ? Oh, je suppose maintenant que je suis habituée à Atgoren... Et, pour te répondre, je te cacherai dans la forêt...
— Tu sais très bien que les chasseurs de dragons se feront un plaisir de me dépouiller de chacune de mes écailles. Le Sang du Dragon sont très dangereux en ce moment. Il faut être vigilant.
Azéna croisa les bras et enfouit la base de son visage dans le creux nouvellement formé. Elle savait bien qu'il ne devrait pas venir avec elle, mais il faisait partie d'elle à présent. Il était la personne qui comptait le plus pour elle avec Fayne immédiatement derrière lui.
— Nul besoin de cacher ton mécontentement, dit Tyrath avec un petit ricanement. Je sous-entends de ce comportement que tu n'as plus d'arguments et que je gagne.
— Tu vas me manquer, dit Azéna d'une voix brisée.
Tyrath détourna un œil surprit en direction de sa dragonnière. Son regard tenta de croiser le sien, mais celle-ci refusa d'établir la connexion. Il se contenta de sourire et poussa sa tête avec son museau en signe de réconfort.
— Tout ira bien, dit-il avec douceur. On se reverra dans peu de temps.
Azéna retient ses larmes, mais ne s'empêcha pas d'enrouler l'une des pattes avant de Tyrath dans sa couverture afin de la cajoler.
— Une saison au complet c'est long, pleurnicha l'archère. Je me sens comme si je ne vais pas te voir pendant des lustres.
— Je sais, répliqua Tyrath. Je comprends parfaitement ce sentiment.
***
Les heures passèrent et la lune disparue, laissant place aux soleils dont les rayons puissants illuminèrent le paysage. Azéna cacha ses yeux sensibles avec son bras.
— C'est officiellement la saison de l'accouplement, dit Tyrath.
— Pouah ! Quel surnom disgracieux pour la saison du soleil, ronchonna Azéna.
— Et comment l'appellerais-tu dans ce cas?
— Ummm... J'imagine que... la saison de l'amour.
— L'amour... Je me demande si je vais le rencontrer un jour.
— Vous les dragons, vous êtes toujours en train de parler d'accouplement, mais vous ne mentionnez jamais l'amour. C'est très étrange. En êtes-vous capable ? Enfin, de sentir ce sentiment romantique ?
— Je crois sincèrement que oui. Les dragons violets en parlaient et en raffolaient apparemment, mais les autres voyaient ce trait comme une faiblesse, comme une addiction inutile. Peut-être que ce n'est tout simplement pas dans notre culture.
Une tâche rouge apparue dans le ciel. Rendar ralentit et effectua un cercle autour des deux amis. Le grand dragon rouge les examina d'un œil suspicieux. Habituellement, il les aurait envoyés au grand maître afin qu'il les punisse, mais il se contenta de son observation et continua son chemin. Il rugit comme à tous les matins sauf que cette-fois, c'était pour la dernière fois de cette année.
Azéna était maintenant habitué à ce terrible son. Elle suivit Rendar du regard alors qu'il rapetissa à vue d'œil. Elle remarqua que l'imposant dragon rouge n'était plus aussi impressionnant depuis qu'elle avait vue Turion dans toute sa splendeur.
— Tu devrais aller préparer tes bagages, conseilla Tyrath.
Azéna hocha de la tête, démoraliser par son départ et sa séparation avec Tyrath.
— Où vas-tu aller ?
— Je ne serai pas bien loin. Je vais dire au revoir à mes amis qui partent avec leur dragonnier.
Azéna fit la moue.
— Ne soit pas jalouse, petite chose, ricana Tyrath.
— Ils sont chanceux de suivre leur dragonnier, répondit-elle. Et qu'est-ce que tu veux dire « petite chose » ?
Elle grimpa sur le dos du drake argenté qui ricanait en traînant la couverture avec elle. Elle jeta un coup d'œil en direction du nord où Nothar se dresse. La cité n'était nulle part en vue, mais elle savait qu'elle était là quelque part au-dessus de l'horizon. Un frisson parcourut son corps. La réaction n'échappa pas à Tyrath qui leva les yeux vers sa dragonnière pendant un bref instant. Le dragon ronronna doucement puis, il déploya ses ailes et se laissa planer jusqu'à la fenêtre de la chambre d'Azéna. Il s'accrocha au rebord et attendit qu'elle entre.
— Je serai bientôt dehors, informa Azéna.
Tyrath hocha de la tête et s'envola en direction du Grand Nid, laissant Azéna derrière. Celle-ci ferma la fenêtre pour empêcher l'air fraîche de pénétrer dans la chambre. Fayne s'étira avec paresse et ouvrit les yeux en baillant. Elle aperçut son amie qui observait le ciel.
— Qu'est-ce que tu fais debout avant moi et enroulée dans une couverture ?
— Je n'ai pas dormis, expliqua Azéna.
L'adolescente aux cheveux argentés s'assit au bord du lit de Fayne. L'herboriste se déplaça afin de lui permettre un peu plus de confort. Inquiète, elle posa une main sur la jambe d'Azéna.
— Ça va ?
Azéna murmura incompréhensiblement avant de enfin parler avec plus de confiance.
— Tu sais, la famille. Pour moi, ce n'est pas la joie. En plus de laisser Tyrath derrière... Ça me fait chier bon.
— J'espère qu'il sera fier de moi, répliqua Fayne après un long moment d'hésitation.
Azéna savait de qui elle parlait. L'idée qu'elle allait devoir endurer leur câlinage lui donna des nausées. Elle n'avait pas encore digéré l'idée de leur union et elle refusait de le faire. D'ailleurs, un détail important lui vint à l'esprit.
— Mais Fayne, les dragonniers ne peuvent pas se marier ni avoir d'enfants.
— Il y a Eldarytzan et Nymia, non ? souligna la brunette. Il doit bien y avoir une échappatoire à la règle. Il suffit de demander au grand maître.
— Qu'attends-tu pour le lui demander alors ? questionna Azéna avec rogne.
— Je désire attendre d'être plus respectée par les maîtres avant une telle demande. En tant qu'apprentie de première année, ce n'est pas sage. Je suis certaine que ce privilège n'est pas donner aisément.
Azéna se décida de laisser tomber l'argument pour l'instant. Les deux amies préparèrent leurs bagages en silence puis, elles descendirent au rez-de-chaussée en compagnie de Teriondil et Arièlla. Contrairement à d'habitude, l'elfe des bois se faisait bavard et était concentré sur le moment présent. C'était Azéna qui ne disait pas un mot ce matin-là. Trop de pensées sombres lui traversaient l'esprit.
— Ça va être bizarre sans vous, dit Arièlla.
— Tu t'es attachée, dit Fayne avec moquerie.
— Pas du tout, mais c'est un peu banal pendant les vacances.
— Tes parents doivent te tenir occupée, dit Teriondil. Ils ont du caractère en plus d'êtres dragonniers.
Arièlla ria à ces paroles et hocha de la tête en roulant les yeux. Elle remarqua ensuite qu'Azéna marchait devant eux et ne leur portait pas attention.
— Azéna, dit-elle en la rattrapant.
— Umm ? répliqua Azéna.
— Tu es silencieuse. Ça me rend inquiète.
— Par ici, dit une voix féminine.
Le groupe d'apprentis dragonniers levèrent le regard et aperçurent Fiara. La maîtresse les salua en baissant légèrement la tête puis, elle continua de diriger les jeunes dragonniers en direction de l'entrée principale.
— Allez dehors, je vous prie.
Tous se dépêchèrent à l'exception d'Azéna qui marcha d'une cadence lente. Elle laissa ses compagnons prendre de l'avance. Perdue dans la foule, elle passa devant deux gardes qui tenaient les grandes portes ouvertes. L'un d'eux, un elfe aux cheveux tressés la regarda avec méfiance tandis que son collègue humain lui offrit un sourire comme s'ils la connaissaient. Elle n'y prêta pas attention et continua son chemin.
Une fois à l'extérieur, elle fut surprise par l'apparition soudaine de Tyrath. Il battit des ailes avec bruyance sans se soucier de s'il dérangeait les autres apprentis et atterrit.
— Prête pour le grand voyage ?
Azéna chercha sa famille du regard, roula ses épaules endoloris par le poids de ses multiples sacs, ses armes et ses armures puis, hocha de la tête. Son expression agacée se transforma rapidement en choque car, elle se sentit soudainement menacée. Elle tourna la tête vers la droite et leva le regard vers les murs protecteurs de l'académie.
— Qu'est-ce que c'est ?
— De quoi ? répondit Tyrath.
Le drake suivit le regard d'Azéna et aperçut une silhouette humanoïde qui était accroupie sur le rebord des remparts. Celle-ci avait tout d'un homme à l'exception d'une paire d'ailes entrouvertes, une paire de cornes frontales arquées vers l'arrière ainsi qu'une longue queue qui dépassait du bas de son dos.
— Ce n'est pas un elfe ni un humain, dit Azéna. Qu'est-ce que c'est ?
— Je ne sais pas, dit Tyrath, mais ne nous en préoccupons pas tant qu'il ne fait qu'observer. Peut-être est-ce un garde ou un allié de l'académie. J'imagine que grand maître Terenas est au courant de sa présence. Il est fortement possible que ce ne soit qu'une statue aussi. Il ne semble pas respirer.
Azéna avait le sentiment bizarre qu'elle était surveillée, comme si cet être était là pour elle en particulier. Par instinct, elle vérifia si l'Œil du Savoir était bel et bien toujours dans son sac à dos. Soulagée que la plume fût toujours là, elle l'empoigna et le garda dans une poche de son manteau à capuchon.
— Je n'en suis pas si sûr, murmura Azéna avec méfiance.
— Ne t'en fait pas, dit Tyrath en évitant un court apprenti qu'il n'avait pas vu approcher.
— Tu grandis.
— Oh, vous ne faites que rapetisser.
— Il va falloir te mesurer lors de la rentrée de l'an prochain.
— Je n'ai pas grandi tant que ça.
Les deux amis poussèrent un rire alors qu'ils traversèrent la muraille extérieure d'Archlan pour se retrouver dans la cour de l'académie où les parents et gardiens attendaient les apprentis. Plusieurs dragons s'y promenaient, soit en marchant ou en volant. Rendar et Terenas patrouillaient silencieusement autour de la zone en planant.
— Azéna ! s'écria Fayne. Tu as croisé Umah par hasard ?
— Umah ? Non. Pourquoi?
— Je voulais lui dire au revoir.
L'herboriste disparut aussi rapidement qu'elle avait apparue, Buhrik à ses trousses.
— Bizarre, dit Tyrath.
— Très, dit Azéna. Mais, bon, Fayne est toujours pressée.
— Parce que tu la traînes dans tes retards.
— Ça, c'est son choix.
Tyrath ricana à sa manière, émettant un grognement étrange. Azéna repéra ses parents adoptifs de l'autre côté de la cour puis, tourna la tête. La silhouette suspicieuse avait disparue.
— Ce n'est donc pas une statue, dit Azéna.
Tyrath jeta un coup d'œil à son tour et son visage devint sévère, presque sinistre.
— Viens, dit-il en hâtant sa cadence.
Azéna obéit. Elle remarqua que les muscles de Tyrath étaient tendus. Il se dépêchait et sa respiration avait légèrement accélérée. Clairement, il était inquiet. Quelque chose le stressait et elle en devina la cause.
— Qu'est-ce que cette créature, Tyrath ?
— Si tu l'as vue aussi, alors, je ne pas victime d'illusions. C'est une créature extrêmement rare. Dangereuse, mortelle. Mais, on les croyait éteints car, ils étaient si peu et, il y a plusieurs années, ils ont tout simplement disparu.
— Qu'est-ce qu'il veut ?
— Je n'en n'ai aucune idée. Mais, espérons que ce n'ait rien à voir avec nous.
— Et qu'il est un allié.
— Ça aussi.
Il regarda à nouveau là où se trouvait la créature. Elle n'y était pas alors, il continua son chemin.
— Je n'aime pas ça du tout.
Il faillit heurter le grand frère d'Azéna et le fixa avec curiosité. Sérus ignora la présence du drake et se concentra sur sa sœur. Il la sonda avec attention puis, s'arrêta sur la plume qui dépassait de sa poche.
— Jolie plume.
Tyrath montra légèrement les crocs ce qui fit réagir les deux parents anxieux, mais pas la cible désirée.
— Dit à ton dragon de se tenir tranquille, ma sœur, dit-il avec froideur.
— Il a le droit de grogner après qui il veut, répliqua-t-elle. Ce n'est pas un animal domestique.
— Je croyais qu'ils entraînaient les dragons ici.
— Ils ont autant de droits que nous. Alors, on les traite avec le même respect.
Un sourire prétentieux se dessina sur les lèvres de Sérus. La queue de Tyrath fouetta le sol avec rage.
— N'es-tu pas heureux de revoir ta sœur, mon fils ? questionna Rivatha avec douceur.
Sérus ne répondit pas. Il continua de fixer Tyrath avec défiance.
— Montre un peu de dignité en face du public ! ordonna Bayrne à l'adolescente avec impatience. Tu es de sang noble. Comporte-toi comme je t'ai élevé.
— Quel bel accueil, dit Azéna avec sarcasme. Parlant d'accueil, tu n'es pas venu me chercher quand j'ai fugué ? Curieux. Cela a dû faire paraître la famille comme faible.
Seigneur Kindirah fronça les sourcils et plongea un regard noir dans les yeux de sa fille adoptive.
— J'ai autre chose à faire que de courir après toi. J'ai un royaume à gouverner et à protéger.
Rivatha posa une main sur l'épaule de son époux dans l'espoir d'adoucir son humeur noire.
— En fait, c'est Argent qui t'a trouvé, expliqua-t-elle. Elle a supplié ton père et il l'a envoyé à ta recherche. Ensuite, jusqu'ici après de longues journées de recherche, nous sommes venus aux portes d'Atgoren. Ils nous ont assuré que tu étais en sécurité et bien traité mais qu'ils ne pouvaient te laisser partir en pleine entraînement.
Une série de souvenirs avec ses frères et sœurs défilèrent soudainement dans l'esprit d'Azéna. La plupart d'entre eux étaient heureux. Elle devait avouer qu'elle les manquait énormément pour différentes raisons et ainsi, elle avait un peu plus hâte de retourner à Nothar.
— Argent a fait ça ? questionna-t-elle d'un ton adoucit.
— Elle était très inquiète, continua Rivatha. Elle a chevauché pendant quelques saisons et à demander des questions à ton sujet a chaque personne qu'elle rencontrait.
— Alors qu'elle avait des devoirs en tant qu'adulte qui requéraient son attention à Nothar, dit Bayrne avec sècheresse.
— C'est pour cela qu'elle n'est pas venue ? demanda Azéna.
Bayrne demeura impassible comme s'il s'efforçait de contenir sa frustration tandis que Rivatha soupira. Déçus de l'absence de sa grande sœur, Azéna continua en dégustant la rage de son père adoptif.
— Vous ont-ils expliqué ce qu'est d'être un dragonnier ?
— Bien sûr, dit Rivatha.
— Femme ingrate, explosa Bayrne simultanément.
Azéna resta surprise; son père l'avait souvent traité d'enfant, mais jamais de femme. À ce moment, elle réalisa qu'elle avait atteint la maturité aux yeux des Daigorniens. Elle était prête à recevoir son héritage. Elle était incertaine de comment elle se sentait par rapport à ce fait. Elle regarda le sol sous la pression de la confusion.
Bayrne leva le menton de sa fille et leurs regards se croisèrent.
— Écoute-moi bien. J'avais bon cœur de prendre une enfant qui n'est pas de mon sang et de lui donner mon nom. Voilà comment tu me remercie: en crachant sur ce nom et en offrant ta loyauté à un parfait inconnu.
Azéna savait bien qu'il parlait de Terenas. Un sujet de Daigorn, particulièrement une femme, ne pouvait pas renoncer ses services et sa loyauté à son royaume sans le consentement de son seigneur. Une telle action était considérée comme une insulte.
— Ne t'en fais pas, mon bon père, dit Azéna avec sarcasme. Je garde mon nom de famille et mon héritage. Cependant, les Gardiens passent avant le royaume. Ma loyauté demeure avec Terenas.
— En fin de compte, ces Gardiens ne sont pas les honorables êtres parfaits dont on parle, grogna Bayrne. De toute façon, ton devoir t'attend à Nothar.
— Soit patient chéri, dit Rivatha avec douceur. Attend pour un meilleur moment.
— D'accord, grommela Bayrne.
— Non, dit Azéna. C'est quoi ce devoir ?
— Pas maintenant ! hurla-t-il sans cacher la moindre miette de sa rage.
Sérus se détendit mais garda un air agacé. Azéna devina qu'il en avait assez de son père lui aussi ce qui l'inquiéta grandement car, elle savait qu'il était violent et cruel au fond. Rivatha s'approcha doucement d'elle et la serra dans ses bras.
— J'avais tellement eu peur, dit-elle en sanglotant. Oh, pauvre Fayne. Dis-lui qu'elle n'a rien à craindre de nous. Elle s'est enfuie avec toi par crainte d'être accusé de trahison. C'est compréhensible. Elle est toujours la bienvenue parmi nous. Parlant de Fayne, où est-elle? Habituellement, elle est toujours avec toi.
Azéna se sentit soudainement à la fois coupable et en sécurité. Elle adorait sa mère adoptive car elle la traitait comme une personne et non un objet avec un avenir écrit dans le roc. Lorsqu'elle l'a relâcha, elle remarqua qu'elle avait cessée de pleurer.
— Ça va aller, lui assura sa mère. Oh, mais tu as un peu grandi et... tu as pris du muscle, quelle guerrière. Et... oh ! Tes seins commencent enfin à se montrer. C'est bon signe ça, je m'inquiétais.
Azéna sentit ses joues s'empourprer généreusement et détourna le regard. Elle n'avait jamais été à l'aise avec le fait que les gens s'attendaient à ce qu'elle donne naissance un jour.
— Tu as tous tes affaires ? demanda Bayrne avant même qu'Azéna ne puisse répliquer à Rivatha. Le chariot nous attend.
— Chariot ? dit Azéna avec confusion.
— Évidemment. Pour toi et ta mère. Moi et Sérus nous allons être à cheval.
Un sourire malicieux se dessina sur le visage d'Azéna. Elle se tourna vers Tyrath qui comprit immédiatement ce qu'elle voulait. Elle s'avérait trop obstinée pour obéir à son père et avait prit la décision d'emmener Tyrath avec elle qu'importe les conséquences. De plus, il pourrait l'aider à causer la pagaille de temps en temps.
— Azéna..., dit Bayrne avec un mélange de panique et d'autorité. Pas de ce dragon à Nothar. Nous n'avons pas le temps de jouer. Tu as atteint l'âge d'adulte et...
La voix de Bayrne se perdit dans le derrière de l'esprit d'Azéna qui n'écoutait plus. Elle refusait de partir sans dire au revoir à ses amis alors, elle s'installa la selle sur Tyrath. De plus, elle ne pouvait pas laisser Fayne derrière.
— Que mijotes-tu ? demanda Bayrne avec colère. On part.
— Partez si vous le voulez, répondit Azéna. Tyrath peut rattraper votre chariot avec aise. En plus, avec vos grandes bannières violettes et blanches, vous ne serez pas difficile à trouver.
Tyrath déploya ses ailes dans toute leur splendeur.
— Attend un instant jeune femme disgracieuse! ordonna Bayrne. On prend la peine de venir te chercher et c'est ainsi que tu nous remercie ?
Tyrath s'élança et fendit le ciel à une vitesse fulgurante. Il rugit en passant entre les pattes du gigantesque Rendar. Le dragon rouge grogna, mécontent et visiblement agacé par le comportement enfantin du drake gris. Il jeta un coup d'œil en direction de son cavalier qui ria avec amusement. Il soupira et une bouffée de fumée sortie de ses naseaux. Tyrath continua son chemin en s'amusant à éviter les autres dragons en effectuant des manœuvres artistiques en plein vol. À sa droite, Buhrik et Fayne prirent places. Au même instant, Ella et Teriondil s'emparèrent du côté gauche. En dessous, un dragon rouge cracha du feu en signe de défiance.
— Une dernière course avant de se séparer, proposa Arièlla en souriant avec malice.
— Avec joie ! s'exclama Tyrath.
— Pourquoi ça ne m'étonne pas ? se lamenta Fayne.
Les trois autres dragons filèrent, laissant Buhrik derrière. Le dragon bleu sourit et leva les yeux vers sa cavalière.
— Accroche-toi.
Fayne n'eut pas le temps de réagir. Buhrik avait déjà gagné beaucoup de vitesse en battant furieusement des ailes. Elle hurla, se baissa et se cramponna à la selle. Le dragon s'éclata de rire.
— Tu vas trop vite ! s'écria Fayne, complètement apeurée.
Elle ferma les yeux, incapable de ménager sa peur.
— Tu dois apprendre à vaincre cette peur des hauteurs, répliqua Buhrik. Elle nous handicape grandement. De plus, je m'amuse un peu.
Pendant une demi-heure, les huit amis s'amusèrent dans le ciel à se battre amicalement, à se jouer des tours ainsi qu'à faire la course.
— C'est encore nous qui avons gagné à la course, acclama Azéna.
— En effet, répliqua Tyrath. Mais, c'est Teriondil et Ella qui possèdent le plus de facilité en maîtrise élémentaire, Arièlla et Harath qui sont les plus redoutables physiquement tandis que Buhrik et Fayne sont ont les plus rapides d'esprit et qui sont les plus sages.
— Chacun possède sa force unique.
— Je vois déjà un potentiel d'équipe ici.
— On verra l'an prochain. Pour l'instant, je crois que tu devrais rattraper un certain chariot.
— Je suis d'accord.
— Prête à partir, Fayne et Buhrik ?
— Alors, ce chenapan vient avec toi, dit Buhrik en parlant de Tyrath avec un petit sourire.
— Oh que oui, répliqua Azéna avec solidarité.
— J'avoue qu'on devrait partir, informa Fayne.
Les dragons se posèrent pour laisser leurs dragonniers se dirent au revoir sur la terre ferme. Arièlla et Azéna se serrèrent la main, le regard pétillant puis, sans avertissement, Azéna donna une petite poussée à la blonde comme pour lui lancer un défi.
— L'année prochaine, avertit Arièlla, tu ne vas pas t'en sortir si aisément.
— Je ferai de mon mieux pour te donner une raclée au skotar, répondit Azéna, souriant largement.
Teriondil leur donna un câlin à tous et leur offrit des fleurs du crépuscule, mais ils refusèrent poliment. Comme à son habitude, l'elfe des bois ne compris pas pourquoi ses amis réagissent si mal à ces fleurs.
— Vous voilà enfin ! s'écria une voix forte, mais usée par l'âge.
Ils se retournèrent tous vers la source de la voix et aperçurent une vieille femme accompagnée par une créature bipède écaillée qui faisait près de la moitié de la hauteur d'un adulte humain.
— Leith ! appela Azéna.
— Et Shirah, continua Fayne.
La brunette prit quelques instants pour aller cajoler la troxxe.
— Tu as tellement grandis. Tu seras bientôt prête pour porter un cavalier adulte.
Shirah se mit à ronronner alors que Fayne lui grattait le menton. Azéna, de son côté, prit plus plaisir à discuter avec la guérisseuse.
— Je voulais tout simplement vous dire au revoir, expliqua Leith en s'appuyant sur son bâton. Faites bien attention à vous. Des gens bizarres rôdent dans les parages.
— J'ai remarqué, répondit Azéna en visualisant la silhouette ailée dans son esprit.
— Quelque chose ne va pas ?
— Récemment, j'ai un mauvais pressentiment qui ne cesse de revenir.
— Moi aussi. Alors, sois prudente en retournant à Nothar. Je prévois te revoir pour ta deuxième année en un morceau.
— Bien sûr. J'ai Fayne et deux dragons avec moi. Je suis assez bien protégée.
Elle se tourna vers Fayne.
— Ah oui, j'oubliais... Tu n'as rien à craindre. Tu peux rentrer chez toi. Mes parents comprennent ta situation et te pardonnent. Enfin... Mon père te pardonne... Tu sais bien que ma mère s'en fou et t'adore.
Le sourire de Fayne lui fit chaud au cœur. Elle était heureuse que tout se soit bien terminé et ce malgré qu'elle ne fût toujours pas d'accord avec le mariage d'elle et de Sérus.
— Ne fait rien d'impulsif, dit Leith. Vous êtes encore jeunes et avez beaucoup à apprendre.
— Je veillerai sur elle, promit Fayne en faisant un clin d'œil en direction d'Azéna. Elle est parfois idiote, mais ça devrait bien aller.
— Ça va, grogna Azéna en fixant Fayne avec défiance. Tch, je ne suis pas une enfant.
Leith regarda les deux adolescentes avec intérêt. Elle n'avait pas prononcé un mot à ce sujet ce qui réjouit Azéna. Les deux amies la saluèrent puis, enfourchèrent leur dragon. Buhrik et Tyrath ouvrirent leurs ailes et se préparèrent à l'envol.
— Bon voyage et gardez les yeux ouverts, conseilla Arièlla. Et, n'oubliez pas de vous entraîner quotidiennement pour garder votre forme physique et soyez toujours prêtes pour quoi que ce soit !
— Tch, on dirait une mère, ronchonna Azéna.
— Azéna ne soit pas si grossière alors qu'on part pour si longtemps, gronda Fayne.
À son tour, Teriondil grimpa sur le dos d'Ella et se fabriqua des rênes en herbes entortillés. Il s'inclina brièvement.
— Soyez toujours près de vos sentiments.
— Que vos chasses soient fructueuses et que vos proies se recroquevillent devant votre puissance, souhaita Ella.
La dragonne verte secoua la tête. Les multiples ornements rudimentaires accrochés à ses cornes s'entrechoquèrent, émettant des cliquetis. Tyrath et Buhrik se regardèrent avec innocence puis, s'élevèrent vers le ciel en direction du nord. Ella suivit mais vira vers le nord-ouest. Les dragonniers firent signe de la main alors qu'ils disparurent dans le ciel qui s'assombrissait rapidement.
— Pas trop froid? demanda Buhrik à Fayne ainsi qu'à Azéna.
— Ça ira, répliquèrent-elles.
Lorsqu'ils passèrent devant l'académie d'Isriss, ils furent distraits par un dragonnier à fier allure sur sa monture: une énorme dragonne blanche. Vigoth les salua d'un mouvement gracieux et sourit amicalement. Son regard croisa la plume violette puis, son visage afficha une expression malicieuse. Perchée sur le toit d'une tour, Karia roula les yeux alors que Tyrath bomba le torse en tentant de l'impressionner encore une fois. Le jeune dragon gris failli foncer dans un drapeau qui ondulait dans le vent. Heureusement, il l'évita de justesse. Vigoth ne put s'empêcher de rire. Karia secoua la tête, exaspérée des comportements de Tyrath et de son dragonnier.
— Fait un peu attention, dit Azéna dans une voix à demi-sérieuse, à demi-amusée.
— Désolé, s'excusa Tyrath. Elle est jolie.
— J'avoue. C'est une belle dragonne, mais elle est bien trop vieille pour toi. En plus, c'est la dragonne d'un grand maître.
Tyrath leva l'index et afficha une expression sage, lui donnant un air qui ressemblait étrangement à Buhrik.
— Un jour, tu verras bien. Il ne faut pas perdre espoir.
— Rêve toujours, dit Azéna en lui tapotant l'épaule.
— Je savais que tu n'allais pas laisser Tyrath en arrière, dit Fayne.
Un large sourire se dessina sur les lèvres d'Azéna. Alors qu'ils quittèrent la protection d'Atgoren, tous admirèrent le paysage. La nuit commençait à tomber.
— Au moins, dit Fayne en contemplant les étoiles, nous n'aurons pas à marcher comme la première fois.
Azéna ne l'écouta pas. Elle était trop occupée à scruter la forêt à côté de laquelle ils passaient.
— Azéna ? appela Fayne.
Son amie ne réagit pas.
— Tu le sens, toi aussi ? demanda Tyrath sa dragonnière.
— Oui, répondit-t-elle. Il est là, quelque part. Il nous observe.
Perché sur une branche branlante, une silhouette humanoïde aux traits reptiliens suivait les deux dragons et leurs dragonnières du regard. Dissimulé dans la pénombre, on ne voyait que ses yeux dorés qui s'illuminaient dans la nuit. Sa pupille était ronde comme celle d'un humain. Il resta immobile jusqu'à ce que ses cibles d'intérêts ne soient plus que des points noirs qui disparaissaient au loin. Il agrippa la branche sur laquelle il était installé à deux mains. Il ouvrit légèrement la bouche et poussa un petit grognement. Il se laissa tomber dans le vide. Dans sa chute, il ouvrit les ailes et se laissa planer paresseusement vers le nord en direction de Nothar.
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