Mesures musclées

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Le regard insistant de son voisin le convainquit. Il avala le reste de ses œufs et son café en deux bouchées et se leva pour le suivre. Ils parcoururent cent mètres avant que Jones ne commence.

— J'ai perdu une de mes vaches cette nuit. Et pourtant, j'ai vérifié : aucune faille dans ma clôture. Ce ne sont pas les coyotes. Mais je ne sais pas ce que c'est.

— J'aurai peut-être une idée. Tu peux me montrer les blessures ?

— C'est le chemin qu'on prend. On arrive bientôt.

Ils passèrent une barrière de bois. Le reste du troupeau était acculé contre les barbelés, à s'en déchirer le cuir. Elles tremblaient de tous leurs membres. La peur qui les étreignait était palpable. Ces vaches ne s'inquiétaient pas tant pour des coyotes. Elles en avaient déjà vu. Tom comprenait mieux le trouble de son voisin. Le cadavre était couché sur le côté. Il n'eut pas besoin de la regarder longtemps pour remarquer que les coups de crocs étaient similaires.

— Tu as déjà vu ça ? demanda l'éleveur.

— Oui, hier. Mon fils m'a montré un cerf en plein dans la forêt. Ça ressemblait à ça. Il y a les mêmes entailles profondes. Ici, elles sont plus nombreuses pourtant. L'animal a dû s'acharner.

— Quel animal ?

— Je pensais à un loup à dents de sabre.

— Un loup à dents de sabre, répéta Jones. Ici ? En plein midwest ? Mais il n'y a pas de montagnes ou même de collines pour qu'il se cache.

— C'est pour ça que je pensais qu'il continuerait son chemin, soupira Tom. S'il reste ici deux jours de suite, c'est qu'il est en train de s'installer. Nous devons organiser une battue au plus vite. Sinon, il risque de te tuer une vache tous les jours.

Ce fut Jones qui se chargea de rameuter les fermiers des alentours. Il alla même à la ville voisine pour rameuter le shérif et ses assistants. Elle fut fixée pour le lendemain même. Elle durerait jusqu'à trois jours, quitte à camper. En trois jours, on aurait eu le temps de battre le comté et si la bête ne se montrait pas, c'est qu'elle aurait eu la sagesse de prendre le large.

Marie s'inquiéta de cette nouvelle au repas du soir. Ses garçons boudèrent car ils avaient voulu participer. Virginie, trop petite pour comprendre, parla encore de la licorne. Personne ne l'écouta et vexée, elle se mit à pleurer. Elle fut envoyée dans sa chambre pour se calmer. Le dessert se termina dans un silence pesant.

Les garçons restèrent dans la cuisine à jouer aux cartes pendant que Marie lavait la vaisselle. De son côté, Tom nettoyait et vérifiait son fusil. Des petits cliquetis se firent entendre. Tous s'interrogèrent. Après quelques secondes, ce fut le cri de Marie, qui avait couru jusqu'à l'escalier, qui les fit comprendre :

— Virginie ! Fais sortir les pégases de ta chambre tout de suite ! S'il y a des saletés, c'est toi qui va nettoyer !

L'incident détendit l'atmosphère. Tom avança :

— Je crois qu'on n'y peut rien : elle a un don avec les bêtes.

— Oui, mais je préfèrerai qu'elle les dresse ailleurs que dans sa chambre, soupira Marie. Et quelle imagination elle a ! Elle n'a même pas voulu de la nouvelle poupée que je lui ai faite ce matin. Vois, elle a encore parlé de sa licorne aujourd'hui.

— Dis Papa, demanda Ben, le plus jeune des deux fils, les licornes, ça ne vit pas que sur le vieux continent ?

— Si, jamais il n'y en a eu en Amérique. Elle a dû voir ça dans un livre d'image.

— Elle regardait les planches du dictionnaire l'autre jour, se rappela Rick. Ça a dû la frapper : un cheval qui n'existe pas par chez nous !

— Sans aucun doute, dit Tom en se levant. Bon, je vais au lit. Les prochaines journées seront rudes. Rick, Ben, je compte sur vous pour surveiller les champs. Faites attention au blé : je le trouvais légèrement violacé aujourd'hui. Vérifiez bien qu'il garde sa couleur bleu clair habituelle. Et ne vous séparez pas, faites attention. Vérifiez aussi si le sanpertuis a bien disparu du champ de la croix. Au besoin, attrapez quelques pégases d'ici et amenez-les là-bas.

— On demandera à Virginie de nous aider pour ça, rit Ben.

— Bonne idée mais ne l'emmenez pas dans les champs avec vous. Elle est trop petite. Je veux qu'elle reste avec votre mère.

Sur ces derniers mots, il les embrassa tous et alla se coucher. La nuit s'avéra agitée pour Tom.

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