3/2 - Éloïse
Le lendemain, le beau temps semble être revenu entre eux. Papa part aux courses, avec Mélodie et moi, toujours pour avoir un peu de réseau. Les achats sont vite faits et il nous invite au café, ce qu’il n’a jamais fait. D’habitude, on a un petit moment dans la voiture pour nos échanges sur le mobile, mais c’est tout.
Là, papa prend son temps. Il cherche longuement quelque chose sur internet. En tapant nos messages, nous gardons un œil sur ce qu’il fait, il nous intrigue. Avec Mélodie, on échange des regards amusés et interrogateurs. Finalement, il a l’air content. Il nous laisse en disant qu’il doit passer un coup de téléphone. Il s’éloigne un petit peu, pour que nous n’entendions pas. Quand il revient, il a un grand sourire sur le visage et il nous fait un clin d’œil. Il nous fait promettre de ne rien dire, car cela va être une sacrée bonne surprise. Je ne suis pas sûre que maman va trouver cette idée bonne : je devine qu’il a trouvé comment faire pour explorer l’autre partie du souterrain.
Le lendemain soir, alors que nous revenons de la baignade, arrive le plus beau mec que j’ai jamais vu. Il est grand, fin, un visage merveilleux, un peu basané, avec une barbe courte et des yeux très clairs, remplis de gentillesse. Je vois que Mélodie pense la même chose. Il est beaucoup plus vieux que nous, même s’il est plus jeune que les parents. On a envie d’être dans ses bras. C’est un vrai prince charmant. J’entends à peine ce qu’ils se disent avec papa, tellement je suis occupée à l’admirer. Ils descendent à la cave.
Vincent, il s’appelle Vincent, semble très intéressé. Il promet de revenir dès le lendemain avec une amie spéléologue pour voir comment explorer le second souterrain. Ils verront alors si nous pouvons les accompagner. Une fois Vincent parti, Thomas se moque de Mélodie et surtout, de moi, disant que nous sommes des godiches qui tombent amoureuses du premier bellâtre (il connait de sacrés mots quand il est en colère !) qui passe. De toute façon, sa copine spéléo, ce doit être sa petite amie, et nous pouvons toujours courir, il est pris, ce n’est pas un homme pour des petites gamines comme nous. Il continue, continue, jusqu’à devenir lourd. Mélodie lui demande de se taire. Je le regarde, et je vois ses yeux perdus. Je lui envoie alors comme un petit baiser avec mes yeux, pour m’excuser. Il parait rassuré, et il se tait immédiatement, un peu désemparé d’avoir laissé voir ce qu’il ne comprend pas.
De toute façon, il a raison, car le lendemain, quand Vincent revient avec sa copine, Ariane, on voit tout de suite qu’ils sont ensemble. N’empêche qu’on pouvait rêver sur ce prince charmant : je range soigneusement son image dans un coin de ma tête, elle y est toujours. Tom parait trop content d’avoir raison. Comme il m’énerve, je lui tire la langue. Je m’attends à une dispute, mais il m’envoie alors un baiser. La première fois qu’il me montre qu’il m’aime ! Il est adorable.
Nous nous sommes équipés. Ils avaient apporté des casques, avec une lumière sur le devant, raccordée à une batterie qu’il faut s’attacher à la taille. Nous enfilons un pull, des chaussures qui tiennent bien au pied et nous pouvons démarrer. Auparavant, ils nous défilent toute une liste de consignes de sécurité que nous devons absolument respecter. Finalement, Alexandre ne vient pas avec nous : maman trouve que cela est trop risqué et qu’il est encore trop petit. Cela n’a pas l’air de trop le contrarier.
Nous descendons dans la salle basse. Vincent et papa arrivent, avec beaucoup de mal, à ouvrir la porte de droite, légèrement, mais suffisamment pour qu’ils puissent passer en se faufilant. Après avoir un peu exploré avec Ariane, ils reviennent en nous disant que nous pouvons venir avec eux. Vincent marche devant, suivi par Ariane. De ce côté, il n’y a pas de toiles d’araignée, c’est beaucoup mieux ainsi. Il ne fait toujours pas chaud. À un moment, le sol devient très humide et glissant. Notre beau guide nous dit que nous devions passer sous le ruisseau. Nous avançons lentement. Le sol monte puis nous découvrons des escaliers. Le souterrain est assez large pour une personne, mais se croiser serait difficile. Tantôt, il est taillé dans la roche, tantôt, il y a une voute en pierres. Vincent tape de temps en temps sur le plafond, en nous expliquant qu’il vérifie ainsi qu’elle ne va pas nous tomber dessus. Nous marchons pendant un bon moment. Au fur et à mesure, je sens une peur monter en moi. Je me dis que si le souterrain s’effondre alors, nous sommes morts, car il est impossible de savoir où on est exactement et de venir nous chercher. J’ai de plus en plus peur, mais je n’ose rien dire. Ils ont forcément l’habitude. S’ils nous ont emmenés, c’est qu’ils pensent qu’il n’y a aucun danger. Je me rassure, mais ça ne marche pas trop. À un moment, la voute est effondrée. Vincent regarde attentivement, interroge Ariane, et dit que nous pouvons passer, en « crapahutant », selon son expression. Il faut se mettre à plat ventre et ramper sur le tas de terre et de pierres. Cela devient de plus en plus inquiétant. Le sol monte maintenant, il y a des marches de temps en temps, parfois un petit escalier. Il n’y a aucune aération, et je pense que nous allons mourir asphyxiés si nous continuons trop longtemps.
Finalement, nous arrivons en bas d’un escalier à vis. Vincent commence à monter, en nous demandant de l’attendre. Il ne va pas très loin et il revient en nous disant que c’est complètement bouché. Nous faisons alors demi-tour. C’est encore plus long dans ce sens et j’ai vraiment hâte de sortir de ce trou. Pas question de courir. La salle basse semble chaude, la cave encore plus et, quand nous sortons en plein soleil, j’ai la tête qui tourne. Je suis complètement éblouie. Tout le monde met un petit moment à retrouver ses esprits. Je mets longtemps pour arrêter de trembler de peur. Personne ne s’en aperçoit, heureusement.
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