10 - Thomas
Nous sommes d’accord pour ne jamais descendre plus profondément dans les trous des carrières. En revanche, quand un escalier monte, nous allons voir où il mène. Ils finissent tous sur une porte fermée ou dans une salle sans issue. Nous avons trouvé ainsi les accès des immeubles de tous les ilots. Ce sont toujours des escaliers en pierre, ou en ciment pour les plus récents.
Quand nous tombons, dans un recoin, sur un escalier en bois, nous sommes étonnés. Comme il semble en bon état, avec de grosses poutres, nous montons. Nous arrivons dans une petite pièce, une cave minuscule. Un autre escalier en part, remontant vers une porte en bois, fermée bien entendu et qui semble solide. Cette petite cave nous intrigue, car elle ne ressemble à aucune autre que nous ayons déjà vue. Nous examinons les murs, avec les mains, en tapant dessus, comme si nous cherchions quelque chose. Tout d’un coup, sous ma main, ça sonne creux. On devine alors, même si c’est la couleur du mur à côté, qu’il s’agit d’une porte en bois, car on voit bien les deux rainures. Nous essayons de l’ouvrir, mais comme elle n’a pas de poignée ou de serrure, c’est impossible.
Conseil de guerre : nous décidons que nous allons l’ouvrir ! Il faut du matériel de bricolage : un pied de biche, une masse, des burins, instruments dont nous trouvons la description sur internet. Nous descendons donc au magasin de bricolage en bas de chez nous et trouvons ce qu’il nous faut. Nous n’avons pas pensé que des gamins de notre âge achètent rarement des outils de cambriolage… La caissière fait une grimace et nous demande pourquoi nous avons besoin de tout ça.
Nous prenons l’air d’enfants perdus, bien sages et comme il faut. Ça passe ! Et on doit se retenir jusque dans la rue pour ne pas éclater de rire, tout en emportant notre matériel. Nous avons hâte de retourner ouvrir cette porte, mais il faut attendre deux jours, car nous voulons avoir assez de temps.
Quand nous pouvons enfin retourner dans notre monde secret, avec tout notre matériel de voleur, nous sommes tellement excités que nous partons sans tirer notre fil. Nous commençons à connaitre cette partie comme notre poche. Quand nous nous en apercevons, nous faisons vite demi-tour pour aller le chercher et le tirer : nous avons quand même toujours un peu peur dans ces grandes cavités noires.
Nous retrouvons facilement notre petite cave et sa porte fermée. Nous essayons le pied de biche, mais nous ne trouvons aucune fente pour l’introduire. Nous voilà obligés de faire un trou à côté, avec la masse et le burin. Dans le silence des carrières, nous avons l’impression de faire un bruit d’enfer. Enfin, nous pouvons glisser le pied de biche. Fatine appuie fort dessus, rien ! Je l’aide : ça ne bouge toujours pas. La porte est solide. Nous n’avons aucun moyen pour savoir comment elle est fixée, s’il y a des gonds, ni où ils sont. Comme nous ne pouvons pas démolir tout le mur, nous reprenons nos examens tout autour. Nous ne voyons rien de spécial et nous ne comprenons absolument pas comment on peut l'ouvrir. On abandonne, le temps de réfléchir. Même avec des cerveaux comme les nôtres, on ne trouve pas de solution. On abandonne. On y retourne et chaque fois on regarde tout dans le détail.
À environ un mètre de cet endroit, il y a un anneau pour tenir les torches, comme dans les châteaux. Fatine le prend dans sa main, le soulève.
— Tiens, il a l’air mal fixé, on dirait qu’il tourne sur son attache.
— Essaie de le défaire, je dis, ça nous fera un petit trésor à remonter.
— Non, il tourne un peu, mais pas plus.
— Attends !
Je viens à lui avec le pied de biche, nous l’enfilons dedans, et nous arrivons à faire tourner l’anneau et son attache, sans arriver à le décrocher. On entend alors un clic et Éloïse, encore proche de la porte, la voit qui bouge un peu.
— Une porte secrète, vous avez réussi à la faire ouvrir ! Vous êtes géniaux, mes frères !
Nous nous précipitons à côté d’elle. Doucement, elle la pousse. Elle est constituée de deux rangées de planches croisées et une plaque de fer à l’intérieur : une vraie porte blindée. Nous voyons un petit espace s’ouvrir. Je vais pour m’avancer, mais Éloïse me retient.
— Attends ! S’il y a une porte secrète, il y a peut-être des mécanismes de défense, comme dans Indiana Jones. Il faut faire attention.
Elle a raison, mais elle me fait peur. Je n’ose plus bouger et Fatine non plus.
— On y va doucement. On regarde bien.
Nous éclairons en haut, en bas, sur les côtés : rien de visible. La pièce semble toute petite.
— Il ne semble pas y avoir de pièges. On y va ?
On pénètre dans cette pièce sans problème. Elle est presque vide, à part cinq petites caisses posées sur des poutres. Nous nous approchons. Fatine essaie de soulever une caisse : impossible. J’essaie à mon tour : elle semble tellement lourde qu’on ne peut la bouger. Chaque caisse est cerclée de fer, avec une énorme serrure. Avec le pied de biche, il nous est facile de la faire sauter, parce que le bois est un peu pourri. Nous soulevons le couvercle. Déception ! Nous ne voyons que des rouleaux de papier et des cahiers.
Éloïse attrape un de ces rouleaux, veut le soulever, nous regarde et s’exclame :
— Mais ça pèse une tonne, ce machin !
Nous le sortons et nous l’étalons par terre avant de le dérouler. Surprise ! Plein de pièces apparaissent.
Éloïse en prend une, ainsi qu’un cahier et nous propose d’en rester là pour aujourd’hui.
— On remonte avec ça et on essaie de comprendre, OK ?
Nous remettons le rouleau dans la caisse, nous la refermons et nous sortons de cette petite cave. Nous essayons de refermer la porte, mais il est impossible de la bouger. Je remarque alors, de l’autre côté, un deuxième anneau. Je dis que c’est peut-être le mécanisme de fermeture. Comme avec l’autre anneau, nous passons le pied de biche dedans et nous arrivons à le tourner, ce qui fait refermer la porte. Enfin presque, parce qu’il reste une entrouverture.
— Les amis, nous venons de découvrir une chambre forte et son trésor ! Reste à savoir ce que c’est que tout ça. On remonte ?
Je ne vous raconte pas notre excitation ! Une fois sortis, nous filons dans la chambre d’Éloïse, sur internet. La pièce, c’est facile, on voit très vite que c’est un Napoléon, une pièce de vingt francs, en or ! Ça vaut horriblement cher ! Dire qu’il y a en plein dans cinq caisses ! Enfin, on dirait bien…
En attendant, nous ouvrons le cahier. Il est complètement illisible et, franchement, on s’en fout un peu. Éloïse le range, en disant qu’elle va s’en occuper.
Nous sommes fiers et excités par notre découverte, mais finalement, nous ne savons pas quoi en faire. Pas question de raconter aux parents ce qu’on a trouvé et encore moins comment on l’a trouvé ! On se ferait exploser ! Éloïse garde le napoléon et le cahier. Nous y retournons, pour essayer de voir ce qu’il y a dans les autres caisses. Elles sont tellement lourdes que nous ne pouvons pas les bouger. Nous essayons de compter les rouleaux et le nombre de pièces dans la caisse que nous avons ouverte. Avec le prix que nous avons trouvé sur internet, c’est une somme colossale que nous calculons, plusieurs millions ! Un nombre tellement gros qu’il ne veut rien dire pour nous. Nous discutons longtemps, mais nous savons bien que, comme nous ne dirons rien aux parents, il n’y a plus rien à faire. On a trouvé un trésor et on ne sait pas quoi en faire ! Le sensationnel, c’est d’en avoir trouvé un. Alors, pourquoi pas un autre ? Nous abandonnons cette cave pour reprendre nos explorations.
Annotations
Versions