11 - Thomas
Cette trouvaille nous a beaucoup excités et nous pensons tous, sans nous le dire, que si on en a trouvé un, on peut en trouver d’autres.
Cela faisait plusieurs fois que l’on passait dans cette cave. Nous passions toujours sur le bord, car il y avait un grand trou au milieu. J’avais remarqué dès nos premières visites cette marque sur le mur du fond. Cette fois, je me suis dit qu’il y avait peut-être quelque chose derrière ces traces curieuses. On ne s’était jamais vraiment intéressé aux inscriptions sur les murs. J’avance, intrigué, le regard fixé sur mon objectif et tout d’un coup, je n'ai plus rien sous moi. Je tombe dans un trou, au fond d’une autre salle. J’ai dû perdre un peu connaissance, car je mets du temps à entendre les voix d’Éloïse et de Fatine m’appeler. Je suis dans le noir. J’ai dû tomber la tête en avant parce que ma lumière ne fonctionne plus. J’ai mal à une épaule et j’ai du mal à bouger.
Je crie pour les appeler, sans pouvoir leur faire de signes. J’ai à peine ouvert la bouche que je reçois un gros colis, qui me tord le pied en arrivant : Éloïse ! Je l’entends crier immédiatement.
— Fatine, ne viens pas, ne bouge pas. Il y a un trou et nous sommes tombés dedans.
Puis elle se tourne vers moi, m’éblouissant avec sa lampe :
— Tom, ça va ? Tu n’as rien ?
— Je crois que mon épaule a trinqué. Et tu viens de me tordre le pied en tombant. Toi, ça va ?
— Oui, oui, je ne me suis rien tordu.
Elle crie :
— Fatine ! Va chercher des secours, on t’attend !
On voit une lumière s’approcher, puis la tête de Fatine apparaitre au bord du trou.
— Ça va, vous n’êtes pas blessés ? Ne craignez rien, je suis à plat ventre, je ne vais pas tomber.
Lui, non, mais son casque, oui ! Il ne l’avait pas attaché et, en se penchant, il le fait tomber, en entrainant la batterie qu’il n’avait pas non plus attachée !
J’entends un gros mot.
Éloïse le ramasse et essaie de le lui lancer. Mais le plafond est trop haut, elle n’arrive pas à l’atteindre.
J’entends un autre gros mot. Un silence, puis Éloïse lui dit :
— Fatine, tu fais doucement demi-tour, tu retrouves le fil, en rampant pour ne pas tomber, et après, tu remontes jusqu’à la porte. Ça va aller ? Tu sais dans quelle direction il est ?
Le problème, c’est que j’avais quitté Éloïse, qui déroulait le fil, et Fatine qui la suivait. Je m’étais bien éloigné de dix mètres. Éloïse et Fatine, pareil ! Et dans le noir le plus complet, il fallait que Fatine retrouve ce fil, vraiment très fin.
— Tenez bon, j’y vais.
— OK.
Maintenant, c’est le noir et le silence. Éloïse explique :
— Je préfère éteindre, pour garder la lumière quand on en aura besoin. On a deux casques, ce sont des LED, on a de la ressource. Tu me dis si tu veux de la lumière.
— Oui, tu as raison. Ce dont j’ai le plus peur, c’est le froid ! On s’habille toujours pour passer une heure ou deux, pas plus longtemps. Je commence à avoir froid.
— On va se tenir chaud, tous les deux.
Je la sens s’allonger contre moi. Ce serait formidable si ça ne me faisait pas mal à l’épaule. Puis je sens sa main sur mon front.
— Mais tu es brulant, tu as de la fièvre !
— Pas parce que je suis tombé ! Mais je ne me sentais pas bien ce matin. Papa m’a donné un doliprane en disant que ça allait passer.
— Dors, si tu le peux, c’est la meilleure chose à faire.
L’avoir à mes côtés me rassure, et puis je commence à avoir la tête qui tourne, je me laisse aller.
Je ne sais pas combien de temps j’ai dormi. Quand je me réveille, j’ai toujours froid, je suis dans le noir. Je ne sais pas où je suis. Et puis je sens une douce chaleur contre moi. J’entends une respiration calme, je me souviens maintenant, c’est Éloïse. Elle dort. Nous sommes au fond d’un trou. Il n’y a rien à faire. Je me rendors. Plusieurs fois comme ça. Un moment, quand je reviens, je me sens mieux, la fièvre a dû tomber. J’entends sa voix.
— Ça va aller, Thomas, on va venir nous chercher. Fatine est sans doute arrivé à remonter. Il faut juste attendre encore un peu. Tiens bon, mon Tom.
Puis elle prononce des paroles que je ne savais pas qu’on pouvait les dire, des paroles que je ne savais pas qu’on pouvait les entendre. Ces paroles, elle les dit pour moi. Je ne vous les rapporterais pas, tellement elles sont merveilleuses pour moi. Je suis heureux de la sentir contre moi, douce, fragile, forte. Ce qu’elle me dit est tendre, chaud. Je ne bouge pas. Je suis bien, tout est calme, apaisé, heureux. Inutile de continuer.
Je me rendors.
Je me réveille, j’ai chaud, une grande main tient la mienne. J’essaie d’ouvrir les yeux, mais je me sens repartir. Puis je reviens, j’entends des voix que je connais, je repars.
J’arrive enfin à me réveiller. C’est bien sûr la main de papa qui tient la mienne. Mélodie est à côté de lui, elle me sourit, d'un sourire immense. Maintenant, je me rappelle, la carrière, le trou…
— Éloïse, Fatine…
— Ils vont bien. Ils sont encore en observation, mais ils vont venir dès qu’on va leur dire que tu es réveillé.
— Pourquoi, j’ai dormi ?
— Tu as eu une anesthésie pour l’opération du pied. Pour l’épaule, ça a été un bandage.
— Papa… J’ai eu peur…
Mes yeux se mouillent. Oui, j’ai vraiment eu très peur.
— Je sais. Nous aussi. On en parlera plus tard, si tu veux. On est là, ensemble. Les bêtises, elles sont derrière, sans importance maintenant.
Il ne dit rien, mais je vois que ses yeux sont mouillés. Les miens se remplissent de larmes. J’ai eu tellement peur de mourir.
Heureusement, les deux autres débarquent alors. Je pleure et je ris en même temps. On s’embrasse et on pleure ensemble. C’est fini !
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