12 - Thomas
La police vient plusieurs fois et nous devons tout expliquer depuis le début. Ils nous questionnent séparément et ensemble. À croire que nous sommes des criminels. On leur raconte tout. Enfin, presque, car nous nous étions mis d’accord sur le trésor : secret absolu, il est à nous ! La clé, oui, on l’avait volé et on en avait fait un double, il n’y avait personne d’autre au courant que nous trois. Quand Éloïse leur répond que la clé a dû tomber de sa poche, car elle ne l’a plus, elle me fait un peu peur : on ne ment pas à des policiers. Elle m’explique après qu’elle veut conserver un trophée. De toute façon, maintenant, il y a trois serrures à la porte, et, l’air de rien, devant nous, Fatima a dit à Fatine que le service des carrières avait deux des trois clés. Notre aventure est bien terminée. De toute façon, on n’a plus trop envie de jouer les spéléologues amateurs.
Il faut aussi expliquer aux parents les cinq-cent-quarante-huit euros qui restent dans notre cagnotte. Ah, oui, je ne vous ai pas dit, mais la police a fouillé complètement nos trois chambres pour essayer de trouver un indice. Ils ont trouvé, chez Éloïse, le napoléon, la cagnotte et le livre du brocanteur. Ils ont sans doute vu le plan des carrières, avec l’emplacement du trésor, qui était sur son bureau, sans comprendre de quoi il s’agissait. Pour expliquer notre argent, nous racontons notre histoire de poulbots et comment nous profitons des touristes. Ils nous font les gros yeux, mais on voit bien qu’ils rigolent. Nous ne promettons pas trop d’arrêter d'aller poser, mais avec la promesse qu’on les avertirait. Nous verrons bien si nous avons envie de recommencer.
Papa ne me gronde et ne me fait pas de reproche. Je lui raconte tout, car j’ai besoin de sa force pour chasser la peur. Elle met du temps à partir et très souvent, je vais m’endormir auprès de lui. Je ne comprends pas comment notre jeu s’est si brusquement changé en horreur.
Un mois après, les parents organisent une grande fête dans l’ilot, pour fêter notre récupération et remercier tous les gens qui les ont soutenus pendant ces deux jours. Nous sommes à l’honneur et on doit tout leur raconter, depuis le Montmartre du Lot jusqu’à nos explorations sous les immeubles. Nous commençons tous les trois, mais rapidement, seul Fatine parle et tout le monde l’écoute, souvent plié en deux. Il a une façon de raconter très drôle. Quand tout le monde croit qu’il a fini, il laisse un grand blanc, puis il lance :
— Surtout, nous avons découvert un trésor, un vrai !
Tout le monde éclate de rire, non pas à cause de ce qu’il vient de dire, mais parce que nos cinq parents se sont étranglés de la même façon au même moment. Trop drôles !
— Qu’est-ce que vous avez encore inventé ? Ces gamins vont nous tuer avec leurs trouvailles !
— En fait, le napoléon, il n’est pas tout seul… explique Éloïse. Il y a cinq caisses pleines, avec d’autres monnaies. Et le livre du brocanteur, il détaille tout ça. C’était un prêteur, plutôt un usurier. Il planquait sa fortune dans sa cave la plus profonde et, apparemment, il a disparu en 1870, sans doute pendant la Commune, en laissant tout. On peut aller voir, si vous voulez.
Elle se lève, alors que ses parents hurlent « Éloïse ! ». Elle se rassoit, trop contente de son effet.
Nous redescendrons, une dernière fois, avec le service des carrières et des archéologues. Plus de soixante kilos de pièces. Il parait que la moitié nous revient, l’autre moitié allant au propriétaire du lieu. Savoir qui est le propriétaire d’un vide à dix mètres de profondeur n’est pas facile, tout le monde en a parlé et on a refait la une des journaux avec notre trésor !
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