la rencontre (2)

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*

Je reprends conscience au milieu de ce « souvenir ». D’après moi, quelque chose cloche. Je n’ai jamais été télépathe, ni rencontré la petite fille pas plus que sa mère : leurs visages ne m'évoquent rien. De plus, pourquoi aurait-elle laissé sa fillette s'amuser, en sachant qu'elle était malade ? Qu'est devenue l'amie chargée de la surveiller ? Elle semble s'être évaporée en un claquement de doigts !

Que dire également des phénomènes étranges dont j'ai été le seul témoin, que ce soit dans la cabane ou lors de cette tornade?

Mes réactions m’étonnent aussi. Je ne les comprends pas, parfois « je » réagis avec une maturité d’adulte puis brusquement avec celle d’un enfant. Ce n’est pas sérieux : à l'âge de douze ans, je savais ce qu’était la télépathie, je n’étais pas ignare !

J’ai du mal à croire que j’ai vécu tout cela et encore plus avec ces réactions. Ça ne me correspond pas vraiment. Ce gamin a vite oublié la tornade et ses conséquences. Pas moi. Ces images s'ancrent dans ma mémoire. Je ne sais pas comment il est passé si rapidement à autre chose.

Ils cherchent sûrement des informations cachées dans mon subconscient et, pour les trouver, ils me brodent une histoire qui sonne faux…

Soudain, mes sens sont en alerte. Je tourne la tête de gauche à droite, toutefois j'arrive difficilement à la déplacer.

Une sensation brûlante envahit alors mon corps. Je me débats et j’entends des voix m’exhortant à me calmer. En m’injectant leur produit, ils m’ont lancé un avertissement. Ils me laisseront certes un peu de temps pour analyser, mais ensuite il faudra que je retourne dans « mes » souvenirs. Tant qu’ils n’auront pas déniché ce qu’ils souhaitent, je devrai poursuivre cette expérience.

Plus le temps de penser : l’action reprend là où elle s’était arrêtée, avec ce même regard enfantin. Je suis un peu énervé, cependant je n’y peux rien. Je décide de me laisser aller et voir où ça va me mener.

*

– Chez nous, c'est un don qui se transmet de génération en génération. Ma mère l'a aussi.

– C'est vous que j'ai entendues tout à l'heure ?

– C'est bien ça. Il fallait qu'on capte ton attention.

– Et pourquoi moi ?

– Tu es spécial. Tu m'aideras à passer.

À passer où ?

– Tu le sauras bien assez tôt. Maintenant que tu es là... Je vais beaucoup mieux.

– Pourtant, t'as une sale tête, répondis-je malicieusement.

– J'ai une leucémie, une grave maladie.

– Une leucémie ?

– J'ai trop de globules blancs dans mon corps. C'est pas bon d'en avoir trop.

– Mais tu vas pas...

– J'ai besoin que quelqu'un soit là pour maman.

– Et toi dans tout ça ?

– Je n'en ai plus pour longtemps. Le docteur me l'a dit. Je n'ai même pas le droit de sortir normalement, mais je savais que tu serais là ce matin. »

Hélène se laissa choir sur le banc et serra la main de sa fille, les yeux embués par les larmes. Ma mère se rapprocha d’elle.

« Qu’est-ce qui se passe ? Vous allez bien ? Pourquoi pleurez-vous ? »

Hélène se sécha les yeux avec sa robe.

« Ce n’est rien. Je suis un peu trop émotive ces derniers temps.

– Vous voulez qu’on vous raccompagne chez vous ?

– J’aimerais rester encore un peu, si vous me le permettez, demanda Hélène, en retenant ses sanglots.

– Nous attendrons que vous soyez prête.

– Merci. »

Zoé reprit son discours télépathique :

« Tu comptes beaucoup pour moi, Fabien. Je rêve de toi depuis longtemps. Je ne sais pas comment, mais je sais que tu me sauveras.

Je n'en suis pas aussi sûr que toi. Tu me donnes trop d’importance. Tu serais mieux au chaud avec tes amis et ta famille. Ce n'est pas avec ton don que je vais pouvoir te sauver. D’ailleurs, j’ai déjà oublié son nom.

– La télépathie ? Non, tu as d'autres pouvoirs, mais tu ne le sais pas encore !

– Tu veux dire comme les super-héros ?

– Un peu, mais en mieux. Tu verras, ça va te plaire.

– Waouh ! Je peux faire quoi pour t'aider ?

– Viens me retrouver dans ma chambre au moment du départ.

– Promis, je viendrai. Tu es courageuse.

– Merci, mais c'est grâce à maman. Elle prend bien soin de moi, mais elle doit me laisser partir maintenant.

– J'espère que je pourrais t'aider en tout cas, même si je ne sais pas comment.

– Je sais que tu trouveras. Je m'en fais pas pour ça. »

Zoé relâcha ma main, un grand sourire sur les lèvres.

« Merci d'être là, tu es quelqu’un de bien. Au fait, n’aie pas peur pour les lettres, elles ne sont que le messager. »

Avant de couper le contact mental, j’obtins une information qu’elle essaya de me camoufler.

« Mais protège-toi des autres.

– Quels autres ?

– Des autres. Ils te veulent du mal.

– Qu'est-ce qu'ils veulent me faire ?

– Je peux pas te le dire. Ils veulent pas. Je peux juste te prévenir, indiqua Zoé.

– C'est pas grave. Je serai sur mes gardes.

– Merci de pas m'en vouloir.

– Merci à toi de m'avoir prévenu. Et si j'ai plein de super-pouvoirs, je vais les écraser « les autres ».

– Fais gaffe à toi. Eux aussi ont des pouvoirs...

– Si je suis un super-héros faut bien avoir aussi des super-vilains, ajoutai-je complice.

– Tu me fais rire. », sourit Zoé.

Le discours avait été rapide : à peine le temps d’un clic de souris.

Ce fut au tour d’Hélène d’être surprise.

« C’est bien la première fois que Zoé sourit autant à un inconnu. Tu maîtrises la télépathie. Tu l’as déjà utilisée avant ? me demanda-t-elle.

– Non, je pensais que ça n'existait que dans les films, répondis-je.

– Je comprends mieux pourquoi Zoé voulait tant te rencontrer. Si tu maîtrises aussi bien le reste de tes pouvoirs...

– Quels autres pouvoirs ? la coupai-je.

– Il est encore trop tôt pour t’en parler, mais tu le découvriras bientôt par toi-même. Je ne te gâche pas la surprise », conclut-elle.

« Il est temps de rentrer au bercail mademoiselle ! annonça Hélène.

– Tu as raison maman, je suis un peu fatiguée.

– Nous allons vous laisser, déclara maman.

– Merci encore à vous. », conclut Hélène.

Elle se releva mais dut se rasseoir aussitôt, elle ne tenait plus sur ses jambes ! Papa se précipita vers elle.

« Vous allez bien ?

– C’est juste un petit malaise. Ne vous inquiétez pas.

– On va vous raccompagner chez vous. Vous habitez loin du parc ?

– Le village n’est pas grand. Je vous indiquerai le chemin, car je ne suis pas sûre que vous connaissiez toutes les rues du patelin.

– Vous avez raison. Ce sera plus facile. Ma femme et mon fils aideront votre fille au cas où.

– C’est vraiment gentil de votre part, souffla Hélène émue.

– Séchez vos larmes. Tout le monde aurait fait pareil. », répondit mon père affectueusement.

*

Je confirme mes soupçons de tout à l’heure : j’ai régressé en termes de maturité, j’ai des réactions de gamins avec les super-héros. Leurs pouvoirs ne vont pas être très utiles pour la leucémie de Zoé. C’est du n’importe quoi. Certes la fillette a souri, mais j’ai l’air ridicule dans tout ça. Je serre les poings de frustration.

Encore cette sensation qu'on pose des braises incandescentes sur mon thorax ! J’ai la tête qui tourne légèrement. Je prends une grande respiration pour me calmer. Je suis aussi curieux, malgré tout, de voir la suite.


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