Chapitre 50D : novembre 1801 - février 1802
Trois jours plus tard, les jeunes parents s’engouffrèrent dans la voiture pour aller dire au revoir à cette sœur chérie partie trop tôt, et même si Léon – Paul avait conseillé à Marie de se ménager, la peine de la jeune femme était trop grande et leurs relations trop fragiles pour qu’il se risque à insister. Je gardais donc les deux petites au chaud avec Jeanne durant quatre jours, jusqu’à leur retour, une fin d’après dîner embellie d’une éclaircie. Je me souviens de l’immense sourire du bébé de sept mois lorsque sa mère sorti de la voiture. Je la tenais dans mes bras sur le perron de la porte et elle se mis à gigoter, et à sursauter d’impatience.
—''Oh, mais qui voilà ? Ne serais – ce pas votre maman ?
Marie tendit les bras pour récupérer sa fille, qu’elle mangea de baisers.
Les fêtes de fin d’année et la Saint – Nicolas se déroulèrent joyeusement comme tous les ans, si ce n’est que cette année, Alice était enfin assez âgée pour sa première leçon de catéchisme. La veille avec sa maman, nous sortîmes donc du grenier la crèche de Noël, que nous installâmes dans le salon près de la cheminée, et j’expliquais simplement à la petite fille l’histoire de la naissance de Jésus, qui me paru subjuguée et posa plein de questions. Au matin du vingt – cinq, avant même de nous saluer, Alice alla chercher la figurine dans le tiroir où nous l’avions rangé, et la déposa délicatement dans son berceau d’argile. Léon – Paul, qui fumait attablé en observant sa fille, fronça les sourcils et me demanda de sa voix rendue rauque par le tabac.
—''Auriez – vous sorti la crèche de Noël ?
—''Oui, hier. Alice est assez âgée pour comprendre maintenant. Cela vous déplaît ?
—''Non, au contraire. Expira t-il un nuage de fumée. Je trouve juste cela étrange de votre part.
—''Ah oui ? Pour quelle raison ?
—''A la maison, lorsque j’étais enfant, vous ne la sortiez jamais.
Il était vrai que je n’avais jamais été un exemple en matière d’assiduité, notamment pour les leçons de catéchisme dont mes fils, pourtant tous baptisés et peignés pour la messe chaque dimanche, n’avaient jamais vu la couleur.
Nous n’avions jamais pris l’habitude de nous rendre à la messe de minuit dans la soirée du vingt – quatre décembre, et même si Alice nous l’avait encore une fois proposé lors de sa dernière visite, cela ne changerait pas cette année, entre autre avec la grossesse de Marie qui s’approchait doucement de son terme, et pour laquelle nous préférions être présents. Elle devait désormais limiter ses sorties, rester au maximum allongée, pour donner toutes ses chances à l’enfant de naître à terme, et pour elle, cela était très pénible. Alice était heureusement propre depuis le début du mois, mais j’avais le souvenir qu’Émile, suite à la naissance de son frère, s’était mis à redevenir incontinent, à cinq ans passés. J’espérais qu’une fâcheuse situation de la sorte ne se reproduise pas, et que la petite fille n’éprouve pas de jalousie envers le nouveau – né.
Le dix – sept janvier, après l’habituel dîner du dimanche midi chez mon neveu et son épouse, nous célébrâmes une occasion bien particulière. Auguste et Alice s’embrassèrent chastement sous la branche de gui qui avait été accrochée au dessus de la cheminée, pour en quelques sortes renouveler leurs vœux de mariage, après dix ans jour pour jour de vie conjugale. Les enfants étaient tous absents, puisque Auguste fils et Marie – Léonie avaient été confiés deux jours à leur grand – mère maternelle, et mes deux petites – filles étaient restées au chaud gardées par notre bonne Jeanne. Tout cela pour d’abord nous permettre de nous retrouver tranquillement entre adultes, sans sollicitations agaçantes, et d’écarter Auguste et Marie – Léonie de cette relation entre leurs parents qui ne les concernaient pas.
Un matin glacial de février, toute la maisonnée fus réveillée avant l’aube par les cris de Louise – Marie, dix mois, mais seule sa maman fus assez courageuse pour quitter ses chaudes couvertures et aller récupérer l’enfant dans son berceau. Le nourrisson, trempé, fus changé, biberonné et consolé et Léon – Paul, avant de partir travailler, lui administra quelques gouttes de son remède censé empêcher la diarrhée. Cela n’empêcha pourtant pas l’enfant de pleurer d’inconfort tout le matin.
Marie, pourtant enceinte de sept mois et fatiguée, insista pour m’accompagner l’emmener prendre l’air avec sa sœur aînée. Après nous être chaudement vêtues, nous marchâmes tranquillement jusqu’au centre – ville, où ma belle – fille posta une lettre et alla se recueillir un moment dans l’église. Alors que nous étions sur le chemin du retour, une jeune mère interpella son fils et nous sûmes qu’il s’appelait Frédéric. Marie se tourna alors vers moi pour me dire simplement :
—''Si mon bébé est un garçon, je veux qu’il s’appelle ainsi.
La voix enrouée, au bord des larmes, elle vint me demander de l’aide pour changer sa fille cadette, peu après le dîner. Pendant que je récupérais des linges dans le tiroir, assise sur le lit, elle caressait le ventre de Louise – Marie, pour tenter de la calmer. Après un rapide nettoyage au gant de toilette, et des langes propres sur ses petites fesses de bébé, je la couchais dans le berceau que ses parents n’avaient pas encore déplacé dans la chambre d’Alice. La petite alla mieux dans les jours qui suivirent, au grand soulagement de ses parents et de moi – même qui avions sincèrement craints pour sa vie.
Lorsque Alice vint nous rendre visite avec ses deux enfants, et qu’elle monta pour saluer Marie qui se reposait, son premier réflexe en découvrant la chambre où elle n’avait encore jamais mis les pieds fus de s’approcher du berceau qui trônait près du grand lit.
—''Vous avez déjà tout prévu à ce que je vois.
—''Non, ce n’est pas le berceau du futur enfant. C’est celui de Louise – Marie. Léon – Paul devait aller en commander un neuf auprès de l’ébéniste mais il n’y a toujours pas été.
—''Oh, mais dites – lui de ne surtout pas le faire ! Celui des enfants prend la poussière dans notre chambre. Je vais vous le donner. Vous économiserez du temps, de l’argent, et nous un peu de place.
—''C’est très gentil. Je vous remercie. Si vous le voulez bien, je demanderais à mon mari de passer en voiture vous le récupérer ce soir, ou demain.
C’est ainsi que le soir même, mon fils rentra et reparti aussitôt, pour nous ramener un objet qui, sans être d’un parfait état, conviendrait parfaitement pour son année et demie d’utilisation.
Si le mois de mars fus froid, gris et pluvieux, le début du mois d’avril fus ensoleillé par les anniversaires de mes petites – filles.
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