Chapitre 53G: janvier - février 1805

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— Marie-Augustine, il ne faut pas la cadrer, il faut la comprimer, l’étrangler. Sinon, on n’arrivera à rien avec elle. De toute façon, si elle ne change pas, Armand ne pourra pas la marier.

— Elle n’a même pas cinq ans mais pourquoi ?

— Il faut pour pouvoir vivre en cohabitation maritale une certaine dose de docilité et de soumission qu’elle n’a pas. Et puis, soyez en sûre Louise, aucun homme ne voudrait d’elle.

Le soir même, une fois son père rentré, nous dûmes supporter les cris et les sanglots de la petite fille rouée de coups. Dans cette famille, battre les enfants paraissait dans l’ordre des choses. Enfin, ma nièce me rassura, c’était la seule de la fratrie sur laquelle on levait régulièrement le poing. Le soir, juste avant de m’endormir, je partageais mon ressenti avec ma belle – fille, mais les mots appuyèrent trop fort sur mes émotions, et je tombais en larmes.

— Je ne reconnais plus ma nièce… ma petite Malou…

— Oh Louise, les gens changent, on n’y peut pas grand-chose.

— Oui mais a ce point là… La pauvre enfant quoi…

Ma vision de Malou changea dès lors littéralement. Je ne la voyais plus comme avant, une adorable personne dévouée envers ses proches et enfants. Elle n’aurait plus le droit au surnom.

Janvier passa, doux, comme d’habitude dans cette région du sud. Vers le milieu du mois, Alice commença a se plaindre du manque. Assise un soir sur son lit, elle frottait ses petits yeux de fatigue et de larmes. Parce-que que sa mère était au rez – de chaussée, je m’en occupais.

— ‘’ Que se passe t-il Alice ? D’où viennent ces larmes ?

— Ma famille me manque…

Je souriais en m’approchant d’elle.

— Vos frères et sœurs ?

— Oui. Et mon papa aussi. Je veux rentrer à la maison grand – mère…

— Ayez donc un peu de patience, nous serons de retour pour votre anniversaire. Et essayez de passer du temps avec les enfants de Marie – Louise, vous n’aurez pas forcément l’occasion de les revoir après notre départ. D’accord ?

Elle hocha vaguement la tête. Si j’avais pu la rassurer, c’était pour moi aussi, car notre maison de Rouen commençait à me manquer, et mon fils encore plus terriblement. Je ressentais une sorte de vide en imaginant les quatre prochains mois à vivre encore ici. J’avais cette sensation que le temps n’avançait quasiment plus. La maison et les occupants étaient gentils et attentionnés, mais nous n’étions pas chez nous et j’avais par dessus – tout peur qu’il ne se crée un fâcheux conflit avec ma nièce du fait de notre longue cohabitation.

Léon – Paul ne nous avait pas donné le moindre sou et nous n’aurions pas pu ainsi imaginer passer quelques semaines en hôtel pour terminer notre séjour sans trop de difficultés. Nous fêtâmes les six ans de Marie-Louise le quatorze janvier, la jolie petite fille, si elle ne reçut rien de ses parents, remercia Notre Père et lui offrit une prière.

Février arriva bientôt, sans neige, car il n’y en avait jamais à Bordeaux, mais avec un épisode assez particulier que je vécu de façon assez particulière. Je passais parfois du temps avec les enfants à l’étage, me délectant de ce plaisir simple de les regarder jouer entre eux. Si Gilles, huit mois, restait en permanence avec Madeleine, la nourrice, ou dormait dans la chambre de ses parents, Marie – Louise, Marie-Augustine, Marie-Camille et Marie-Laurence passaient souvent du temps ensemble, les jeux orchestrés par la plus grande, qui décidait avec fierté de qui pouvait animer telle ou telle poupée, même auprès de Marie – Augustine, qui n’émettait le plus souvent qu’un soupir de mécontentement sans faire de crise. A ce moment précis de l’après – dîner, Marie – Camille s’arrachait une pièce de puzzle avec sa sœur jumelle, lorsqu’elle lâcha sa prise, se raidit et tomba en arrière, sur le parquet de la chambre.

— ‘’ Marie – Louise ! A l’aide ! Je dû la héler deux fois pour qu’elle daigne venir m’aider.

En voyant sa fille secouée de spasmes, ma nièce me fis signe de la laisser.

— Ce n’est pas grave. Impressionnant la première fois, mais pas grave. Elle ne nous en avait pas fait depuis l’été dernier. La plupart du temps, les crises se résolvent par trépanation.

— Qu’est – ce ?

— Une ouverture dans le crâne pour retirer la partie du cerveau abîmée par le démon, à l’origine du problème. Avec mon mari, nous attendons seulement qu’elle soit plus âgée et qu’elle ait pris des forces.

La crise de Marie – Camille dura deux minutes où elle eu l’air de demeurer inconsciente, puis elle resta une minute comme endormie, étendue, sans spasmes, avant de se réveiller, et de s’asseoir en chouinant et en tendant les bras vers sa mère, qui ne parut pas trop attendrie.

— Va donc avec ta sœur. Allez.

Pendant qu’elle retournait à ses jeux, quelque chose de familier m’intrigua.

— Excusez – moi, demandais – je à sa mère, mais elle ne serait pas mouillée ?

— Peut – être. Marie – Camille, ne te serais – tu pas fait dessus par hasard ? Elle ramena l’enfant et me regarda en soupirant. Madeleine a encore oublié de lui mettre des langes.

— N’est t-elle pas encore propre ? Quel âge a t-elle ?

— Quatre ans et demi. Elle a encore du mal a se retenir et lors des crises, c’est courant. Sa nourrice la changera. Nous descendons ?

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