Chapitre 56G: décembre 1807 - janvier 1808

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Durant la semaine du sept au quatorze décembre où les trois enfants furent de nouveau réunis, nous en profitâmes pour aller rendre visite à la famille Meursault, et notamment ma petite-nièce Marie-Léonie. Comme nous y étions en fin de journée, Auguste fils et Auguste père, rentrés de leur cabinet de banquier, répondirent présents. Cependant, une fois les salutations faites, et lorsque nous demandâmes à voir l’enfant, mon neveu parut confus.

— Elle n’habite plus ici… Madame Fleuret l’a récupérée car elle veut lui faire son éducation. Et puis, la petite s’ennuiera moins avec ses cousins.

Frédéric leva ses yeux bleus d’ange, interrogé, curieux.

— Qui est – ce grand – mère ?

— Sa grand – mère maternelle.

Je m’adressais de nouveau au père de famille, qui triturait sa moustache, comme son père trente ans auparavant.

— Oh, nous aurions juste espéré pouvoir la saluer. Mais ce n’est pas grave, elle reviendra ici parfois.

Il hocha la tête de droite à gauche.

— Je ne sais pas, mais en réalité, je préfère qu’elle reste là – bas. Sa grand – mère s’en occupe tendrement, et ici, elle n’a rien de particulier a voir. En plus, Élisabeth peine à s’en occuper, elle est particulièrement fatiguée.

Cette dernière phrase me déclencha un large sourire.

— Attendrait - elle un enfant ?

— C’est fort probable d’après le médecin. De toute manière, nous vous tiendrions au courant si naissance il y avait.

Revigorée par cette nouvelle, mais malgré tout déçue du départ de Marie – Léonie, je tentais de relativiser en pensant que sa grand – mère s’en occuperait de toute façon mieux que sa belle – mère.

Je me décidais à couper les longs cheveux de Frédéric en décembre. L’opération s’effectua sous le regard moqueur de Louise – Marie, qui scrutait attentivement son frère, docilement assis sur la chaise.

— Moi je n’ai pas besoin de me couper les cheveux et toi, tu es obligé.

— C’est parce que je suis un homme.

Sa grande sœur rétorqua.

— Même pas vrai.

— Hein grand – mère que je suis un homme ?

— Un petit homme.

Il sautilla sur sa chaise.

— Voilà ! C’est même papa qui me l’avait dit !

Mes ciseaux vrillaient à cause du jeune garçon qui gigotait.

— Arrêtez un peu de bouger. Sinon, je vous fait une coupe au bol.

Louise – Marie, appuyée contre la table, paru plus curieuse que son frère.

— C’est quoi une coupe au bol grand – mère ?

— Et bien on attrape un bol, qu’on place sur la tête, et on coupe tous les cheveux qui dépassent. C’est assez laid.

Le retour au pensionnat fut compliqué pour Louise – Marie, qui nous fis un caprice pour emmener avec elle sa poupée Joséphine. Elle tapa du pied, pleura, jusqu’à ce que Léon – Paul intervienne en menaçant de jeter la poupée au feu, calmant immédiatement les esprits. La petite fille connaissait sûrement quelques difficultés pour apprendre ses bases de lecture et d’écriture, puisqu’elle ne nous montra aucun progrès acquis durant ces deux mois d’absence.

Frédéric nous aida à monter la crèche le vingt-trois, en prenant soin sur mes conseils de bien ranger le petit Jésus.

Sur les sollicitations de Léon-Paul qui souhaitait que l’on soit plus pratiquants, nous nous rendîmes donc à l’église Saint-Maclou pour Noël, pour la messe de minuit. Nous y croisâmes Auguste et son épouse, habitués de la cérémonie annuelle. Au retour, nous cherchâmes longtemps la petite figurine, mais ce fus vain et Frédéric, épuisé, se fis réveiller par une gifle de son père. Il sanglota très fort, et fini par s’endormir sur le canapé, à moitié assis et à moitié allongé. Au milieu des escaliers, alors que mon petit – fils avait l’air d’un pantin dans mes bras, une terrible douleur au dos me paralysa.

Alors que j’ignorais où se trouvaient les parents, Jeanne vint à mon secours, en récupérant l’enfant, tandis que je tentais de me hisser jusqu’à ma chambre, où, dans une douleur atroce, je me glissais toute habillée dans mon lit. Le lendemain, après une nuit chaotique ponctuées de plaintes et de douleur, je pu me lever pour prendre un bain. Je ne ressentais plus rien le soir venu, mais cela me rappelait que mes jeunes années étaient passées et que j’avais maintenant cinquante – sept ans.

Frédéric peu de temps avant la nouvelle année nous fis comprendre qu’une de ses dents de devant bougeait, et il la perdit aux alentours du cinq janvier, tout heureux de recevoir une petite pièce. C’était tôt, il n’avait que cinq ans et demi.

Bien qu’elle paraisse tous les jours, nous n’achetions la gazette ‘’ le Journal de Rouen ‘’, qu’une fois par semaine, le dimanche, par souci d’économie. Nous passions ainsi de longues minutes à réfléchir sur des faits décrits et précédemment rapportés dont nous n’avions pas forcément suivis le déroulement. Léon – Paul le lisait d’abord, et puis moi et Jeanne, car Marie n’aimait pas lire. En revanche, celle-ci appréciait de feuilleter en ma compagnie le Journal des Dames que nous achetions parfois, pour choisir les plus belles robes ou les plus laides parmi toutes. Cela nous donnait souvent envie d’aller acheter de nouveaux vêtements, mais nous souhaitions rester raisonnables.

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