Chapitre 57D: septembre 1809 - février 1808

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Louise-Marie venait de retrouver avec joie son frère, et alors qu’ils profitaient des derniers vrais rayons de soleil dans le jardin en se poursuivant, un énorme bruit résonna, suivi de celui reconnaissable de bris de verre. J’accourais, Frédéric, assis au milieu des morceaux de verre près de Jeanne qui le rassurait, se frottait la tête. En se retournant pour voir si sa sœur le suivait toujours dans sa course, il avait foncé dans la porte fenêtre et cassé plusieurs petites vitres. Le soir, en s’apercevant des dégâts, son père lui accorda une bonne leçon de morale.

— Sais – tu seulement vous combien cette histoire risque de me coûter?! Il le gifla. Espèce de petit ingrat !

Marie, tout en remuant sa cuillère dans son thé, prit sans conviction la défense de son fils, sans doute davantage lassée par les haussements de ton.

— Il ne l’a pas fait exprès Léon – Paul…

— Je m’en fiche bien de ses intentions. Encore heureux qu’il s’agisse d’un accident. Il l’a fait, c’est ce qui m’importe en ce moment même.

Léon – Paul, inquiet à l’idée d’un cambriolage et de la perte de chaleur, fit dès le lendemain remplacer les carreaux brisés par un artisan que nous invitâmes à manger, pour obtenir officieusement une ristourne, même minime, qui fut accordée.

Au début du mois d’octobre, les filles repartirent bien vite et sans heurts au pensionnat, nous laissant seules avec nous – mêmes et nos tâches domestiques. La maison ne m’avait encore jamais parue aussi vide et silencieuse, presque trop grande sans enfants. Nous revenions au tout début, lorsque Marie attendait sagement Alice au creux de son ventre et qu’aucune descendance n’avait encore fait résonner ses cris ou poser ses pieds dans notre belle maison.

En hiver lors des grands froids, l’herbe du jardin se couvrait d’une pellicule de givre, et comme nous ne nous y rendions jamais en ces périodes – là, la nature faisait ce qu’elle voulait. Notre chêne majestueux se dénudait et à l’horizon, des champs à perte de vue. La route en face de chez nous rendue glissante, le brouillard régnant souvent, Rouen n’était pas très accueillant en ces périodes – là. J’aurais aimé que Frédéric se rende désormais seul à l’école, mais Léon – Paul préférais que l’on attende le retour des beaux jours, car il craignait que son fils ne s’égare dans le froid. Le délai entre le retour des filles en octobre et en décembre paraissait toujours très court, alors que nous ne les voyions pas pendant les huit premiers mois de l’année.

Des vacances assez mal réparties, mais malgré tout agréables pour les petites, qui profitaient de ces pauses à la maison.

Je fus peut – être la seule à repenser aux dix ans de notre installation à Rouen, le vingt décembre 1798. Nous passâmes tranquillement la fin de l’année, la Saint – Nicolas le six, Noël, le vingt – cinq, et l’installation avec Frédéric du petit - Jésus, que nous avions été obligées de racheter. Les maladies, les diarrhées qui faisaient notre quotidien se raréfiaient depuis quelques temps, ou du moins nous ne nous en apercevions pas, n’ayant évidemment pas le nez dans ses pots de chambre.

Alors que nous nous rendions en ville pour l’emmener à l’école, Frédéric glissa assez violemment sur la route givrée, se retrouvant d’un seul coup sur les fesses.

— Tout va bien ?

Je lui donnais la main pour l’aider à se relever et il frotta son pantalon tout propre, mais mouillé. Marchant moins vite, je me retournais vers lui, il pleurait. Attendrie, je n’aurais tout de même pas eu envie de le confier en retard.

— Avancez. Ce n’est pas grave. Ça arrive à tout le monde.

Sa bouche se tordit et ses sanglots redoublèrent, son nez coulait.

— Mais vous allez encore tout dire à mon père et il va être méchant avec moi…

Je lui prenais la main.

— Non, cette fois je me tairais. Allez. Prenez un mouchoir.

Nous arrivâmes à l’heure et il retrouva ses amis, qui lui firent en un claquement de doigt oublier sa mésaventure. Sans l’avouer à personne, je manquais moi aussi de déraper plusieurs fois sur cette maudite route heureusement peu passante. Vivement le retour du printemps.

C’est seulement après quatre mois de leçons, en janvier, que Frédéric se produisit pour la première fois dans sa chorale, un lundi soir. Il passa la journée à l’école normalement, rentra à quinze heures trente comme tous les jours, et vers dix – sept heures, je lui enfilais son vêtement du dimanche, après avoir coiffé et recoupé ses cheveux. Pour une fois, sa mère m’aida en m’apportant les affaires, parfum et vêtements. Jeanne quitta même son tablier pour nous accompagner, à dix – huit heures, à l’église Saint – Maclou où les huit jeunes garçons devaient se produire devant leurs parents. Cela arrivait plusieurs fois par an, dès le mois de janvier pour préparer un minimum les nouveaux venus si il y en avait. Comme Frédéric était en pré – maîtrise, il ne chanterait qu’avec des jeunes garçons âgés de sept à dix ans, la tolérance du père Georges envers son âge ayant été exceptionnelle. Dès sa première décennie atteinte, ils rentraient dans la ‘’ vraie ‘’ chorale, composées de garçons pouvant aller jusqu’à quinze ans, qui partaient une fois leur mue atteinte.

La représentation se constitua de trois longs chants liturgiques, et je demeurais très fière de mon petit – fils. Même Marie félicita Frédéric lorsqu’il revint le sourire aux lèvres nous rejoindre, c’est pour dire. Suite à cela, nous entendîmes chanter le garçon qui prenait confiance de plus en plus souvent à la maison. Il se mettait à adorer cela, ayant il était vrai une assez belle voix.

Si quelques flocons tombèrent en février, cela ne permit pas aux enfants de glisser sur des luges, comme ils l’auraient espéré d’après le retour d’aînés qui en avaient fait ce mois – ci il y a quelques années, en pleine ville. En effet, après les leçons, Frédéric avait souvent été invité à aller jouer et se promener par Paul, Jean – Jacques et Armand, mais comme je venais à chaque fois le rechercher, il n’en avait encore jamais eu la possibilité. A chaque fois en rentrant, les mots se répétaient à peu de chose près, sa demande devenait de plus en plus insistante.

— Grand – mère… Pourquoi papa ne veut – il pas que je rentre seul le soir…

— Vous savez très bien… Il dit qu’il fait encore trop froid, et qu’il acceptera seulement sitôt votre septième anniversaire passé. Rhôooooo… Ce n’est pas dans longtemps… Faites preuve de patience.

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