Chapitre 59A: mars - mai 1810

3 minutes de lecture

Dès que je pu de nouveau me lever, mon activité reprit. Comme les coliques s’espaçaient pour Pierrette, nous attendions l’été pour la sevrer, sur les conseils de Léon – Paul qui l’estimait encore trop jeune pour le biberon. Malgré le fait que Marie soupire, sans doute pressée de se débarrasser de ce nourrisson accroché à elle. Elle m’exaspérait.

La nuit lorsque l’enfant pleurait, elle n’avait pas d’autre choix que de l’attraper dans un demi– sommeil pour l’allaiter, avant qu’elle ne réveille toute la maison. Il n’y avait qu’a regarder boire le nouveau – né pour s’attendrir, suçotant avec appétit le mamelon gonflé par les montées de lait, ses petits yeux et ses poings toujours fermés, frôlant parfois l’énorme sein. En journée, Marie allaitait la plupart du temps assise sur son lit, Pierrette contre elle, et ce, environ dix fois.

Frédéric souffla sa huitième bougie le vingt et un avril, neuf jours avant que sa petite sœur n'ait quatre mois. Je tentais alors de lui donner son premier biberon au lait de chèvre, pour pouvoir la sevrer complètement avant cet été. Elle refusa de le prendre, cessant de téter dès la première seconde, dès le premier contact de sa bouche avec le buis, évidemment mieux habituée au sein. Léon – Paul me conseilla alors d’espacer progressivement les tétées pour provoquer sa faim et ainsi l’inciter à accepter le biberon. Au lieu des sept prises de sein habituelles en journée, nous retirâmes celles de dix heures et de seize heures, pour n’en garder que cinq, à huit heures, onze heures et demi, treize heures, dix – huit heures et vingt – heures. Alors que j'aurais espérer qu'elle reste calme, elle se mit littéralement à hurler dans mes bras quand l’heure arriva. Je la promenais alors en lui donnant mon petit doigt pour l’apaiser, mais rien n’y faisait. Jeanne me conseilla d'en profiter pour glisser la tétine du biberon dans sa bouche, ce qui n'eut pas grand résultat.

Léon – Paul me rassura fort de ses dix – neuf années d'expérience en tant que médecin, qu'il n’avait encore jamais vu un enfant se laisser mourir de faim. Elle s’habituerait forcément, si on ne lui laissait plus le choix. Devant mon désarroi, Jeanne accepta de s'en occuper. Elle humecta ainsi les lèvres de Pierrette de lait de chèvre, doucement, pour l'habituer. A ma grande surprise et au bout de quelques essais, cela provoqua sa succion, et dans sa bouche les premières gorgées de lait non maternel. Nous avions réussi. Si au début l'alternance se faisait avec seulement deux biberons par jours, au bout de trois semaines, Marie pu se bander la poitrine pour faire cesser définitivement ses montées de lait.

Environ une ou deux fois par semaine, chacun de nous prenait un bain. Si j'imposais à Frédéric de se laver le dimanche matin avant la messe, alors qu'avant le départ de Louise – Marie c'était plutôt le samedi soir par manque de temps, nous étions libres de choisir nos jours. Malgré cette liberté, tout le monde réutilisait l'eau le soir venu, par économie de temps, d'efforts et de ressources. Ainsi une fois le petit garçon sorti, nous dégagions un peu le baquet du passage jusqu'en fin de journée où tout le monde y passait alors, y compris Jeanne, en dernier.

A l'extrême début du mois de mai, alors que je terminais d'écouter Frédéric réciter sa fable, assise dos à l'escalier, en face de lui, il s'arrêta dans son élan.

— Il y a maman. Grand – mère. Je me retournais.

Marie tenait son nourrisson à demi – habillé sous le bras, rouge de chagrin, versant ses premières larmes, hoquetant aigu de temps en temps.

— Je n'y arrive pas Louise. Elle n'arrête pas de pleurer depuis ce matin.

Je me levais et m'avançais pour la récupérer.

— Donnez - la moi. Oh ma puce, venez avec moi. A t-elle bien prit son biberon ?

— Non. Elle n'y a pas touché. J'ai essayé de la laver, mais c'est impossible dans de telles conditions. Je vous la laisse.

Elle remonta aussi vite, me laissant la petite encore humide de la tentative de baignade avortée. Sûre que Frédéric connaissait sa fable par cœur, je l'abandonnais au salon pour aller terminer le bain de Pierrette qui s'était un peu calmée. Pour ce faire, nous l'enduisions hors de l'eau de savon de Marseille, puis la trempions délicatement dans le baquet pour la rincer. Après ça, je laissais Frédéric la distraire un peu avec le hochet, et je lui proposais son biberon, qu'elle refusa une nouvelle fois. Devant l'absence de selles dans ses langes durant plusieurs jours, je dû me rendre à l'évidence de sa constipation. De petits massages sur son ventre eurent bientôt raison de ce blocage et son appétit revint alors.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Lanam ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0