Chapitre 61A : Avril - août 1812
Nous sevrâmes Pierre-Jean en avril, lorsqu'il eu six mois. Je lui donnais désormais des bouillies de céréales et du fromage blanc. Par chance, il accepta ce changement plutôt rapidement. Cela soulagea sa maman qui pu bander sa poitrine pour stopper ses montées de lait.
En avril également, nous apprîmes que nous avions de fortes chances de pouvoir repartir à la mer au mois de septembre. En effet, Bobet et Bellencontre avaient calmés leurs heurts et ainsi permis à Léon-Paul de prendre ces quelques jours de vacance précieux. Toute heureuse, j'imaginais déjà mes pieds ridés sur le sable doux et froid.
Léon, Marie, Frédéric de son nom complet fêta humblement ses dix ans le vingt et un avril, un âge important, la première décennie. Quant à Louise-Marie et Alice, nos deux grandes absentes, elles eurent le premier et le quatre onze et treize ans.
Le trois mai, je célébrais intérieurement mes soixante-deux ans, un âge avancé pour l'époque qui n'arrangeait pas mon dos. Pierre-Jean babillait, et Frédéric s'attendrissait.
- Mon petit frère. L'embrassa t-il sur le crâne chauve encore plein de croûtes de lait.
- Ba ba ba ba. Répondait Pierre-Jean qui tenait assis seul en mâchouillant et bavant sur ses doigts dodus. Pour l'instant, ses pieds bots n'avaient pas l'air de le déranger, et nous n'en parlions pas à la maison. Il était encore trop tôt pour s'inquiéter de ses futurs soucis de marche. Nous n'étions même pas sûr qu'il survivrait au cap de sa première année.
Léon-Paul nous ramena un chiot de chez le paysan, un soir pluvieux et orageux de mai. Mon fils décida qu'il s'appellerait Rex. Le petit mâle de deux mois passerait sa vie dans la cour, protégé dans une niche découpée dans un tonneau, tout près de la maison.
Au début, il ne faisait pas la différence entre nous et les étrangers, et il aboyait à tout va, mais mon fils lui apprendrait à aboyer seulement sur ces derniers.
Au début de l'été, à huit mois, alors qu'il commençait à ne plus avoir de croûtes de lait, Pierre-Jean se mit à ramper, puis il acquit le quatre pattes rapidement par la suite. Les courses dans la maison poursuivit par son frère aîné Frédéric le faisait rire aux éclats, mais aussi le claquement des mains, étrange amusement. Frédéric en courant un matin dans les escaliers fit une lourde chute qui lui décrocha une dent. Il se releva en pleurant, un filet de bave et de sang coulant de sa bouche.
- Venez me voir. Je lui auscultais l'intérieur de la bouche.
- Argh...
- Ah oui, vous avez perdu une dent dans la bataille. Le tout c'est de la retrouver maintenant.
Il se mit même par terre pour retrouver cette quenotte, mais elle avait l'air de s'être évaporée.
Le problème était que Pierre-Jean, se déplaçant à quatre pattes, ramassait, scrutait et mangeait tout ce qu'il trouvait par terre. Nous n'aurions pas voulu qu'il s'étouffe avec la dent de son frère.
Heureusement que nous le surveillions car c'est ce qui arriva. Un petit morceau blanchâtre dans la paume moite de l'enfant m'interrogea, et c'est ainsi que la dent fut retrouvée.
La dernière chorale de Frédéric pour cette saison, en juin, sonnait le début de la fin pour le jeune garçon, qui partirait au Prytanée de la Flèche l'année prochaine, impatient d'y rejoindre ses amis déjà là-bas.
Pierre-Jean s'affirmait, répondant à son prénom et babillant fort lorsqu'il réclamait son fromage blanc par exemple, et tapant de ses petites mains sur la table, adorable. Notre chien avait bien grandi. Nous connaissant désormais, il n'aboyait plus que sur les rares inconnus qui poussaient notre portail, comme le facteur par exemple.
Juillet passa vite, avec ses fortes chaleurs, et les progrès de Pierre-Jean, neuf mois, qui essayait déjà de se lever accroché aux meubles. En août, nous retrouvâmes avec joie les filles, et notamment Alice, treize ans passés, qui ne retournerait pas au pensionnat en octobre, mais nous aiderait désormais à la maison, pour les tâches quotidiennes.
Sa soeur Louise-Marie, onze ans, retrouva son accolyte de toujours Frédéric, et les rires reprirent vite avec lui. Alors qu'elle riait un peu fort, son père l'attrapa par le bras.
- Evitez de vous faire remarquer Louise-Marie. Ca vaudra mieux pour tout le monde.
La petite se calma un instant et devant son père seulement. Depuis le rez de chaussée, nous les entendions glousser et courir. Le jardin désormais réduit se retrouva envahit de trois enfants, de neuf mois à onze ans, puisque les grands s'amusaient aussi avec le petit, qui se déplaçait à une vitesse impressionnante. Alice prenait son rôle de nouvelle ménagère avec beaucoup de sérieux, et n'hésitait pas à sermonner sa soeur cadette lorsqu'elle faisait trop de bruit, ou a ramener à l'intérieur Pierre-Jean pour son dîner ou souper toujours pris en avance.
Léon-Paul rentra un peu en avance un soir pour annoncer une bonne nouvelle à son fils : si il passait une visite médicale dans les jours qui suivaient, que son professeur attestait par courrier de ses aptitudes en arithmétique, des conjugaisons et des déclinaisons, et que nous récupérions son acte de naissance, il pourrait partir dès le mois d'octobre au Prytanée de la Flèche, l'âge minimum étant en fait de huit ans, et l'âge maximum de douze. Frédéric sauta de joie, et embrassa même son père, ce que nous n'avions pas vu depuis longtemps. Je riais jaune, inquiète de le voir partir aussi loin, aussi longtemps, si jeune. Il serait pensionnaire, nous ne le reverrions qu'à ses dix-huit ans, lorsqu'après une bonne conduite, il entrerait à l'école spéciale militaire de Saint-Cyr, cette fois ci entretenu par l'état. Marie, elle, se taisait, laissant les événements couler sur sa peau comme de l'eau.
Le coût de la pension, non négligeable de 825 francs par an, serait complété par un trousseau de 600 francs. Les places gratuites étant réservées aux fils d'officiers généraux et de colonels.
Nous allâmes récupérer son acte de naissance à la mairie, et nous demandâmes un certificat d'aptitudes au prêtre qui s'occupait de son instruction. Nous emmenâmes également l'enfant à l'hôpital pour passer un examen médical en vue d'obtenir le sésame qui prouverait sa bonne santé.
Léon-Paul écrivit au ministre de la guerre, et envoya tous les papiers dans la semaine, en vue d'une rentrée en octobre prochain, à dix ans et demi. Louise-Marie ne cessait de répéter que son frère lui manquerait, et elle profita avec lui de ces derniers moments ensemble.
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