Page blanche

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Un chapitre à écrire, je tente de me motiver. Je fixe l’écran. Il est blanc, c’est peut-être ça le problème : ça éblouit le blanc. On critique le noir à tout va, mais c’est reposant le noir, la nuit. D’ailleurs il fait nuit. J’ai sommeil… Non, tu dois écrire ce chapitre. Ne te laisse pas distraire ou tu n’y arriveras jamais. Les lecteurs attendent la suite. Seulement, j’ai la tête ailleurs. Elle est restée quelque part coincée dans mes soucis actuels. Je ne parviens pas à voir la vie en noir. C'est agaçant, perturbant, stressant. Il faut que je me concentre. Si j’avais un chat, il serait passé là, aurait frotté son dos contre mes pieds couverts de chaussette. C’est bien ça, un chat. Tous les écrivains ont un chat, ou deux. En plus j’aime bien les chats. Mais je ne sais pas pourquoi mon nez lui les repère et m’en informe avec moult production de mucus. Trop zélé. Mais qu’est-ce que je raconte ? Le chat n’a aucun rapport avec mon roman. Paf, flinguer, le chat. Revenons à nos moutons. Enfin, à nos lettres qui sont censé former des phrases qui, elle même, forment des actions, des vies qui naissent sur le papier pour faire saliver de plaisir le lecteur assez idiot pour venir lire les histoires sans queue ni tête que me fourni mon cerveau d’humain à moitié calcifié à force de ne pas bouger mon cul collé sur cette chaise. Je vais aller me chercher un verre d’eau afin de pourvoir noyer dignement mon incompétence. Que de l’eau, le reste pourrait me rendre plus mollusque que bipède. Quoique depuis quelque temps je deviens "chaipède", mes pieds sont remplacés par ceux de la chaise à roulettes. Bon, alors qu’est-ce qu’elle fait cette chère Katie ? Elle pars ou elle reste là ? Non parce que ça aussi c’est compliqué : ces personnages qui font leur vie sous mes doigts et m’imposent leur destins sans que je ne puisse intervenir, et d’un coup, sans savoir pourquoi décide qu’il ne savent plus. À moi de décider. Grève avec le renvoi de ma responsabilité en pleine face : non mais c’est toi l’auteur ! Ah ! Tu t’en rappelles maintenant ? Tire au flanc !
Je baille, bon, ben ce me semble compromis tout ça. Ce chapitre n’a pas avancé d’un poil. Aller, concentration. Je me projette dans le salon, me mets à voir à travers les yeux de mon héroïne. Et je baille. Encore. Je tape quelques mots. Relis. Efface. Retape. Relis. Efface. Bon, c’est nul. J’ai un minimum de fierté et d'exigence, je ne suis pas capable de mettre en ligne un texte que je trouve nul à ce point. Mes lunettes me tombent du nez. Elles déclarent que le temps de la retraite sur la table de chevet a sonné. Je regarde l’heure indiqué sur l’écran. Ah, oui, c’est déjà le matin. Au moins deux heures que je laisse mon esprit faire l’école buissonnière. J’abdique. Le Dieu du sommeil a battu le Dieu du clavier.
Je vais aller papoter avec le marchant de sable en espérant qu’il me glisse avec humour quelques grains pour guider mon chemin rédactionnel.

Amis scribayiens, la page blanche est restée blanche. Demain je tente le noir;)

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