Et je crois que ça valait la peine

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Il fait noir dans cette allée, et c'est comme si je m'éveillais un peu en sortie de bar.
La soirée fut fortement arrosée, comme de coutume, de nombreuses femmes et quelques amis un peu forts étaient de mise. Heureusement que les bagarres sont faites pour qu'on s'y refleurisse.
Le personnage qui s'échappe du bruit, aux allures de braconneur et à la mine tranquille, peut s'allumer ses cinq clopes d'affilée à la lueur de la Lune.

Même quand on demande rien de la vie, elle nous donne quand même. On veut la remercier, pourtant je me suis toujours senti con à le faire. Tant mieux, ça répare le coeur de se sentir bête pour des raisons qui valent.
Et dans le silence, on peut marcher à son aise, respirer comme bon nous semble et peut-être délier le fil de nos pensées emmêlées. Avec l'air frais, on se rappelle au lointain que de nombreuses plaies nous barrent la moelle, et qu'avec elles on se sent heureux.
Ensuite bien sûr on marche, et puis soudain on le revoit, celui qu'on croyait grand et qu'on regardait avec espoir.
Cet abruti, on lui a donné du corps, du vif, on a perdu à des jeux rien que pour sa gueule.
C'est cette pensée qui revient, c'est évident parce que ça fait quelques nuits que j'y pense. Comme ça, avec la piété imbécile d'un curé de campagne, je n'ai d'autre choix que de penser à ça.
Je veux pas dire que j'ai tué mon père, ce serait vache et pas très correct, pourtant ça me semble le cas.
Et puis tuer, qu'est-ce que ça veut dire ? Je viens de voir une pièce de théâtre qui parlait de Freud et de la mort du père justement, avec l'autre con de débris d'acteur qui déchirait du papier sur lequel était inscrit le nom des gens de sa famille.
Alors d'accord, à mon âge adulte il était bien temps que ça se produise, et puis tant mieux si j'arrive à l'écrire.

Voilà, les astres tout de même, et la rue qui fait la scène à de nombreux fantômes qui se pointent pas quand se lève notre soleil. Ils font du bien ces salopards de spectres, tout le monde est pas au courant qu'ils naviguent, moi je les sens et souvent on discute. C'est rare de s'imaginer ce qu'ils apportent au monde, de ceux qui se mouvoient en carcasse, alors qu'ils ont un travail solide, ils nous arrangent des coups, autant pas faire l'aveugle quand on les aperçoit.
Grâce à eux je me repose, je peux m'assoir et enchaîner des clopes, tabac sur lequel on m'a bien buriné les valseuses mais que j'ai réussi à imposer dans ma vie. Pour ceux qui veulent en débattre, je les emmenerais certainement dans quelques bars fumeux en guise de préambule.

Arrachages, démembrements, ou désossements, qu'importe le terme, quand on aime fort on ressent tout de suite qu'être mortel ça se vit au quotidien et pas seulement dans la tombe.
J'aime à subir de ces rudoiements d'amour, qui vous explosent les artères et vous vident les veines, avec ça on paye le prix de notre bonheur.
Et pour un homme, en particulier, j'en ai encaissé à bien plus que la raison tolère.
Donc se rendre fou, c'est entendu que c'est la seule solution correcte pour apprendre à être.
Mais on l'accepte pourtant qu'avec des nécessitées nombreuses et surtout franches. On se rend pas fou pour les cons, ou alors on s'arrête à un moment.

Dire que j'ai tué mon père, ça reviendrait sûrement à exposer l'arrêt de certaines de mes folies, quand on est plus capable d'assumer le boulet de nos sentiments avec une figure tutélaire.
Il m'a bien aidé, il m'a beaucoup donné, j'étais obligé de tout arrêter.
Voilà un peu, j'en dirai peut-être encore, toutefois il faut que je marche dans cette ruelle et puis dans d'autres.
Là bas, dans le fond de la ville, j'ai quelques spectres qui préparent nos rencontres.

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