La salle vibrait sous les jeux de lumière colorés. Ce soir-là, la vieille guinguette des quais de Seine renaissait sous l'impulsion d'un DJ qui, le temps d'une soirée, faisait dialoguer les âges. Entre les platines électroniques et les violons de l’orchestre, une magie particulière opérait.

Assise au bar, Gabrielle observait les couples tournoyer sur la piste. Elle esquissa un sourire en apercevant un vieux monsieur aux chaussures cirées inviter une jeune femme à danser. Il lui rappela une époque où elle-même, en robe fluide et cheveux relevés, se laissait emporter par la musique, légère et insouciante.

— Vous dansez ?

Elle leva les yeux. Un homme d’une soixantaine d’années lui tendait la main, le regard pétillant. Elle hésita. Ses jambes étaient moins sûres qu’autrefois, mais le désir d’une dernière valse était plus fort que la raison.

— Avec plaisir, murmura-t-elle.

Les premières notes résonnèrent et, doucement, ils s’élancèrent. Elle reconnut le morceau, une mélodie qu’elle avait entendue lors d’une croisière en Méditerranée, des années plus tôt. Un souvenir flotta dans son esprit : une nuit étoilée, une piste de danse improvisée sur le pont, et des rires partagés avec celui qui fut autrefois l’amour de sa vie.

— Vous avez l’air nostalgique, remarqua son partenaire.

— Les souvenirs ont cette fâcheuse tendance à ressurgir au moment où l'on s’y attend le moins, répondit-elle avec un sourire doux-amer.

Le temps d’une danse, elle se sentit revivre. Lorsqu’ils s’arrêtèrent, le DJ enchaîna sur un air moderne, entraînant les plus jeunes dans une frénésie rythmée. Gabrielle, elle, retourna s’asseoir, le cœur encore chaviré.

— C’était un honneur, madame, souffla son cavalier en s’inclinant légèrement.

Elle le remercia d’un regard. Autour d’elle, les rires fusaient, les couples amoureux se formaient et se défaisaient au gré des battements de la musique. Mais ce soir-là, dans un coin de la guinguette, une vieille dame venait de retrouver une part d’elle-même. Juste le temps d’une danse amoureuse avec le passé.