Nantes Vendredi 02 Octobre 2065

Madie, la responsable du cyberservice essayait de comprendre pourquoi le vol 1472 ne se trouvait pas dans leur base de données. Après quelques heures de recherche, elle envoya au superviseur un holomessage afin de lui faire part de son étrange découverte.

Confortablement installé dans le fauteuil du gouverneur, Gram lança la séquence, il sursauta lorsque la jeune femme apparut devant lui et que sa voix résonna dans la pièce.

Il avait toujours du mal avec ces holomessages dans lesquels les personnes étaient là, sans vraiment y être.

- Gram, j’ai trouvé des informations ultra inquiétantes, je vous lis l’article.

L’holo jeune femme regardait un écran sur lequel elle se mit à lire.

- « Le 02 Octobre 1983, le vol 1472 en provenance de Lyon et à destination de Paris a mystérieusement disparu des écrans radars après avoir pénétré dans une zone de turbulences. Les recherches effectuées par les autorités n'ont jamais permis de retrouver l'appareil. Après deux ans d'enquête, les experts n’ont pas pu apporter d’explications sur les causes de cette disparition.

Le 02 octobre 1985, la compagnie Air-Inter a organisé des funéraires nationales afin de rendre hommage aux 146 passagers et aux cinq membres d'équipage. Cette cérémonie avait également pour but d'aider les familles des victimes à faire leur deuil.

Le commandant de bord, Valentin Bear et son copilote Bertrand Devin, ont été décorés de la légion d'honneur à titre posthume. »

L’holo jeune femme arrêta alors sa lecture pour exposer son point de vue.

- C'est quand même étrange que le pilote que vous venez d’accueillir s'appelle Valentin et son copilote Bertrand.

- Voyons Madie, vous n'allez quand même pas croire que ces personnes viennent du passé ?

- Pourquoi pas !

Valentin choisit cet instant pour sortir du bureau, furieux de ne pas avoir pu joindre sa compagnie.

Madie s'avança, puis passa au travers de lui comme s’il n’avait pas la moindre consistance.

Il poussa un cri de surprise.

- Qu’est-ce qui se passe ici ?

- Je vous présente Madie, notre experte en informatique. Ou du moins son hologramme.

Valentin, sous l’effet de la surprise resta sans voix.

- Madie voudrait connaitre votre nom de famille ainsi que votre date de naissance afin de finaliser ses recherches dans notre base de données.

- Je m’appelle Valentin Bear et je suis né le 12 avril 1950.

- En quelle année êtes-vous né ? s’exclama Gram avec rudesse.

- En 1950 j’ai l’impression que vous avez de sérieux problèmes d’audition mon vieux ! Tenez, regardez !

Valentin sorti de sa poche un rectangle rose, défraichi, légèrement corné qu’il déplia. Dessus, il y avait un portrait en noir et blanc le représentant ainsi que son adresse et sa date de naissance.

Gram regarda ce que Valentin tenait à la main, il n'avait jamais rien vu de semblable. Une carte d'identité, c'était ce que les gens possédaient au siècle dernier, mais il y avait longtemps que cela n'existait plus. À présent chaque citoyen recevait à la naissance une puce électronique, injectée directement dans l'épaule. Gram effleura machinalement l'endroit où se trouvait la légère cicatrice. Cette puce pouvait permettre de géo localiser chaque citoyen du monde en temps réel. Sa mise en circulation en 2021, avait permis d’éradiquer complétement la criminalité. Mais, une carte d’identité ? Comment cet homme pouvait-il posséder un tel document ? C’était probablement un canular et Gram ne se laissa pas démonter, il reprit sur le ton autoritaire qui le caractérisait si bien.

- Arrêtez de me prendre pour un imbécile, si vous étiez né en 1950 comme vous le prétendez, vous auriez…hum…disons dans les 115 ans et vous êtes plutôt bien conservé pour votre âge !

- Vous devez avoir un peu de mal avec les calculs ! Nous sommes en 1983 et je suis né en 1950, ce qui me fait 33 ans, du moins, je les aurai le mois prochain.

Gram était perplexe, le commandant de bord semblait vraiment croire à l'énormité des paroles qu'il venait de prononcer.

Sa carte d'identité et l'article que Madie venait de lire corroboraient ses dires, mais cela dépassait l'entendement et Gram avait plutôt un esprit rationnel lui soufflant qu'il était impossible de voyager dans le temps. Mais pourtant…

- Nous allons interroger séparément tous les passagers, déclara Gram en faisant le nécessaire pour que ses ordres soient exécutés.

- Vous allez perdre votre temps, aucun passager ne connait mon âge !

- Ok, alors si je vous dis que nous sommes en 2065, qu'est-ce que vous en pensez ? Que j'ai toujours du mal avec les calculs ?

- Hein…, je dirai que… vous affabulez,

- Tenez, regardez, intervint Madie en faisant jaillir du néant un calendrier qui se mit à tournoyer puis à parler.

- « Nous sommes aujourd’hui le 02 Octobre 2065 selon le calendrier Georgien et il est 17h30 ».

Valentin regarda affolé le calendrier débiter ses paroles avant de disparaitre.

- Si c'est une blague, cela ne me fait pas rire du tout.

Mais Valentin n'y croyait plus vraiment, et il devait bien avouer que tout ce qu'il avait vu jusqu'à présent confirmait les dires de Gram.

Il se laissa tomber dans un des gros canapés en cuir synthétique, ne sachant plus quoi dire.

Dans la salle de réunion, tous les passagers et membres d’équipage s’étaient rassemblés à la demande du superviseur.

Gram, la mine grave, s'éclaircit la voix avant de commencer ses explications.

- Mesdames et messieurs les passagers du vol 1472, bienvenue à l'aéroport de Nantes, je suis Gram TERLOS, le superviseur de la tour de contrôle et j'ai quelque chose à vous annoncer qui va vous paraitre incroyable, pourtant tout ce que je vais vous dire est entièrement vrai. Nous vous apporterons des preuves pour valider notre version des faits. Alors, voilà, lorsque votre avion a traversé la zone de turbulences en 1983, un phénomène inexplicable s’est produit qui vous a propulsé dans le futur, nous sommes aujourd'hui le 02 octobre 2065.

Gram insista sur l'année en prenant soin de bien énoncer les chiffres. Ceci eut pour effet de provoquer un murmure de stupéfaction dans l'assemblée.

Afin de prouver ses dires, il fit apparaitre le calendrier qui tournoya un instant dans les airs avant de s’ouvrir et de se mettre à parler.

C’est ce moment-là que choisit Valentin pour prendre la parole. Il voulait avant tout rassurer ses passagers.

- Mesdames et messieurs, je suis Valentin votre commandant de bord et tout ce que vous venez d'entendre est entièrement vrai.

Les passagers semblaient abasourdis et encore sous le choc de l'annonce. Une femme se leva alors, pour prendre la parole.

- Je m'appelle Liliane HEINS, et je voudrai savoir comment vous comptez nous renvoyer à notre époque ?

- Nous n'avons pas encore réfléchi à la question, mais ne vous inquiétez pas, dés demain nous ferons appel aux plus grands scientifiques de notre époque, qui trouveront rapidement une solution à notre problème.

- Est-ce que je pourrai revoir ma fille ?

- Votre fille ?

- Oui, si elle est encore en vie…bien sûr, elle doit avoir… 95 ans.

- Voyez cela avec Madie, ma collaboratrice. D'autres questions ?

Gram parcouru la salle du regard, mais personne ne semblait décidé à en poser d'autres, tout avait été dit.

Pendant que les passagers rejoignaient les chambres d'hôtel réservées pour eux, Liliane se rapprocha de Madie et réitéra sa demande.

- Venez dans mon bureau, nous serons plus à l'aise pour faire les recherches.

Les deux femmes entrèrent dans un bureau spacieux et équipé de diverses technologies que Liliane n’avait jamais vu. Une jeune femme était assise devant un écran, il s’agissait d’une autre Madie, mais bien réelle cette fois-ci.

Elle demanda une recherche dans le service mondial d'état civil et une voix sortie du néant lui répondit. Ces paroles venant de nulle part et de partout à la fois firent tressaillir Liliane.

- Ne vous inquiétez pas, c'est juste un ordinateur.

- J'ai du mal à m'habituer à vos gadgets du futur, qui parlent tout seuls, s'excusa Liliane.

- En effet, j’imagine que ce doit être difficile pour vous.

- Oui, je me sens comme une enfant dans un univers d’adultes. Et ma plus grande peur c’est de ne jamais pouvoir rentrer chez moi.

- En tout cas, Gram fera tout ce qui est en son pouvoir pour vous aider, répondit Madie avec empathie.

- Merci, vous êtes tellement aimable !

- Je vais vous expliquer comment fonctionne C.A.I.M, le serveur mondial. Il regroupe toutes les connaissances humaines depuis la nuit des temps. Pour lancer une recherche dans le service d'état civil, il suffit juste de lui demander. Vous voyez, c’est très simple ! Allez-y, indiquez lui le lieu et la date de naissance ce votre fille, parlez lui comme a une personne.

- Bonjour… heu… monsieur Caim, je voudrai connaitre l'adresse de ma fille, elle s'appelle… Anna HEINS, elle est née le 04 février 1970 à Lyon, heu… merci.

C.A.I.M laissa passer quelques secondes avant de répondre.

- Anna BERLINE, née HEINS le 04 février 1970 à Lyon dans le troisième arrondissement, habite actuellement dans la résidence des Acacias à Bron.

- C'est quoi cette résidence.

- C'est une maison médicalisée pour personnes âgées.

- Anna est toujours vivante ! J’ai du mal à le croire. Je voudrais lui parler Monsieur C.A.I.M

Le serveur se connecta à la chambre d’Anna, mais Madie coupa immédiatement la communication.

- Vous n’y pensez pas ! A son âge ! Il faut la ménager pour ne pas provoquer chez elle de trop fortes émotions. Je vais d’abord l'appeler et lui expliquer la situation. Mettez-vous de l’autre côté de l’écran afin qu’elle ne vous voit pas tout de suite.

Madie demanda à C.A.I.M de se connecter à la chambre d'Anna.

Après quelques secondes d’attente, un visage apparu sur l’écran.

- Bonjour.

- Bonjour Madame BERLINE, j'ai à côté de moi une personne qui souhaiterai vous parler…c'est…

- Maman ?

- Oui, en effet, c'est votre mère.

Liliane se précipita de l’autre côté de l’écran sur lequel elle aperçut le visage de sa fille. C'était étrange de penser que cette vieille femme était Anna, son enfant qu'elle avait quitté à l'aube de l'adolescence quelques heures auparavant et qu'elle retrouvait à présent au crépuscule de sa vie.

- Maman ? Demanda à nouveau Anna.

- Oui, répondit Liliane d'une voix hésitante.

- C'était donc vrai ! J'ai attendu cet appel pendant si longtemps !

- Vous…heu… tu savais que j'allais appeler ?

- Oui, plus ou moins ! C'est toi qui me l’as dit !

- Donc, je suis revenue ?

- Bien sûr !

- Comment ?

- Ça je l'ignore.

- Je ne t'en ai jamais parlé ?

- Si, mais c'était un peu confus.

- Dis-moi ce que tu sais.

- Et bien…, c'était en 1990, je crois.

- Tu ne te souviens plus de la date exacte ?

- Tu sais à mon âge, ma mémoire n'est plus très fidèle ! Mais je me souviens que c'était en octobre, il pleuvait, c'était le soir. Tu as frappé, nous étions à table et papa s’est levé pour aller ouvrir la porte et il a dit : « Mon dieu ! Liliane ? ». Je me suis levée a mon tour et je t'ai vue, ruisselante de pluie, tu grelotais, tu m’as souri, c'était le plus beau moment de ma vie.

- Emouvantes retrouvailles, mais ensuite, j'ai dû vous expliquer ce qui c’était passé ?

- Oui, tu nous as dit revenir de l'avenir, mais bien sûr, papa ne t'a pas cru, et moi non plus. De toute façon, il a refait sa vie avec Lucie.

Liliane resta sans voix devant les paroles un peu confuses de sa fille. Thomas, son Thomas avait refait sa vie ! Mais comment avait-il pu lui faire une chose pareille !

Elle resta un instant sans voix, sous le poids de l’émotion, anéantie par les horribles révélations de sa fille. Si elle rentrait, que retrouverait-elle à son retour ? Son époux marié à une autre et sa fille qui aurait presque l'âge de sa mère ! Non, elle ne pourrait pas le supporter ! Le mieux pour elle, c'était de rester ici dans l'avenir.