11. Cauchemar
Ce soir de février 2013, la température était fraîche sur la cité phocéenne. La sortie au restaurant de Nathalie avec ses amis était censée être un moment agréable mais il vira rapidement au cauchemar. Elle n’aurait jamais imaginé voir Laurette et Samuel, son fiancé, s’enliser dans une dispute aussi violente. Chaque minute s’étirait dans un silence tendu. L’atmosphère devenait presque irrespirable.
Soudain, Samuel devint verbalement agressif. Son arrogance se déversa sur Laurette. Choquée et indignée, Nathalie n’hésita pas à prendre la défense de son amie, mais l’hostilité de Samuel se tourna vers elle. Ses remarques acérées fusèrent et la frappèrent de plein fouet jusqu’à ce qu’elles n'atteignissent leur limite.
Nathalie finit par se lever et quitta le restaurant, furieuse. L'air frais de la nuit n'apaisa en rien la colère qui l’embrasait alors qu’elle se dirigeait d’un pas rapide vers le parking de la Place aux Huiles pour y récupérer sa voiture.
Elle avançait d'un pas décidé mais une sensation trouble commença à la gagner, une inquiétude diffuse qu’elle ne parvenait pas à expliquer. Elle remarqua des lampadaires vacillants et le bruit de ses pas qui résonnaient sur le trottoir, accentué par le silence de l'environnement désert. Un frisson glissa le long de sa nuque, une impression à peine perceptible, mais assez forte pour la pousser à jeter des coups d’œil furtifs de toute part, comme si elle pressentait un danger invisible.
Les détails les plus anodins s’imprégnaient pourtant en elle, comme captés par un instinct en alerte : La lumière d'une enseigne tremblotante, un papier virevoltant sous un souffle de vent, des pas discrets, étouffés derrière elle...
Nathalie secoua la tête. Elle tenta de chasser cette montée d’angoisse qui la serrait de plus en plus fort.
- Arrête de te faire des films, idiote, murmura-t-elle pour se rassurer, bien que son cœur battait un peu trop vite. Puis, elle passa devant un banc occupé par trois hommes, et une voix l'interpella :
- Eh, ma jolie, tu vas où comme ça ?
Elle leur lança un regard glacial en guise de réponse, et accéléra le pas vers les escaliers du parking. Mais l’un des hommes, visiblement piqué par son silence, se leva brusquement et se mit à la suivre. En une fraction de seconde, il fut sur elle. Il agrippa son bras avec une brutalité qui la cloua sur place, pétrifiée.
- Lâchez-moi ! Vous me faites mal, s'écria-t-elle, la voix tremblante.
Pour toute réponse, elle reçut une gifle brutale, sèche, tandis qu’une voix sifflante, empreinte de mépris, lâcha :
- Ferme-la, salope. T’as quoi dans ton sac ?
Les larmes aux yeux, la panique dévora ses pensées. Nathalie trouva malgré tout la force de riposter. Son pied fendit l’air et frappa l'homme à l'entrejambe, qui le plia en deux. Son répit fut de courte durée : un autre agresseur surgit et l’attrapa par les cheveux. Il lui asséna une gifle si violente qu'elle chuta au sol. Le goût métallique du sang envahit sa bouche alors que son ventre explosait de douleur sous un coup de pied brutal. Elle tenta de se redresser. La lanière de son sac se resserra autour de son cou lorsque son premier agresseur la tira vers lui pour la maintenir au sol.
Au milieu de la terreur et de la souffrance, les pensées de Nathalie se mirent à tourbillonner. Des images surgirent dans un chaos de sensations. Elle sentit une nouvelle gifle claquer sur sa joue. Le sol semblait basculer sous elle.
Etrangement, un souvenir éclata dans son esprit comme une échappée lumineuse. Elle revit une plage de son enfance, sentit le sable chaud entre ses orteils, entendit le rire cristallin de sa petite sœur qui résonnaient dans les vagues.
Tout semblait si doux, si possible, ce jour-là, un instant de pure liberté sous le soleil étincelant. Elle s'accrocha désespérément à cette image et chercha à échapper à la peur qui menaçait de l'engloutir. Puis, elle sentit sur sa joue la douceur de la main de Véronique, son amie, et se souvint d’un soir d’hiver où, blotties l’une contre l’autre sous une couverture, elles avaient partagé leurs secrets jusqu'à s’endormir. L'image de Véro et de son visage couleur noisette, réconfortante comme un ange gardien, s'inscrivit dans son esprit comme un phare dans cette nuit de violence. D'autres visages lui apparurent, des silhouettes floues, des souvenirs de personnes aimées qu’elle n’avait pas revues depuis des années.
Mais la brutalité de l'agression contrastait cruellement avec ce souvenir apaisant et une pensée glacée perça dans son esprit :
"C'est ici que tout va se finir !"
Son cœur se serra alors qu’elle pensait à son petit monde, ses parents, sa sœur et... Charlotte. Tous ces moments ordinaires auxquels elle n'avait accordé que peu d'importance, parfois même oubliés, mais qui, à cet instant, prenaient une importance immense et poignante.
Son esprit lui montra alors un champ de lavande baigné de soleil, une fontaine apaisante, et Vincent... Son amour de jeunesse qui était devenu son refuge au plus profond d'elle, au fil des années et malgré son absence. Elle s'accrocha à cette vision comme à un radeau dans une mer déchaînée, luttant pour ne pas céder à la peur qui menaçait de l’engloutir. Son cœur murmura une prière silencieuse et implora cet homme tant aimé d'apparaître à ses côtés, comme un ange, pour la sauver.
Chaque coup la ramenait brutalement à la réalité, mais elle luttait pour rester ancrée à un doux souvenir, à une sensation de paix. Dans un dernier sursaut, Nathalie essaya de se défendre, mais son corps la trahit, épuisé et meurtri. Le goût du sang s’épaissit dans sa bouche, sa respiration devint chaotique. Et dans un souffle silencieux, elle s'entendit murmurer intérieurement, comme une prière éperdue :
"Je veux vivre, je veux m’en sortir."
Au loin, elle aperçut un couple et dans un ultime espoir, elle leur lança un appel désespéré, mais ils détournèrent le regard, pour accélérer le pas et fuir. Il la laissèrent seule à la merci de ses bourreaux.
Elle était terrifiée. Elle supplia ses agresseurs de la laisser partir, la voix brisée par la peur, mais ils restaient sourds, emportés par une haine froide, presque mécanique, qui semblait se répandre comme un poison, imprégnant le trottoir.
La violence redoubla lorsqu'ils déchirèrent sa robe, leurs mains avides explorant son corps sans défense. Ses cris résonnaient dans le vide. Ils s'écrasaient contre l’indifférence de la ville endormie, et ne parvenaient qu’aux oreilles de ceux qui se nourrissaient de sa peur. Les coups s’abattirent sur elle sans relâche. Ses côtes furent lacérées.
Chaque impact résonna dans son corps comme une onde de choc, et chaque respiration devint un supplice. Elle sentit la brûlure d’une ecchymose se former sur son bras, là où elle avait été agrippée. Ses muscles tremblaient de terreur. Maintenant, le sol rugueux sous elle écorchait ses mains, ses genoux et ses tentatives de se redresser furent brisées par des gifles cinglantes. La douleur se propageait comme une flamme et s’insinuait dans chaque fibre de son être.
Elle ressentait la peur comme une étreinte glaciale qui contractait ses muscles dans une tension qu’elle ne pouvait relâcher. Le goût du sang emplissait sa bouche, tandis que des larmes brûlaient ses joues enfiévrées, gouttes amères de son impuissance.
- Sa chaîne, prends-lui sa chaîne !
Recroquevillée sur elle-même, Nathalie entendait les voix de ses agresseurs qui s’entrecoupaient sans qu’elle puisse saisir leur sens et avant qu’elle ne perçoive, au loin, le murmure sordide d'un des hommes à propos de son corps. Elle se mit à trembler, et ses sanglots, incontrôlables, secouèrent ses épaules meurtries.
Elle avait touché le fond et elle fut prête à abandonner la lutte, lorsqu'une voix s’éleva, autoritaire et tranchante.
Une voix d'homme.
Elle ne l'avait pas vu arriver. Il approcha de ses agresseurs. Sa voix était puissante. Elle retentissait comme un coup de tonnerre. Il ordonna aux trois hommes de s’éloigner.
Dans le brouillard de ses pensées, elle le perçut à travers ses larmes : il était là, tel un ange, prêt à les défier. L'un des agresseurs sortit un couteau, le regard dur, comme un prédateur défié. L’inconnu ne fléchit pas. Il observait la scène avec une expression calme, presque impassible, son visage indéchiffrable comme s’il portait en lui un fardeau invisible. Chaque mouvement semblait mesuré, chaque geste précis, comme s’il possédait une maîtrise rare de lui-même.
Elle ressentit une étrange sensation : un frisson, non de peur, mais de quelque chose de plus profond, presque familier. Elle ne vit pas son visage, pourtant, il y avait quelque chose de troublant, un éclat qui évoquait un souvenir enfoui, comme si elle le connaissait. Elle détourna les yeux, déconcertée, mais cette image resta ancrée dans son esprit, mystérieuse et captivante. Autour d’eux, l’atmosphère sembla s’altérer, comme si le temps s’était ralenti. Les couleurs prirent une intensité irréelle, et l’air vibra d’une énergie presque surnaturelle. Les contours de l’homme se fondirent dans l’éclat doré des lumières de la ville, et Nathalie, entre deux battements de cœur, se demanda si elle rêvait.
Était-il réel, ou n’était-ce qu’une projection née de son esprit brisé ?
- Tu veux quoi, connard ? lança un des agresseurs.
L’homme resta imperturbable, le regard fixe et acéré. Il répéta son ordre, cette fois d’une voix plus basse, presque menaçante. Nathalie profita de la diversion et puisa dans ses dernières forces pour se relever et s’éloigner en titubant vers les escaliers du parking.
Avant de descendre, elle jeta un dernier coup d'œil en arrière et aperçut l’homme au sol, submergé par les trois assaillants. Elle n'attendit pas davantage. Tremblante, elle retrouva sa voiture et démarra en trombe. Elle pulvérisa la barrière du parking dans une fuite frénétique.
Alors qu'elle s'engageait sur la route du port, deux voitures de police, gyrophares allumés, passèrent à toute vitesse en sens inverse. Elles filaient droit vers le lieu de l’agression. Mais Nathalie n'avait plus la force de faire demi-tour. Tout ce qu'elle désirait, c'était rentrer, prendre une douche pour effacer l'empreinte de cette nuit d’horreur, laver les blessures de son corps et de son âme. Les larmes coulaient sans fin et traçaient leur chemin salé sur ses joues.
Elle accéléra et laissa derrière elle cette scène cauchemardesque.
La peur ne la quitta plus de la nuit.
Arrivée chez elle, Nathalie verrouilla la porte à double tour. Ses mains tremblaient encore. Elle se précipita vers la salle de bain, la tête basse, comme si l'eau chaude pouvait effacer l'horreur de son corps. Elle frotta sa peau avec rage, les larmes mêlées à l'eau brûlante, comme pour laisser la douleur et la colère se libérer en sanglots. Quand elle émergea, épuisée, elle s'enroula dans une serviette, attrapa son téléphone d'une main tremblante et appela son amie :
- Nathalie... Mon dieu... Est-ce que... ça va ? demanda Véronique, inquiète.
- Je... je ne sais pas, murmura Nathalie, la gorge nouée. Ils...ils étaient... partout.
La douleur battait dans chaque fibre de son être, comme une symphonie cruelle de coups qui résonnait à chaque souffle.
- Véro...Viens vite... Je n’y arriverai pas seule, dit-elle, chaque mot chargé de détresse.
Véronique arriva quelques minutes plus tard. Nathalie lui ouvrit la porte et s'effondra dans ses bras. Elle laissa tomber les dernières défenses qui la retenaient encore debout.
Lorsque son amie la vit, elle comprit immédiatement qu'elle avait été victime d'une agression. Elle caressa délicatement son visage meurtri. Sa main chaude contrastait avec la froideur des souvenirs encore vifs. Puis elle lui murmura des mots apaisants avant de l'accompagner vers le canapé du salon. Nathalie se laissa bercer par la présence rassurante de Véronique, dont les bras serrés autour d'elle tissaient une barrière contre la peur :
- C'est fini, Nath... Tu es en sécurité maintenant.
Véronique était infirmière. Elle avait hérité d’un mélange harmonieux des traits de ses parents : Sa peau lumineuse, légèrement dorée, unissait la chaleur des Antilles de son père et le calme blanc de Scandinavie de sa mère. Ses cheveux, mi-longs et bouclés, mêlaient des nuances chocolat et caramel, un héritage vibrant et unique. Son visage était finement sculpté, avec des pommettes hautes qui lui donnaient un air élégant. Ses yeux, d’un marron clair presque ambré, semblaient capturer la lumière et dégageaient une douceur envoûtante. Son sourire chaleureux, éclairait ses traits pour accentuer la précision de ses gestes, à la fois gracieux et affirmés.
Tout cela laissait refléter une personnalité forte et bienveillante. Elle murmurait, la voix apaisante comme un baume, mais ses mots paraissaient irréels pour Nathalie, comme si cette délicatesse ne pouvait être vraie après tant de violence.
Au bout de quelques minutes, elle examina les marques sur sa peau :
- Je reviens Nath, ne bouge pas.
Elle se rendit à la salle de bain puis revint avec une trousse de premiers secours. Elle s'agenouilla auprès de son amie. Les gestes tendres et précis, elle commença à nettoyer doucement ses blessures. Le coton imbibé apaisait les éraflures, tandis que ses mains attentionnées faisaient oublier, l'espace d'un instant, la violence de l’agression.
Nathalie se laissa faire, les yeux mi-clos. Elle retrouvait un réconfort dans chaque geste de son amie, qui, par ce soin attentif, réparait bien plus que des plaies visibles.
- Que s’est-il passé, mon ange ? finit-elle par chuchoter.
La jeune femme resta silencieuse un instant, puis finit par répondre d'une voix inaudible :
- Ils... ont déchiré ma robe. Leurs mains... partout... Je ne pouvais pas bouger. J'ai crié... mais il n'y avait personne... Personne pour m'entendre. Ils m'ont frappée, encore et encore... J'ai cru que...
Sa voix se brisa. Véronique la serra dans ses bras et la berça lentement.
- C’est fini, ma chérie... Tu es là, avec moi...
Elle prit délicatement son visage à deux mains et la força à la regarder :
- Je suis là, Nath.
Elle ressentait chaque battement de cœur de son amie, chaque respiration rauque qui luttait pour émerger des sanglots. Après un long silence, Nathalie reprit, comme si raconter son cauchemar pouvait alléger son fardeau :
- Un homme... Il est arrivé, il a crié sur eux. J’ai cru... J’ai cru que j'allais enfin être sauvée, qu'ils allaient partir, mais ils se sont retournés contre lui puis ils ont commencé à le frapper à son tour. C’est là que j’ai pu fuir. J'ai couru jusqu’au parking, mon cœur allait exploser...
Des larmes coulèrent de nouveau sur ses joues tandis qu’elle levait des yeux implorant vers Véronique :
- Je les ai vus, Véro... Ils le frappaient encore et encore. J’ai rien pu faire...
Elle s'effondra. Véronique la berça doucement afin d'apaiser les sanglots de son amie :
- Doucement, calme-toi... C'est fini...
Au bout de quelques secondes, elle murmura à son oreille :
- Tu te souviens de Jérémie, mon ami ? Le flic.
- Oui...
- Demain, je l’appellerai. Peut-être pourra-t-il nous dire ce qu’il s’est passé avec cet homme, avoir de ses nouvelles, ça te va ?
- Oui, d'accord.
Véronique s'adressa à elle d'une voix douce :
- Mon cœur, il va falloir aussi que tu déposes plainte pour...
Nathalie se redressa subitement :
- Non, supplia-elle, pas question, je veux oublier tout ça et vite...
Véronique hocha la tête avec douceur :
- D'accord, d'accord, c'était juste une idée, oublie ce que j'ai dit... Tu veux que je reste avec toi cette nuit ?
- Oui. je veux bien. ça ne te dérange pas ?
- Bien sûr que non, voyons, répondit Véronique. Elle la serra contre elle. À quoi ça sert les amies ?
Nathalie sourit timidement et laissa échapper un soupir tremblant.
- Où est Charlotte ? demanda Véronique.
- Elle est chez Carole, pour le week-end.
- C'est très bien. Je vais aller te préparer une boisson chaude.
Nathalie avait le regard dans le vague :
- Cet homme, c'est le seul qui est venu... J'espère qu'il n'a pas été gravement blessé.
Véronique lui sourit en caressant ses cheveux :
- Bien sûr que non, ma chérie. Elle se leva pour se diriger vers la cuisine et en revint avec une infusion. Puis, avec une infinie tendresse, elle guida Nathalie jusque dans sa chambre. Elle l'allongea dans son lit, la borda soigneusement, puis se coucha à ses côtés.
Après avoir bu la boisson chaude, Nathalie se blottit contre son amie. Rassurée et apaisée par sa présence, elle finit par céder à l’épuisement. Elle se laissa emporter par le sommeil, ses peurs abandonnées pour un temps.
Elle savait que Véronique serait là et qu'elle veillerait sur son sommeil fragile
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Le lendemain matin, Nathalie émergea lentement de son sommeil.
Chaque mouvement éveilla une douleurs sourde dans son corps meurtri et à peine eut-elle tourné dans son lit que sa poitrine s'embrasa d'une vive brûlure. Elle peinait à respirer. Chaque inspiration lui arrachait un soupir de douleur et elle comprit rapidement qu'elle devait avoir plusieurs côtes cassées.
Se redresser devint un immense effort. Chaque geste, même le plus simple, fut un véritable enfer. Finalement, elle se leva pour se diriger vers la salle de bain.
Lorsqu'elle passa devant le miroir l'image qui s'y refléta la figea. La nausée la submergea aussitôt. Son visage si fin, si doux et habituellement si rayonnant, était méconnaissable, tuméfié et gonflé par les hématomes. Son corps zébré, teinté de jaune et de bleu, portait les stigmates des coups qu'elle avait reçus. Les marques de la violence qu'elle avait subie apparaissaient partout sur son corps ; Ils déformaient la moindre parcelle de sa peau.
Elle s'effondra sur le bord du lit, ses épaules secouée de sanglots étouffés. Les souvenirs de son agression déferlèrent dans son esprit, chacun plus terrifiantes que le précédant. Elle avait été impuissante, submergée par la haine de ces hommes et dans le moment présent, des larmes coulèrent et brûlèrent ses joues.
Elles transportaient avec elle la peine et la rage qu'elle n'avait pu exprimer la veille.
Puis, elle se reprit et se rendit dans le salon pour s'installer doucement dans le canapé. Chaque parcelle de son corps provoquait en elle une douleur. Véronique sortit de la cuisine. Elle vint à ses côtés avec un sourire tendre et déposa un café bien chaud sur la table basse :
- Coucou mon ange, comment ça va ce matin ?
Nathalie prit sa tête entre ses mains et des larmes recommencèrent à couler le long de ses joues :
- C'est difficile...
Véronique déposa un baiser sur son front. Elle prit son téléphone et s'assit en face de son amie.
Elle appela son ami :
- Salut Véro !
- Salut Jérémie. Tu peux me rendre un service ?
- Oui, bien sûr...
- Tu as entendu parler de l’agression d’hier soir, place aux Huiles ?
- Oui, un jeune type est intervenu pour défendre une fille qui se faisait agresser, c’est ça ?
- C’est ça. Tu en sais un peu plus... Tu sais comment il va, le type ?
- Il a reçu pas mal de coup, mais il s'en est bien sorti. Les collègues sont arrivés assez rapidement et ont évité le pire. L'un des agresseurs était armé d'un couteau.
- Et les agresseurs ue leur est-il arrivé ?
- Deux ont été arrêtés, mais le principal est toujours en cavale. Pourquoi toutes ces questions, Véro ? Tu es concernée ?
- Non, non... Je voulais juste savoir si je connaissais le gars qui s’est fait tabasser.
- Je crois qu’il s’appelle Vincent mais j'ai pas d’autres infos pour l’instant. Je me renseignerai...
- Merci, mon ange, je t'embrasse.
- Prends soin de toi, Véro. À plus !
Elle raccrocha et se tourna vers Nathalie, qui buvait son café :
- Tu as entendu ? Deux types ont été arrêtés. Le troisième est en fuite. Ton sauveur lui, s'appelle Vincent et visiblement, il s'en est sorti.
Nathalie plissa les yeux, pensive :
- J’ai connu un Vincent il y a quelques années...
- Celui de Corse, c’est ça ? Celui dont tu m'as parlé ?
- Oui, c'est ça, répondit Nathalie, songeuse. Elle ajouta doucement :
- Cet homme, ce Vincent... Il est le seul qui soit venu...
Véronique serra sa main et la regarda avec douceur :
- Je crois aux anges gardiens et je pense que tu viens de rencontrer le tien.
Nathalie, apaisée par les paroles de son amie, soupira et laissa ses pensées dériver :
"Et si c'était mon Vincent ?"
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Non loin d'elle, dans un service des Urgences de l'hôpital de la Timone, Vincent trouvait un réconfort au milieu de sa souffrance. Il savait qu'il avait sauvé Nathalie d'une horreur sans nom.
Lorsque les sirènes s'étaient faîtes entendre dans le quartier, résonnant dans la nuit, il gisait à terre, le visage tuméfié, le corps meurtri. Sur place, les policiers lui avaient porté secours avant d'appeler le SAMU mais allongé dans le froid, le corps endolori, Vincent ne pensait qu’à elle.
Il l'avait reconnu alors que ces trois “ordures” s'acharnaient sur elle.
Maintenant, allongé au sol, il se demandait comment elle allait, si elle était en sécurité, et dans quel état d’esprit elle se trouvait après cette agression brutale. Il espérait qu’elle n’avait pas été trop secouée, que le traumatisme ne l'avait pas marquée autant que lui, là, étendu sous une couverture de survie. Mais même si le froid et la douleur irradiaient de chacune de ses blessures, son inquiétude pour Nathalie était un poids plus lourd encore, bien plus que ses propres souffrances.
Arrivé dans le service des Urgences de l'hôpital, les médecins diagnostiquèrent plusieurs côtes cassées, une arcade sourcilière ouverte et des contusions couvrant son corps.
Malgré tout, Vincent restait conscient, un faible sourire de soulagement aux lèvres, heureux d'avoir entendu un policier dire que l'autre victime, une jeune femme blonde, avait pu s'enfuir et échapper à ses agresseurs.
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