19. La topaze
Une fois dans la voiture, seul le cliquetis nerveux des clés que Vincent faisait tourner entre ses doigts rompait le silence pesant. Nathalie, les mains crispées sur ses genoux, fixait la route comme pour s’accrocher à quelque chose de tangible. Le souffle court, elle finit par briser l’obscurité d’une voix tremblante :
— Vince... qu’est-ce qu’on va faire ? Comment on sort de tout ça ?
Elle tourna son visage vers lui. Ses yeux, vulnérables et emplis d’une détresse palpable, cherchaient les siens. Vincent posa une main ferme mais douce sur la sienne. Il se voulut protecteur.
— On ne peut pas fuir, Nath. Pas cette fois. Tous ces signes, ces coïncidences... Cela nous poussait vers quelque chose de plus grand. Maintenant, on le sait. Ce lien, ces rêves... Ils ont un sens. On a un rôle à jouer.
Il marqua une pause avant de reprendre :
— Je ne te laisserai pas affronter cela toute seule. Je te promets qu’on va le comprendre ensemble. On trouvera un moyen.
Elle sentit son cœur se serrer, mais une lueur de détermination commença à briller dans ses yeux. Fragile mais réelle. Elle hocha la tête :
— D’accord, Vince.
Ils arrivèrent devant l’immeuble de Nathalie. Le moteur s’arrêta dans un murmure. Le silence de la nuit enveloppa de nouveau l’habitacle. Vincent se tourna vers elle, son visage marqué par l’inquiétude.
— Ça va aller ? murmura-t-il.
Elle força un sourire :
— Oui... ne t’inquiète pas. Je vais gérer.
Alors qu’elle s’apprêtait à descendre, il hésita, les mots coincés dans sa gorge :
— Nathalie... Après ma blessure... La lettre... C’était bien toi ?
Elle releva la tête. Son visage affichait un mélange de surprise et de tristesse. D’une main légère, elle caressa son visage.
— Oui, Vince. Quand j’ai su que tu jouais ce match, j’ai accepté l’invitation. Je ne voulais pas te revoir... mais quelque chose, au fond de moi, m’y a poussé. Et puis... quand j’ai vu ta blessure...
Sa voix se brisa légèrement. Elle détourna les yeux :
— C’était comme si... comme si une malédiction s’achevait avec la fin de ta carrière. Elle baissa la tête, honteuse. Je suis désolée, Vincent. Je n’aurais pas dû dire ça.
Il secoua doucement la tête, sa voix rauque d’émotion :
— Non, Nath... Tu as raison. Je n’ai pas eu le courage de te dire que je partais. Mais le destin a pris les choses en main, comme toujours.
Un lourd silence s’installa, chargé de tout ce qu’ils avaient tu jusqu’à présent. Nathalie retira lentement sa main, comme si elle craignait de briser un équilibre fragile.
— Vincent, je ne t’en veux pas, murmura-t-elle, même si une lueur de douleur persistait dans son regard. Je crois que... je crois que j’ai compris pourquoi tu as fait ça.
— Pourquoi ? demanda-t-il avec appréhension.
Elle releva ses yeux, perdu entre leurs souvenirs et le présent :
— Parce que tu pensais que c’était mieux pour nous deux, parce que tu n'avais que dix-neuf ans.
Son ton n’était pas accusateur, juste honnête. Vincent serra les poings. Il luttani contre l’émotion qui montait en lui.
— Peut-être, admit-il dans un souffle. À l’époque, tout était si compliqué. Le football, ma carrière... toi. C’était comme si tout m’échappait.
- Alors tu as choisi de fuir, conclut-elle doucement, sans reproche mais avec une tristesse perceptible
Il acquiésça de la tête, incapable de répondre autrement. Mais elle poursuivit. Sa voix gagnait en assurance :
— Le destin peut nous séparer, Vincent. Mais il peut aussi nous ramener l'un à l'autre, peu importe le temps ou les épreuves. Je t'ai toujours aimé, Vince. Même quand je voulais te haïr pour ce que tu avais fait, je n'y arrivais pas.
Ses paroles le frappèrent de plein fouet. Il tendit une main tremblante vers elle. Il effleura son visage. Il voulait s’assurer qu’elle était bien là, réelle. Leurs doigts s’entrelacèrent, et dans ce moment suspendu, il n’y avait plus de regrets, plus de barrières, seulement la promesse tacite d’un nouveau départ.
— Je dois rentrer, murmura-t-elle doucement.
Elle ouvrit la portière lorsqu’il attrapa délicatement son poignet.
— Nath... Rappelle-toi. Si je m’endors en premier, tu viendras dans mon rêve. Mais si c’est toi qui prends les rênes du rêve, tu auras du mal à en sortir. Alors, promets-moi de t'endormir après moi. Si on retourne dans ce cauchemar, je dois être le premier à y entrer.
Elle fronça légèrement les sourcils, troublée par ses mots :
— Pourquoi y retourner Vince ? Notre prochaine rencontre, c'est à Munich. À quoi tu penses ?
Il hésita un instant, inspirant profondément avant de se lancer :
— Il y a quelque chose dont je ne t’ai pas parlé. Lors de ton agression à Marseille, l’homme qui est intervenu... c’était moi.
Elle resta silencieuse, mais son regard se fit plus tendre, habité d’une compréhension qu’il n’attendait pas.
— Je le savais, Vince. Je l’ai su peu de temps après.
Il détourna un instant les yeux, perturbé par son aveu. Puis il se redressa. Son expression devint plus résolue :
— Je veux dire... On doit retourner là-bas, Nath. Affronter ce passé, ces ombres... Mais cette fois, ce sera moi l’agressé.
Son ton se fit plus grave, plus tranchant. Une lame qui fendait l’air.
— On n’a pas le choix.
Elle acquiesça alors qu'un frisson glissait le long de sa colonne vertébrale. La terreur grondait au fond d’elle.
— Et si on échoue ? demanda-t-elle. Sa voix chancelait.
Vincent resserra légèrement sa prise sur son poignet. Son regard brillait d’une détermination farouche.
— On n’échouera pas. Mais souviens-toi, Nath. Je dois m’endormir avant toi.
Un sourire triste effleura ses lèvres. Elle se pencha pour déposer un baiser léger sur sa joue.
— D’accord, Vince. À tout de suite... à Marseille.
Elle quitta la voiture avec lenteur. Chaque pas en direction de son immeuble lui coûtait. Il la regarda s’éloigner. Il sentit une ombre d’angoisse s’insinuer dans son cœur. Puis, dans un soupir, il démarra le moteur de sa voiture.
Alors que Nathalie se préparait un thé, Vincent retournait vers sa maison, qu'il regagna rapidement.
Allongé dans son lit, Il fixa le plafond. Son esprit tourbillonnait autour des révélations du médium. Les cauchemars partagés, cette étrange lutte entre rêves et réalité. Mais il revenait toujours à Nathalie. Ce lien invisible, indestructible, qui les ramenait sans cesse l’un vers l’autre.
Pourquoi eux ? Pourquoi maintenant ?
Il chercha à calmer le tumulte de son esprit. Il voulut s’ancrer dans le souvenir de son sourire et de leur complicité. Le sommeil l’enveloppa. Il s’abandonna à l’espoir qu il pourrait la protéger, la sauver des ombres qui les menaçaient.
La nuit l’engloutit doucement. Puis, une lumière pâle éclaira faiblement un escalier de pierre qui s’étirait devant lui. Vincent scruta les alentours. Nathalie n’était pas encore là. Tant mieux. Cela lui laissait le temps d’observer, de se repérer, d’élaborer un plan avant que l’agression ne commencât.
Il avançait prudemment. Les marches débouchaient sur une rue familière.
"La rue Sainte", pensa-t-il.
Malgré la pénombre, il se souvenait parfaitement de l’endroit. Le parking était juste derrière lui. A quelques mètres. Tout autour restait figé. Pas un souffle de vent. Pas une ombre en mouvement. Rien ne laisser présager une violence imminente.
Puis...
Un murmure...
A peine perceptible...
Un râle sinistre s’insinua dans l’air.
Le cauchemar venait de commencer, glacial...
Vincent frissonna, son cœur s’emballa dans sa poitrine. Il lança d’une voix hésitante :
— Qui est là ?
C'est une voix grave et lointaine qui résonna dans l'air. Menaçante.
- Je vous attends...
Vincent se figea, la gorge nouée :
— Qui êtes-vous ?
La voix reprit. Plus proche.
— Tu le sais bien, Vincent. Cherche au fond de ta mémoire.
Il secoua la tête, tenta de reprendre le contrôle de ses pensées :
"Je deviens fou, il n’y a personne ici."
Elle lui glissa à l’oreille, moqueuse :
— Tu te trompes... Il y a bien quelqu’un.
Son pouls s’accéléra. Cette présence invisible semblait l’entourer, l’emprisonner dans un piège qui se refermait lentement.
— Mais qui êtes-vous ?!
— Tu m’as pris quelque chose, Vincent. Je viens le récupérer.
Vincent tourna sur lui-même. Il cherchait désespérément l’origine de cette voix. Mais rien. Juste l’obscurité étouffante de la rue.
— Je... Je ne sais pas de quoi vous parlez ! Comment aurais-je pu vous prendre quoi que ce soit ?!
La voix s’assombrit. Froide et implacable.
— Elle va bientôt arriver... Tu pourras me rendre ce qui m’appartient.
Son souffle se coupa :
— Vous parlez de...
— De ta amie, oui ! La jolie petite blonde.
Vincent sentit une vague de panique l’envahir. Il serra les poings
— Je vous préviens... N’approchez pas d’elle, ou je...
Un rire sourd, déformé, s’éleva. Il emplit la rue. La voix résonna de nouveau, méprisante :
— Ou quoi ?
La réponse amplifia le malaise du jeune homme. Un frisson glacé descendit le long de son dos. Vincent aurait voulu que Nathalie ne s’endorme jamais. Ce n’était plus qu’une question de minutes avant qu’elle ne le rejoignât dans ce cauchemar. Son esprit tournait à toute allure. Il cherchait à comprendre.
Qui était cette voix ? Quel objet aurait-il pu dérober ? En quoi Nathalie était-elle impliquée ?
Ces questions tourbillonnaient lorsqu’il l'entendit arriver :
— Vince !
Il se retourna brusquement. Nathalie accourait vers lui. Elle se jeta dans ses bras, les yeux écarquillés par la peur :
— Vite, Vince, réveille-toi. Sa voix tremblait d’effroi.
— Nath, écoute-moi... On doit patienter encore un peu. Je dois comprendre ce qui se passe.
— Comprendre quoi ? Ils vont arriver ! Elle l'implorait. Ses mains s’agrippaient à son bras. Partons, Vince, je t’en supplie !
Un bruit métallique derrière eux les interrompit. Ils se retournèrent, pétrifiés. Dans la pénombre, trois silhouettes éthérées se matérialisaient devant leurs avant de les approcher, silencieusement. Seul, un cliquetis se faisait entendre. La lame d’un couteau contre une balustrade métallique. Le bruit en était sinistre. Il fendait l’air.
— Vincent, vite, vite ! cria Nathalie. Elle était désespérée.
Il attrapa sa main fermement :
— Suis-moi !
Ils se précipitèrent vers les escaliers puis montèrent les marches à toute vitesse. Vincent, le souffle court, se retourna brièvement. Il hurla :
— Que voulez-vous ? Quel objet vous ai-je pris ?!
Nathalie jetait un regard paniqué par-dessus son épaule. Les trois individus les suivaient. Leurs silhouettes fantomatiques flottaient dans la lueur sombre de la rue.
— Mon Dieu, Vincent, réveille-toi ! cria-t-elle. Sa voix était brisée par la peur.
Arrivé en haut des marches, Vincent se tourna. Il plaça Nathalie derrière lui pour la protéger. Les trois formes avaient ralenti mais continuaient d’avancer, implacables. Il leva la tête et lança une dernière supplication :
— Que voulez-vous, bon sang ?!
Nathalie tourna la tête vers le haut de l'escalier. Elle étouffa un cri. Une ombre noire, gigantesque, se dressait devant elle. Sinistre et insidieuse, elle semblait absorber la lumière autour d’elle. Sa voix, devenue plus grave, emplit l’air comme un orage :
— Vous viendrez à moi... Cette fois, vous me rendrez mon bien.
Vincent se tourna. Il croisa les yeux de l’entité. Elle les fixait avec une haine glaciale. L'être démoniaque bloquait leur issue. Une terreur viscérale le submergea.
Il ferma les yeux. Il devait emmener Nathalie loin de tout ça.
Un tourbillon l'enveloppa pour l'arracher au cauchemar. Il se réveilla en sursaut. Le souffle coupé, son cœur battait à tout rompre. Vincent savait qu'ils avaient ramené un fragment de cette terreur avec eux dans la réalité.
Son téléphone se mit à vibrer sur la table de nuit :
— Vince... Pourquoi as-tu fait ça ? demanda Nathalie. Sa voix était mêlée de peur et de colère. Mon Dieu... j’étais terrifiée. Pourquoi tu ne m’as pas écouté ?
Vincent inspira profondément. Il voulut une voix douce pour la rassurer :
— Attends, Nath, calme-toi. Je vais tout t’expliquer, d’accord ?
Il l’entendit inspirer lentement de l’autre côté de la ligne. Il choisit soigneusement ses mots :
- Avant que tu ne me rejoignes dans le rêve, j’ai entendu une voix... Celle de cette ombre. Elle m'a dit que je lui avais pris quelque chose. Que je devais lui rendre un objet lui appartenant.
— Un objet ? Mais quel objet ? murmura-t-elle. Elle était énervée.
— Je ne sais pas encore, avoua Vincent. C’est pour ça que je voulais rester. Pour comprendre.
Un silence suivit. Nathalie reprit, hésitante :
— Qui est-ce Vincent ? Et pourquoi nous ?
Vincent ferma les yeux, ses pensées tourmentées :
- Nath... Je crois que... c’est la pierre.
- Mais quelle pierre ?
- La topaze. C'est la topaze qu'il veut...
Elle baissa les yeux vers le pendentif autour de son cou. La lumière faisait scintiller faiblement la pierre jaune.
— Mon Dieu... murmura-t-elle, la voix brisée. C’est ça qu’il veut...
Après avoir raccroché, un silence suivit, pesant comme un avertissement.
Vincent, toujours allongé sur son lit, regardait le plafond, l’esprit en ébullition. Il repensait à tout ce que le médium leur avait révélé. Ces forces mystérieuses, cette lutte entre les rêves et la réalité... Tout semblait se mélanger. Un puzzle dont les pièces ne s’ajustaient pas encore. Mais au-delà de ces énigmes, une autre pensée prenait le dessus. Sa connexion avec Nathalie s'était renforcée au fil des jours. Avec tout ce qu'ils avaient traversé, Vincent se surprenait à réaliser l'évidence. C'était plus qu'une simple complicité née du danger.
Il l'aimait.
A présent, il ne pouvait plus le nier. Ce sentiment, enfoui depuis tant d'années, avait refait surface, plus puissant que jamais. Son esprit s’apaisa un instant, porté par l’image de son sourire, par les souvenirs de leurs moments partagés. Une pensée domina toutes les autres :
"Je dois la protéger, quoi qu’il en coûte."
Le lendemain, le soleil s’éleva doucement. Filtré à travers le store, il enveloppait la chambre d’une lumière dorée et rassurante. Vincent ouvrit les yeux, encore habité par les souvenirs vifs de ses rêves. Une brève accalmie le traversa. Mais le rappel des enjeux de leur quête effaça rapidement cette tranquillité.
Il prit son téléphone, hésita un instant, puis tapa son message.
"Salut Nath, j’espère que tu vas mieux ce matin. Je voulais juste te rappeler que je suis là, quoi qu’il arrive. On va surmonter tout ça ensemble, je te le promets."
Il le relut. Il cherchait à transmettre toute la force qu’il voulait partager. Puis il l’envoya. Il se leva et se dirigea vers la salle de bain. Il s’aspergea le visage d’eau froide avant de se rendre dans la cuisine.
Son café refroidissait entre ses mains lorsqu’il sentit son téléphone vibrer :
"Coucou Vince, ça fait du bien de savoir que tu es là. Tu travailles aujourd’hui ?"
Un sourire étira ses lèvres. Il répondit aussitôt :
"Je suis dispo... c’est une invitation ?" La réponse ne tarda pas :
"J’adore manger asiatique, c’est bon pour le moral." Il sentit son enthousiasme monter. Il pouvait presque l’imaginer sourire derrière ses mots.
"Laisse-moi t’emmener dans un petit resto sympa ce soir." Quelques minutes plus tard, son téléphone vibra à nouveau :
"Parfait ! J’adore l’idée. 19 heures, ça te va ?"
"C'est un rendez-vous ? Hâte d'y être !"
"A ce soir !"
Il comprit que la journée serait longue jusqu'au soir. Déjà impatient, Vincent se leva et passa sous la douche.
Puis, il enfila sa tenue de cycliste. Les textiles techniques moulants lui donnaient l’impression d’une seconde peau, prête à affronter le vent vif des Alpes. Il ajusta son casque, enfila ses gants, puis sortit son vélo. La brume matinale embrassait encore les sommets enneigés, et les premiers rayons de soleil faisaient scintiller les cimes, promesse d’une belle journée. Vincent prit une profonde inspiration et s’élança.
Les chemins sinueux, bordés de sapins et de rochers, semblaient l’appeler. À chaque tour de pédale, il laissait ses pensées vagabonder. Sa fatigue musculaire libérait son esprit. Les bruits de la vallée s’éteignaient progressivement, remplacés par le silence brut des hauteurs. Il n'était ponctué que par le chant d’un oiseau ou le craquement d’une branche.
Il atteignit un replat. Il stoppa pour reprendre son souffle, posa un pied au sol et contempla l’immensité qui s’offrait à lui. Les montagnes se dressaient majestueuses. En contrebas, la vallée s’étendait en une mer de verdure. Dans ce moment suspendu, son cœur se délesta des poids qu’il portait. Face à cette nature brute, Vincent retrouva un équilibre enfoui, loin des cauchemars, des mystères et des angoisses. Il se sentait à nouveau maître de lui-même, prêt à affronter les défis qui l’attendaient.
La journée fila à une vitesse inattendue.
Le restaurant qu’il avait choisi était un petit trésor, niché dans une rue calme du centre-ville d’Aix-en-Provence. Des lanternes suspendues projetaient des reflets dorés sur les murs. Il baignait dans une lumière tamisée et des parfums d’épices douces.
En entrant, il aperçut Nathalie déjà installée à une table. A sa vue, un sourire radieux illumina son visage. Vincent s'installa face à elle. La joie de la voir ainsi éclairait son visage :
— Bonsoir, Nath. Tu es magnifique.
Elle rougit légèrement.
- Merci, Vince. Toi aussi, tu es très élégant. Je suis vraiment contente d’être ici, avec toi.
Le menu entre leurs mains, ils commencèrent à discuter de tout et de rien. Leurs échanges firent naître une ambiance agréable. Ils oublièrent, le temps d’un repas, les ombres qui planaient au-dessus d’eux. Alors qu’un plat arrivait à leur table, le sourire de la jeune femme commença à se figer. Son regard devint plus sérieux :
— Vince... tout ce que le médium nous a dit. Tu sais, j’essaie de rester positive, mais...
Il posa son regard sur elle, intensément protecteur :
- Nathalie, on va y arriver. Ensemble. Rien ni personne ne pourra nous séparer, tu dois me croire.
Ses mots résonnèrent dans l’air. Pendant un instant, tout sembla plus simple pour elle, plus clair. Ils continuèrent leur repas. Ils s’accrochaient à l’espoir et à la force de leur connexion comme à un rempart contre l’inconnu.
Puis à peu à peu, l’atmosphère s’allégea. Ils échangèrent des anecdotes sur leurs vies, des souvenirs d’enfance. Nathalie raconta des histoires cocasses. Elle provoquant des éclats de rire chez Vincent, qui, d’ordinaire, gardait un certain calme. Sa timidité et son humour à elle créaient une alchimie inattendue, mais terriblement naturelle.
Il quittèrent le restaurant vers vingt-deux heures. Ils restèrent un instant devant la devanture, emportés par la douceur feutrée de la nuit. Les étoiles scintillaient dans le ciel de Provence. Elles créaient un tableau vivant. Les lanternes du jardin en terrasse projetaient des jeux de lumière sur les feuillages, enveloppant la scène d’une intimité délicate.
Nathalie se tourna vers lui, une étincelle malicieuse dans le regard :
- Et si on marchait un peu ?
Vincent répondit par un sourire avant de prendre la main qu’elle lui tendait. Ils s’engagèrent dans les ruelles pavées, guidés par le murmure de la ville endormie. Le parfum des jardins fraîchement éveillés sous la brise du soir les accompagna. Ils poursuivirent leur conversation légère et ponctuée de rires étouffés. L'espace d'un moment, ils redevinrent des enfants, se livrant à des confidences d'adolescents.
Au détour d’une rue, Nathalie s’arrêta. Elle tourna lentement la tête vers lui. Une lueur d’hésitation brilla dans ses yeux avant qu’elle ne rompe le silence :
— Vince, est-ce qu’il y a quelqu’un dans ta vie ?
Il répondit sans détour, presque instinctivement :
— Non. Et toi ?
Elle détourna légèrement le regard. Un sourire timide étira ses lèvres. Après un court silence, elle murmura :
— Je ne vis pas seule.
Un léger frisson passa dans l'air qui n’échappa à aucun des deux. Vincent détourna les yeux. Il masqua maladroitement la déception qui l'envahissait. Puis, il rassembla son calme et lui adressa un sourire :
— Jolie comme tu es, je suppose que je ne pouvais pas m’attendre à autre chose.
Nathalie perçut son trouble. Elle posa délicatement une main rassurante sur son bras.
— Ce n’est pas ce que tu crois, dit-elle doucement. Mais... c’est compliqué.
Vincent hocha la tête. Il préféra ne pas insister. Ils reprirent leur marche en silence, jusqu’à la voiture deNathalie. Lorsqu’elle ouvrit la portière, elle le regarda tendrement :
— J’ai passé une très belle soirée, Vince. Merci.
- Moi aussi, Nath. Elle s’approcha de lui et déposa un léger baiser sur sa joue. Puis elle grimpa dans sa voiture. Avant de refermer la portière, elle lui lança un dernier regard, un sourire mystérieux au coin des lèvres :
— Un rêve nous attend...
Il acquiesça. Un mélange soudain de gravité et de résolution apparut dans son regard :
— Oui. Ce soir, nous allons à Munich.
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