Chapitre 7 : La politique.

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La politique ? Qu'est-ce donc ? C'est quand il y a un type, bah c'est lui le chef et qu'il dit faut faire quoi. Soit parce qu'on l'a nommé, soit parce qu'il s'est autoproclamé, et qu'on l'a laissé faire, car on a trop peur de lui, ou que c'est le seul qui a bien voulu faire le chef. Bref, c'est quelqu'un qui donne les ordres, puis les autres ils obéissent et ils ferment leurs gueules.


C'était ce qui arrivait à Félicie et Aaron. Bon le mage fallait pas trop compter sur lui, il avait pas l'air motivé à jouer au chef. La fée en revanche, elle savait comment faire, enfin un minimum. Elle avait étudié la politique en tant qu'héritière de son royaume. Sauf que là, bah, c'était des elfes noirs qu'elle devait gouverner. C'était pas pareil, pas la même culture.


D'ailleurs, il serait pertinent d'en raconter un peu plus sur eux. Ils sont à la fois connus et méconnus comme peuple. On les associe souvent au chaos, et on les dit maléfiques. Sauf que ça, c'est surtout les autres qui font ça, principalement leurs frères et sœurs elfiques. Tout ça parce qu'ils sont très portés sur le sexe et la bagarre, et qu'ils font un peu de piraterie comme hobbies, alors ça y est, tout de suite ils sont maléfiques ? Non, faudrait pas exagérer non plus.


Donc oui, Félicie devait gouverner la citadelle. Sa première décision fut de soigner tous les blessés de leurs camps en priorité. Elle-même était prête à donner de sa personne pour aider, faisant ressortir sa magie.



  • Madame, il n'est pas nécessaire de vous en mêler. Nous pouvons nous passer de vos services.


  • Mais je veux vous aider, moi ! Les fées, c'est fait pour guérir et protéger. Alors pourquoi ?


  • Parce que vous êtes la dame de la citadelle. Ce serait inconvenant de vous laisser faire ça.


Tu parles, juste bonnes excuses pour refuser son aide. C'était surtout son halo de soin rose pétant dissuada tous les elfes noirs. Ils privilégièrent donc leurs propres guérisseurs. Chaudrons et potions qui sentaient étrangement tous l'alcool. En gros, la lumière moche ça non, même si c'est efficace, mais pour se beurrer la tronche médicalement, là y'a du monde. Le pire c'est que c'était censé être Félicie la chef, et on lui contestait déjà ses ordres, sous prétexte de protocole.


Comme la fée s'ennuyait, elle se décida à entraîner Aaron dans une exploration des lieux. Bon lui, il était pas tellement motivé à faire une balade, mais plus tôt à se vautrer dans un lit. Il l'avait bien mérité, après avoir tabassé pas un méchant, mais « Le Méchant » ! Sauf qu'il ne savait pas vraiment où se trouvaient ses quartiers. Il accompagna Félicie, mais ils se firent vite rattraper et interpeller par une membre de la garde des ombres. Elfe aux cheveux blancs et très musclés malgré sa féminité.



  • Mes seigneurs, où allez-vous ainsi ?


  • Nous faisant le tour du propriétaire. Où est le problème ?

  • Mais vous êtes la Dame de Keeleran maintenant ! Vous n'avez pas le droit de vous balader n'importe où sans escorte !

  • Moi je me sens pas concerné. C'est Félicie la dirigeante. Moi je veux juste un coin pour faire une sieste. Vous ne sauriez pas où je peux me trouver une chambre rien qu'à moi ?


  • Monsieur ! Vous devez absolument rester avec Madame ! Vous êtes censé avoir la même chambre ? J'avais compris que vous deux étiez mariés.


  • Et alors ? On a pas l'obligation de dormir ensemble ?


  • C'est une hérésie chez notre peuple ! Vous devez partager le même lit !


Un couple marié ou non qui ne dort pas ensemble, sauf raison valable certifier et signé en quadruple exemplaire par un haut prêtre, c'est contre les coutumes elfes noirs. C'est même passible de la peine de mort ! Quand on disait que le sexe comptait beaucoup dans cette culture, bah là, ils allaient le sentir passer Félicie et Aaron. Apparemment, on attendait vraiment d'eux qu'ils jouent leurs rôles jusqu'au bout. Y compris avoir une héritière ! Bon par contre c'était complètement débile comme logique. Les elfes noirs, les fées et les élémentaires, ça crevait difficilement de vieillesse. C'était au cas où les deux mouraient au combat ou d'autres causes. Mais quelle connerie d'avoir accepté, aussi ! Bon pour Félicie qui était partante pour le lit à deux, ça allait. Le problème venait d'Aaron. Pas sûr qu'il la laisse faire ce qu'elle voulait de lui. En tout cas, avant tous, Félicie, elle devait savoir.



  • Et vous êtes qui vous ? Pour vous permettre de nous dire ce qu'on faire ?


  • Alors moi je suis Luluh la fouetteuse, une garde, mais aussi c'est moi et une autre collègue Marlih la défonceuse qui seront vos suivantes.


  • Heu, pardonnez-moi de vous dire ça, mais vous comptez me faire tout le personnel de la citadelle ? J'ai une bonne mémoire, mais pas au point de me souvenir tout le monde.


  • Mais non, juste des quelques membres importants ici. Les autres on s'en fout !


  • Alors tout va bien. Reprenez.


  • Il y a aussi deux personnes affectées à la sécurité de votre époux. Raak au poing rentrant, et Kilth l'écarteur, qui au passage sert également de conseiller conjugal.


  • Heu, c'est normal que vous cumuliez les fonctions ?


  • Bah à cause de Le Méchant, on manque d'effectif, et y a pu un rond dans les caisses.


  • Je commence à comprendre. En gros vous nous avez refilé le boulot de dirigeant pour ne pas être responsable de la situation ?


  • Pas du tout, enfin. Où êtes-vous allez cherché une idée pareille ? Mais laissez-moi vous parler de notre chef, et qui fait aussi une très bonne intendante, même avec un seul bras. La plus forte, la plus sadique, la plus coriace et terrifiante, Mimi la sucrette.


Mimi la sucrette ? Mais c'est quoi ce nom pourri ? Elle qui par son apparence de grande guerrière vétérante aux blessures héroïques, terreur et maîtresse du donjon des plaisirs, se voyait affublée d'un patronyme des plus mignon et cucul la praline ! C'est inadmissible ! Mais soit ! Revenons-en à la politique. Notre fée avait du boulot, surtout qu'Aaron n'avait pas l'air disposé à aider, préférant filer en douce pour pioncer. Une chose que Félicie refusait de laisser passer. Elle lui envoya donc des gardes aux fesses afin de le lui ramener. Bordel ! C'est qui la patronne ?


Elle l'aurait bien fait elle-même, surtout pour éviter ce qui suivait. La fée fut conduite dans la salle où l'attendait son nouveau trône ainsi qu'un autre. Elle avait bien envie de le tester, mais non, car une pièce plus dangereuse restait à voir. Un grand bureau, et plusieurs piles colossales de dossiers à traiter. Eh oui ! Félicie allait se taper moult heures, journées, semaines, mois... De papiers administratifs. La politique, c'était surtout ça. Face à cette horreur, elle ne put que se plaindre :



  • Vous n'avez personne pour s'occuper de ça ? Des scribes, ou des serviteurs spécialisés dans le tri des dossiers ?


  • Madame, je vous l'ai dit : restriction budgétaire et de personnel. Peut-être pourriez-vous délaisser une partie du travail à votre conjoint ?


  • D'accord, alors vu qu'il s'est enfui, autant dire que je suis marron ! Et puis, vous cumulez bien plusieurs fonctions ? Pourquoi certains d'entre vous ne pourraient pas s'en occuper ?


  • Heu, parce que... parce que... heu... Aucun de nous n'a les compétences pour ? Et puis, on a tous plusieurs tâches déjà attribuées...


Tu parles ! Ils s'étaient tous approprié les autres charges restantes pour ne pas s'y coller. Ainsi, Félicie n'ayant que ça à faire, elle demeurait la plus à même de vaincre l'adversaire. Aaron ? Elle ignorait s'il savait lire et écrire. Entre le vieux maître qui s'était occupé de son éducation, ce qui était déjà un argument suffisant, elle n'oubliait pas qu'il avait passé son adolescence en prison. Pas vraiment l'endroit où on apprend. Puis, c'était de l'elfique, alors définitivement hors de portée pour lui.


Tout en râlant et en maudissant Aaron, elle se mit au travail sans attendre. Et elle comprit vite le problème : Le Méchant, il n’avait rien foutu pendant un siècle. Bah oui, c'était un démon pas un bureaucrate. Quoique, certains le sont. Enfin, tout dépend dans quel sens ont associes les mots « démon » et « bureaucrate ». Félicie ne mit pas longtemps à craquer, et transformer le tout en une tornade de feuilles volant dans toute la pièce.


Bon c'est vrai que depuis le début elle ne donne pas l'impression d'avoir inventé l'eau chaude notre fée. Mais fallait pas trop la sous-estimer non plus. Elle avait une idée en tête en faisant ça. Elle ne cherchait pas à empirer la catastrophe en mélangeant tout. Elle trouva ce qu'elle voulait : plusieurs pages sur la situation économique et les infrastructures du domaine. Ha ha ! Enfin l'occasion de se tirer de ce bureau pourri ! Félicie s'improvisa inspectrice de terrain. Ce qui eu le don d'étonner ses deux gardes du corps et... Bordel j'y crois pas de devoir le dire... Mimi la sucrette qui les avait rejoints, et s'empressa de suivre la fée.



  • Madame ! Où allez-vous ?


  • Je dois voir par moi-même la situation pour bien gouverner.


  • Vous n'essayeriez pas de vous défiler par hasard ?


  • Moi ? Jamais. Mais il faut bien décider des priorités, non ? Mieux je serais informé, mieux je pourrais... Agir.


  • À l'avenir, veuillez nous avertir de vos déplacements, qu'on puisse vous accompagner.


  • Même pour aller pisser, on doit vous prévenir ?

Aaron venait de rejoindre sous la contrainte des gardes, une Félicie qui le fusilla du regard avant de se coller à lui. Du romantisme ? Pas du tout. Elle voulait surtout éviter qu'il se tire encore une fois pour lui laisser tout le boulot. Pas folle la fée. Lui pourrait facilement pourrir les deux elfes noirs qui l'escortaient. Mais cela témoignerait d'un alignement particulièrement mauvais. Déjà que leur aventure n'avait pas aidé à faire dans la bonté et la générosité.


Félicie pouvait aisément faire le tour du domaine en volant, mais le cheval lui fut imposé. Bah oui, dans les airs, aucune de ses suivantes ne pouvait... La suivre. Pour une fois, Aaron fit enfin preuve de bonne volonté. Il proposa de faire un bilan des défenses. Ce qui était très pertinent comme idée. Merde ça serait con de chassez un gros démon tyrannique pour en voir un autre débouler. Une journée suffit à atteindre la frontière du territoire, mais aussi plusieurs heures qui firent râler notre fée. Elle qui n'avait jamais été sur une scelle, se plaignit donc d'avoir...


  • Ça fait mal aux fesses votre mode de déplacement ! C'est honteux de me faire subir ça !


  • Madame, pourriez-vous faire un effort ? Nous sommes presque arrivées. Nous pourrions même éviter de passer la nuit, ici.


  • Et puis quoi encore ? On va camper là et tant pis !


  • Si vous l'ordonnez, nous le ferons, mais c'est dangereux. Nous sommes presque aux limites de nos terres.


  • Rien à faire ! J'ai mal au cul !

Et voilà ! Une fée qui a dit le mot en trois lettres. Mais quelle honte, quelle vulgarité ! Bref, au moins la situation été clair. Sauf que la Félicie on la laissa dormir avec Aaron. Bien que tous deux n'avaient pas l'air enchantés d'être collés l'un à l'autre, cela ne choquait pas les elfes noirs qui les épiaient. Apparemment, ils attendaient vraiment que les deux fassent... Des trucs ! Bon déjà qu'en privé ce n’était pas gagné alors en public, c'était foutu.


C'est donc boudeur, que nos elfes voyeurs montèrent la garde, sous des airs de barde. Ouaip, ils avaient emmené ça et de l'alcool ces cons. La Félicie qui voulait pioncer et se reposer, bah elle et Aaron se retrouvèrent embarqués dans un camping festif. Sûrement la meilleure partie du travail pour quelqu'un fuyant les horreurs de l'administration. C'est donc avec une sévère gueule de bois que tout ce petit monde repartit au petit matin. Très avantageux pour eux, car Félicie était bien trop déboîtée de la tête pour se plaindre de la selle.


Enfin arrivé, il ne fut pas difficile d’identifier le problème. La barrière entre le domaine et les terres chaotique se faisait par un immense rempart qui reliait deux grandes montagnes. Astucieux, car il exploitait à la perfection la géologie des lieux. Sauf qu'il était complètement défoncé de partout. Une vraie passoire à démon. Heureusement, ils avaient emmené la personne idéale pour pallier à ce défaut de sécurité. Par contre y'avait du boulot, et le pauvre Aaron allait en passer du temps à danser comme un con devant ce qu'il restait de la grande muraille. À moins que...


  • Félicie ! Danse avec moi !

Danser avec lui ? Après la fée bourrée, voilà la fée rougie. Qu'il l'invite à danser y'avait pas plus surprenant. Non, mais surtout qu'avec la gueule de bois qu'elle se paye, c'est un coup à lui gerber dessus pendant l'opération. Puis, même dans son état...


  • Pardonnez... Pardonne-moi, mais je me vois mal t'accompagner. Tu t'en sortiras mieux sans moi.


Traduction de ce que Félicie dit : elle n'a clairement pas envie de danser devant tout le monde et de passer pour une cruche. Quoique dans son cas, elle y parvenait très bien sans ça, mais ce n'était pas le sujet. Difficile de penser qu'Aaron lui ait demandé ça sans une bonne raison.



  • Je te dis pas ça pour m'amuser ! Mais tout seul ça va être une tâche impossible pour moi. Or, il y a urgence à réparer ça ! En m'accompagnant, tu vas pouvoir me prêter ton énergie magique.


  • Ha d'accord, en effet ça a du sens. Mais je te rappelle que je ne sais pas danser comme toi moi.


  • Pas grave, tu auras juste à me suivre.


Pas rassurée, la fée s'exécuta quand même. Pour une fois qu'elle peut avoir du contacte avec Aaron, elle va pas s'en plaindre ? L'ingrate ! Alors que la destinée lui fait un joli cadeau. Et c'est ainsi qu'ils furent deux à danser comme des cons. Du côté de la garde, ça tapait dans les mains, ça rigolait à tout va. Franchement, on est bien sûr de qui est le chef et les autres les serviteurs ? Parce que là... Même ce boulet de barde s'était mis à jouer de la musique pour les accompagner.


Après plusieurs vomissements de la fée, et un Aaron complètement souillé, la terre se souleva pour se modeler en un immense mur très épais. Par contre, ils durent se barrer en vitesse, car dans les deux montagnes habitaient des nains, dont les mines furent sacrément secouées. Bref, ils avaient tout pété et se tirèrent avant d'être identifiés par les hordes de mini barbus qui leur fonçaient dessus. Pas vu pas pris, donc pas d'incident diplomatique. Ça aurait été con de déclencher un conflit de voisinage alors qu'ils venaient à peine de devenir les nouveaux proprios.


Un retour au château, et une nuit de ronflement apocalyptique issus d'une fée subissant encore les effets de sa gueule de bois, et ça repartaient. Félicie n'avait pas oublié l'ennemi le plus dangereux de la région, et qui arriverait bientôt à elle pour une visite diplomatique : ses parents. Et merde, elle pensait avoir plus de temps avant de devoir se justifier. Elle demanda à faire le tour des fermes du domaine. Alors qu'elle constaté que la terre était encore souillée d'énergie chaotique, elle put enfin user de sa magie. Le sol se tapissa d'un bon gros rose bonbon des plus dégueulasses que la création n'ait jamais vus. Mais au moins ça avait marché.


Le bon peuple exultait de joie, dansait, chantait ! Jusqu'à ce qu'un cri d'horreur vienne casser l'ambiance. Les gardes coururent en direction des hurlements et ramenèrent alors un vieux machin tout moisi et bien connu : le vioc ! Comme s'ils avaient besoin de ça maintenant.

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