Chapitre 13 : C'est quoi ce bordel ?
Félicie et Aaron étaient en pleine discussion du genre "hyper important pour leur avenir". Et voilà que c'est le bordel au bal qu'ils avaient si gentiment organisé. Bon avant aussi, mais la tension s'était apaisée, jusqu'à ce que des gens décident de gueuler pour on ne sait quelle raison. Nos braves zéros… Héros y allèrent, mais d'un pas plus qu'énervé : si on les avait dérangés pour rien, ça allait vite chauffer pour les responsables.
Ils s'avancèrent vers une foule amassée en rond les visages terrifiés, et effecvtivement, il se passait vraiment un truc là. Ça ne ressemblait pas vraiment à quelqu'un qui aurait abusé de la boisson. Lorsqu'ils forcèrent le cercle, ils purent enfin comprendre le motif de l'attroupement: Mimi gisait au sol, le teint violacé et les lèvres pourpres. Qui a osé ? Qui a fait ça ? Pas elle ! Je veux bien tout accepter ou presque ! Un pépé loufoque qui fait des mariages arrangés à coup d'anneaux magiques, d'accord. Des patronymes sortis du cul, passent encore. De la politique bordélique à grand coup de boule de feu, je peux tolérer. Mais pas Mimi la Sucrette, pas toi, pas maintenant, pas aujourd'hui, pas après tout ce que tu as fait !
Par contre, on ne sait pas "tout ce qu'elle a fait" la Mimi, mais ce crime posait tout un tas de questions et un gros problèmes de sécurité. Comment ils avaient fait ? Car là, le ou les coupables n'avaient pas juste approché plusieurs invités ou gardes, ils en avaient empoisonné une. Puis, qui était visé ? On ne sait point. Peut-être était-ce Mimi, victime d'une ex-copine en colère qui aurait voulu se venger d'elle. Il était plus probable qu'elle ait morflé à la place d'un invité, mais lequel ? Et surtout, qui aurait fait le coup ? Pourquoi ? Comment, et surtout, qui a volé l’orange du marchand ? Heu, non... Mauvaise enquête, même si elle n'avait pas encore commencé.
Au moins, tous les suspects étaient présents dans la citadelle car dans le doute, les gardes avaient fermé les portes dès que les premiers cris résonnèrent. Ouais, quelqu'un allait devoir s'expliquer et payer: il y avait un coupable, un sale traître, un immonde fils de... Mais avant toute chose il restait une priorité que Marlith, l'experte en potions et poisons, devait régler.
- Je sais qu'on veut tous la vérité sur cette affaire. Mais nous devons d'abord nous occuper de Mimi. J'ai identifié le liquide, il appartient au répertoire de la magie néoromantique. Or, tout ce que la nécromancie peut faire, elle peut l'inversé.
Nécromancie ? Vous avez bien dit « nécromancie » ? Il n'en fallait pas plus pour déchaîner les passions. Un immense raz-de-marée sonore dévasta les oreilles des personnes présentes dans la salle. Entre incompréhension et curiosité, des visages commencèrent à s'illuminer à l'annonce de Marlith.
- Nécromancie ?
- Nécromancie !
- Oh oui, Nécromancie !
- Ça fait longtemps qu'on n’en avait pas vu ici à Keeleran.
Alors, OK, ils pouvaient sauver Mimi comme ça, mais bon un peu de respect et de dignité pour elle. On croirait qu'ils se préparaient tous à faire une grosse fiesta à faire trembler les murs et les meubles. Et que ça chantait une ode à la gloire de la nécromancie tout en transportant la dépouille qui ne devait pas le rester, tout en trimbalant chaudron et ingrédients. Arrivée dans une salle de rituelle digne d'un laboratoire pour vieux magicien moisi, ce fut une sorcière à l'aspect plutôt junvénile, à peine quelques siècles au compteur, qui les accueillit avec le costume cliché qui va avec le poste. Robe noire serrée et chapeau pointu, ainsi qu'un bâton serti d'une émeraude ! Ils durent s'y mettre à dix pour empêcher le papy d'y toucher. Nostalgie quand tu nous tiens... Enfin, là c'est plutôt Dame Sénilité.
Le corps de Mimi fut déposé sur un autel fleuri de roses noires, et Félicie fut écartée du rituel. On ne voulait pas d'elle, et la fée partie bouder dans son coin. Mais pas trop longtemps, car la curiosité la ramena. Elle commença à faire tournoyer le bout précieux de son bâton, tandis que Marlith préparait une mixture qui puait. Ouais, en même temps c'était à prévoir vu l'aspect rosé du mélange. Si au moins elle avait senti l'alcool... La potion, hein ? Pas Marlith. Quant au comité d'encouragement en arrière plan, là, on a pas d'explication à ça.
- Donnez-moi un « N » ! Donnez-moi un « E » ! Donnez-moi un « C » ! Donnez-moi un « R » ! Donnez-moi un « O » ! Nécromancie !
Mesdames et Messieurs, nous avons, rien que pour vous, trouvé les premières elfes noires pom-pom girls. En tout cas, que cela soit efficace ou pas, les préparatifs furent enfin terminés dans la joie et la bonne humeur. Marlith lui fit ingurgiter la potion de force, et la sorcière récita ses formules. Les veines de Mimi brillèrent du même rose que le mélange. Pas de doute, elle l'avait bien avalé l'infâme mixture. Sa poitrine se gonfla, signe qu'elle respirait de nouveau, et qu'elle était sauvée. Sauf qu'on ne ressuscite pas comme ça, et elle allait faire un gros dodo la Mimi, ce qui était un peu con, car ils devraient se passer de son témoignage pour débuter l'enquête.
Qui dit enquête dit interrogatoire. Devinez qui allait s'y coller ? Aaron et Félicie se préteraient à l'exercice, même si cela ne rentrait pas dans leurs colmptéence, pendant que les gardes cherchaient des indices. Le premier suspect questionné fut la Dame elfe noire qui avait tenté d'escroquer… de négocier la citadelle. Si c'était pour se venger ? Bien sûr que non. C'est juste Félicie et Aaron... D'accord, ça ne tient pas la route comme excuse, mais bon, c'est quand même elle qui allait passer à la casserole. La fée se permit même un petit effet théâtral pour coller la pression à son suspect, une ignoble mise en scène, l'éblouissant d'une immonde lumière rose bonbon...
- Nous avons les moyens de vous faire parler ! Que faisiez-vous au moment du crime ?
- Je profitais de la fête comme les autres. J'ai assez de témoins pour confirmer mon innocence.
- D'accord, vous marquez un point. Et quand bien même ce serait vrai, auriez-vous eu une quelconque raison de vouloir empoisonner quelqu'un ? Moi, par exemple ?
- Pourquoi aurais-je fait ça ? Notre bien-aimé Reine nous a bien demandé de vous laisser en paix ?
L'alibi tenait bien la route. Le problème, parce que oui il y en avait un et même plus : ils en avaient tous un bon ces cons, et aucun n'avait de raison de mentir. La boule de feu ? Mais non, enfin... Il n'y a pas que cette méthode qui fonctionne, il y a aussi la foudre, la glace, et plein d'autres astuces que pouvait utiliser Aaron pour menacer les suspects. Mais en plus d'un bon alibi, l'absence d'indice et de preuves amena les enquêteurs à la conclusion que le coupable avait réussi le crime parfait: il avait disparu bien avant que les portes ne soient fermées.
Cela renvoyait Aaron et Félicie à la case départ. Quoi que... pas forcément. Si ce n'était pas un elfe noir ni un des nains, alors il était peut-être temps de voir les choses d'un autre point de vue. Aaron repensa aux raisons qui poussaient la Reine à soutenir leur légitimité sur Keeleran. Les démons! L'un d'eux ferait un coupable idéal et avec un mobile suffisamment solide pour passer à l'action. Il restait juste la question de savoir comment il était possible de s'introduire dans la citadelle avec du poison et en ressortir sans se faire prendre.
Ils ne le sauraient sûrement jamais car le responsable ne fut jamais attrapé, mais la soirée n'était pas si catastrophique. Mimi était tirée d'affaire, et on ne les emmerderait plus concernant leur légitimité. Les invités étaient tous repartis, à l'exception des parents de fée, ainsi que la Reine elfes noire même si personne en comprenez pourquoi. Aaron et Félicie auraient dû s'en douter, elle avait bien dit qu'elle était curieuse de les voir évoluer dans leur rôle. Mais pour l'instant, ils avaient surtout envie de se reposer.
Félicie n'oubliait pas un truc par hasard ? Qu'elle avait prévu de faire après le bal ? Pas vraiment, mais la situation rendait ce projet secondaire. Trop de sujets préoccupants, mais à défaut de faire des « trucs » dans un lit, c'était l'endroit parfait pour discuter loin de toutes les oreilles indiscrètes. Et bordel, après cet événement mouvementé, riche en intrigues et rebondissements, ils en avaient bien besoin comme tout partait en sucette autour d'eux, ils devaient désormais se remettre en question, surtout Félicie qui hésitait sur sa place dans ce monde:
- Tu crois que c'était la bonne chose à faire, se retrouver maître des lieux ? Je veux dire... Les démons, c'est nous qui les avons chassés d'ici et mis en colère... C'est après nous qu'ils ont des envies de vengeances...
- On n’avait pas vraiment d'autre solution. On l'a fait pour sauver ta petite sœur, et elle était à Keeleran. Rappelle toi que c'est pour ça que tu es venu à moi en échange de ta vie, et que tu nous a lié avec ces saloperies d'anneaux magiques.
- Je ne parle pas de ça, mais d'avoir accepté de rester, de prendre possession des lieux, de gouverner. Peut-être qu'elles avaient raison les Dames elfes noires. On n’est peut-être pas à notre place. On aurait dû partir, ça aurait été mieux pour tout le monde. Sans nous, peut-être que Mimi n'aurait jamais été empoisonnée.
- Et pour aller où ? Je ne sais pas pour toi, mais moi, je n’ai pas de foyer à part ici. Puis... Je crois que tu prends le problème à l'envers. C'est justement parce que les gens de la citadelle risquent des représailles qu'on doit rester.
- Comment ça ? C'est nous qui avons tué Leméchant, le seigneur des vilains qui occupaient les lieux. Donc c'est nous les cibles. Pourquoi notre départ n'arrangerait pas les affaires des elfes noirs ?
- Réfléchis un peu, s'il te plaît. On a juste battu le chef, nous, mais c'est bien la garde de la citadelle qui a massacré les autres démons. Ils sont dans la même situation que nous et c'est sûrement l'une des raisons qui les ont poussés à se ranger derrière nous. On a plus de chance d'encaisser les représailles en faisant front commun.
- Ouais, enfin ce n’est pas gagné. Notre domaine compte une centaine de gardes, et le peuple. Il n'y a pas d'armée chez nous.
- Tu m'oublies moi. Et même si c'est dur à croire, le vieux maître est loin d'être faible. Juste sénile.
Qu’ouï-je ? Papy sait faire la bagarre ? Je voudrais bien voir ça. Il va sans doute donner des coups de bâton à un ou de vilains, mais personne n'irait l'imaginer guerroyer, même si Aaron affirme sans la moindre hésitation qu'il est un puissant élémentaire. En plus il même plus de bâton, donc il a perdu ses derniers points de charisme le vioc. Félicie avait raison, ils étaient complètement sans défense à part la grande muraille qu'ils avaient restaurée. Il y avait bien Aaron, mais si exceptionnel qu'il soit, il ne pouvait pas mener une guerre sans aide. Quoi que... vu comment il pétait de trouille quand Félicie se mettait en colère, il serait bien capable de charger seul contre des milliers de démons pour échapper à sa femme. Le génie de cet homme est vraiment sans limites. Cela ne veut pas dire qu'il peut gagner pour autant.
Conscient de leur faiblesse, ils savaient déjà ce qu'ils devaient faire. Dès le lendemain, ils organiseraient une réunion avec leurs alliées fiables : la garde de la citadelle représentée par Mimi, et les nains, ainsi que de la Reine, même si c'était pas gagné. Les demi-portions, ils leurs principaux talents se révélaient surtout être leur don à assiéger des tonneaux de bière, et à présenter des factures bidons pour arnaquer les voisins. Ne restait donc que la garde à consulter, mais Mimi était toujours dans les pommes. Du coup, fallait quand même tenter l'option royale en priorité.
Ils avaient fait allégeance, mais dans le contrat, ils avaient accepté de rendre, eux, des services contre la citadelle: pas sûr qu'elle veuille de les aider, surtout qu'ils lui feraient leur demande même pas un jour après s'être engagé. Ce potentiel refus catégorique les laissant vulnérable les hanta toute la nuit, au point qu'ils la passent serrés l'un contre l'autre pour se rassurer. Si c'est pas trop choupi-mignon comme scène. Puis, arriva le moment de vérité. Allez ! Du courage braves héros de ce récit, et par pitié, ne faites pas de boulette même si c'est un talent, que dis-je un don divin chez vous. Ils se mirent donc à la recherche de cette chère Reine, qui encore une fois, semblait avoir un temps d'avance sur eux, ce qui innocentait notre Mimi toujours inconsciente, sauf si c'était une couverture... Là, l'elfe noire les accueilli jambes et bras croisés.
- J'ai bien fait de vous attendre, nous n'avions pas fini de discuter.
- Donc vous savez pourquoi on revient vers vous. Confirma Félicie.
- Je le sais que trop bien, mais pour l'instant, il vous faudra vous passer de mon soutien. Sauf si vous parvenez à convaincre vos consœurs. Si je n'ai jamais essayé de reprendre Keeleran, c'est bien que je ne pouvais pas. Mes armées luttent depuis lon,gtemps contre des vagues de pillards à la peau verte.
Alors, comment le résumer gentiment? Ils avaient déjà leurs homologues à dos, et leur avoir fait passer à tous un interrogatoire n'avait rien arrangé. Autant dire que tous attendent la même chose : les voir crever pour prendre leur place. Maintenant, ils avaient de bonnes raisons d'avoir les chocottes. Le seul contre tous, on ne pouvait pas faire pire quand c'était à la fois contre les ennemis et contre les copains. Et la suite, alors, c'était quoi ? Demander l'aide des fées qui étaient mauvais à la bagarre, franchement ils n’auraient pas pu tomber plus bas. Quoi que si en fait. Ils étaient dans la merde, merde qui fut accueillie par un sourire de la Reine.
- Vous avez peur ? Je vous comprends, mais vous sous-estimez ce que vous avez déjà accompli par vous même.
- Là, je ne vous suis pas. répliqua Félicie d'un ton cynique. Je ne vois pas ce qu'on pourrait faire de plus.
- Fédérer plusieurs peuples sur un même domaine, ce n’est rien pour vous ? Acquérir la confiance de gens dont vous n'êtes pas représentatif, c'est juste anodin à vos yeux ? Vous pouvez encore accomplir beaucoup. Je vous l'ai dit, je suis curieuse de vous voir évoluer ici. Ralliez autour de vous. Gérez et entraînez les forces avec vous, je sais que vous pouvez le faire.
Stop ! On arrête tout ! En fait la Reine elle devine juste les situations, elle a zéro espion sur place. Parce que soyons francs : pour tenir de tels propos, elle ne connait pas du tout Aaron et Félicie. Déjà dire d'eux qu'ils sont « capables » ça relève de l’euphémisme. Puis, capable de quoi au juste ? De picoler ? De racketter ? De réussir un délit de fuite sans se faire prendre ? Ils n'avaient même pas commencé à gouverner pour de vrai qu'ils étaient déjà dans la merde. Beaucoup d'exilés étaient en chemin pour la citadelle, et n'y étaient pas encore. De gros leur donner encore plus d'occasion de foirer en beauté. Mais une personne ne semblait pas défaitiste : Aaron.
Il avait fait son choix, celui de défendre Keeleran non pas en tant que seigneur consort, mais comme son foyer. Il y était cher lui, et seule la mort l'en délogerait, ou le destin. Même s'il ne pouvait s'y opposer, il restait prêt à tout pour conserver la citadelle, et bien qu'il ne l'admettrait jamais devant Félicie, il irait jusqu'à tenter le coup de l'héritière. Encore aurait-il fallu qu'il brave son traumatisme, mais on a tous compris l'idée. Sa priorité à la suite de cette discussion : préparer au mieux les citoyens de son domaine à faire face au pire. Sauf qu'il n'était pas stratège, ni maître d'armes. Une fois de plus, ce fut de la Reine que vint la solution. Elle leur prêta le personnel compétent. On est sûr qu'elle a misé sur le bon cheval ? Parce que là, ce n’est pas gagné. Quoi qu'il en soit, seul le temps était maître et grand devin de la réponse.
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