Hêcate Fleap se tenait prêt. Hardi navigateur. Déterminé à affronter les éléments.

Pourtant, il ne put s’empêcher de retenir son souffle lorsque la vague déferlante le percuta.

À vrai dire, non.  

L’image d’une vague déferlante ne saurait restituer l’indicible, appréhender l’inconcevable. Et toute l’arrogance du monde n’aurait jamais suffi à le préparer à cette expérience.

Hêcate Fleap ne subit pas l'assaut brutal d’un océan déchainé.

Non.

Hêcate Fleap explosa.

Sous l’impulsion d’une énergie dont la puissance aurait fait pâlir les dieux, il devint l’océan, la tempête, les vents et les flots.

Ses sens dissolus hurlèrent tandis que son enveloppe corporelle liquéfiée s'effondrait.

Vecteur d’une force obscène, il heurta la trame de la matière avec la rage d’un léviathan.

Il la pénétra jusqu’à l’atome, jusqu’à l’intime, souilla son fondement, ses graines élémentaires, embrasa l’uterum cosmique.

Déchira l’espace et le temps.

Comme une seule vague, Hêcate se brisa et la claque qu’il encaissa dispersa son être.

L’écume de son esprit éclaboussa la limite des mondes.

Le temps se cristallisa.

Offrit un sursis.

.

Implosa.

Entrainé par sa course effrénée, Hêcate devint ressac.

Il se courba, s’enroula, devint vortex, et son être disséminé se déversa en lui-même.

Alors il émergea.

Sans qu’il ne reste la moindre empreinte de cet état anentropique.

Il réintégra un corps sidéré ; un corps traumatisé d’avoir goûté l’anéantissement.

Il apprécia ses limites, éprouva son écorce. En apesanteur, son corps flottant se débattait contre une implacable nausée.

Il sentit ses mains exsangues sous la force de l’émotion agrippées à la barre de navigation. Il inspira profondément, comme si ce non-instant avait duré une éternité. Ses poumons se gonflèrent, étanchèrent leur soif d’oxygène.

Il s'étouffa ; toussa aux larmes ; reprit son souffle.

Ses yeux embrumés se tournèrent vers l'horizon à la recherche d'une accroche.

Et sa vue, restreinte par le hublot de diamant synthétique, se focalisa sur une perle irradiante. Une perle à la robe ambrée, tachée de pourpre, qu’une naine rouge hors de son champ de vision faisait rayonner d’une pâle couronne rubis.

Il avait réussi !