Halia les tira de leur torpeur.

« La descente s’est déroulée comme prévu. Tous les voyants sont au vert. Déclenchement de la phase initiale. Ouverture du compartiment inférieur dans trois, deux, un. Ouverture engagée. »

Hêcate Fleap croisa le regard du colonel Miles. L’astronaute confirmé n’en menait pas plus large que lui. Pirtz et Letman, les sous-officiers, avaient les yeux fermés. Un subtil fumet de merde se dégageait des combinaisons. Les hommes digéraient la descente. Aucun d’eux n’avait encore pensé à se détacher de ses entraves.

— Halia ?

« Oui, capitaine ? »

— Fais-moi parvenir un visuel.

« Tout de suite, capitaine. »

Devant eux, au centre du compartiment, un projecteur holographique s’activa. Une lumière crue vacillante les éblouit une seconde. Les yeux d’Hêcate s’y accoutumèrent, découvrirent une demi-sphère tridimensionnelle évidée dans laquelle était projetée la retransmission des images prises par la caméra panoramique embarquée par le robot.

« Initiation des procédures Eye-1.»

Le robot se mit en branle, emportant à son bord Geeko, stressé par le voyage et l’absence de visages familiers réconfortants. Le singe poussait des petits cris d’angoisse déchirants, audibles à travers la paroi de l’ascenseur.

Hêcate, surexcité, retint sa respiration.

La zone d'atterrissage se situait en périphérie de l’agglomération. La caméra montrait un espace ouvert, étendu, vierge de la moindre construction. Une vallée désolée aux couleurs violines, qu’une sombre végétation pourpre, sorte de cactées squelettiques, tapissait d’ombres rases et impénétrables. Au loin, déformées par un mirage de chaleur, les silhouettes fantomatiques tremblotantes de bâtisses roses pastel s’érigeaient contre la solitude mélancolique de ce désert.

Les quatre hommes buvaient la retransmission dans un silence religieux.

Eye-1 avançait sans difficulté sur ce terrain plat, au sol dur et sec, parsemé de crevasses comme autant de cicatrices de soif. Ses capteurs épiaient tandis que ses outils s’affairaient ; le robot creusait, brisait, brûlait, reniflait, autant le terrain que l’atmosphère.

Hêcate, quant à lui, n’avait d’yeux que pour le singe, calmé depuis cinq bonnes minutes, qui se contentait d’observer attentivement son nouvel environnement.

— Halia, fais-moi un rapport sur l’état physiologique du chimpanzé.

« Geeko est en parfaite santé, capitaine. La combinaison joue parfaitement son rôle. Aucune donnée pertinente ne permet d’envisager le contraire. »

— Que rapportent les premiers résultats des tests effectués par Eye-1 ?

Le plan holographique fit défiler une liste de nombres interminable. Hêcate lu le rapport chiffré tandis qu’Halia en donnait le résumé :

« La température extérieure s'élève à 48°C. Humidité : 9%. Vents : 3 km/h. Pesanteur : 1.26 g. La composition de l’atmosphère est très similaire à celle de la Terre. Le sol présente par contre une quantité de fer et de manganèse beaucoup plus élevée. Quantité de particules radioactives à un niveau acceptable. Aucune trace létale de poison parmi la liste des éléments chimiques ou organiques répertoriés. Par mesure de sécurité, nous maintenons la recommandation du port de combinaisons de protection biochimique. »

— Pouvons-nous passer à l’étape suivante ?

« Nous n'y voyons aucun inconvénient. »

— Alors, procédons.

« À vos ordres, capitaine. Initiation de la procédure Premier-Contact. Ouverture du compartiment supérieur dans trois, deux, un. Ouverture engagée. »

Ils tressautèrent quand la porte laissa entendre l’air s’engouffrer dans un sifflement. Tandis que l’ouverture s’agrandissait, une lumière faiblarde orangée pénétrait l’appareil. La lumière d’un nouveau monde. Hêcate fut le premier à réagir.

— Messieurs, c’est à nous ! Il est temps de rentrer dans l’Histoire.