******
Comme chaque matin depuis son retour, Hêcate Fleap fut réveillé par ses propres hurlements.
Piégé dans les noeuds de ses draps trempés de sueur, il fixait le plafond, fébrile.
Depuis des mois, nuits après nuits, le même cauchemar venait le hanter.
Dans son rêve, il s’éveillait, seul, dans la chambre de son appartement luxueux. Un réveil difficile. Un des ces matins blancs, semblables à mille autres, sur lesquels la routine s’accrochait sans peine.
Mais le réseau ne fonctionnait pas, pas plus que l’électricité. Alors il quittait son immeuble, perplexe, s’engageait dans la rue, préoccupé par mille pensées. Tout en marchant, il sentait monter en lui un sentiment confus. Insaisissable. Il prenait alors conscience qu’un silence inhabituel enveloppait la ville. Il relevait la tête, portait un regard horizontal, constatait qu'il était seul. Les fenêtres des bâtiments vides l’espionnaient sans bruit de mille yeux noirs exorbités.
L’artère déserte offrait un spectacle dépouillé, presque obscène. Brusquement, il se rendait compte que tout manquait. Les écrans publicitaires, les panneaux de circulations, les lampadaires, les véhicules, l’ensemble du mobilier urbain, tout, tout avait disparu.
Il se mettait alors à sillonner les rues. D’abord en marchant. Effaré. Puis gagné par la panique, il se mettait à courir ; courir à toutes jambes, comme un dératé. Cherchait-il ? Fuyait-il ? Il ne savait pas.
À bout de souffle, au pied de la tour StarsFisher Company, il se laissait tomber au sol.
Là, assis sur les marches menant à l’entrée, il sombrait dans le désespoir.
Au loin, une voix semblait appeler. L’appeler.
Il levait la tête.
Et tandis qu’il tendait l’oreille, il croyait saisir des paroles portées par les vents :
— KôT H’SssP HÂPSssS’N’T ! KôT H’SssP HÂPSssS’N’T ! KôT H’SssP HÂPSssS’N’T ! KôT H’SssP HÂPSssS’N’T ! KôT H’SssP HÂPSssS’N’T !
C'était à ce moment exact qu’il se réveillait.
À chaque fois.
Comme chaque matin depuis son retour.
Annotations
Versions