Ce que j'ai toujours voulu faire

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(Musique pour ceux qui veulent :

https://www.youtube.com/watch?v=EllGwNSG7nQ&ab_channel=Scharpnel )


C'est l'été, aujourd'hui ; peut-être que ça le sera aussi demain. On l'espérait. Xibouz en avait assez d'errer dans la brume froide, maudit de migraines, dans cet hiver que le monde venait de chasser, pour un instant ; pour ce jour. Adieu, Hiver, oui ! Bon vent ! et bienvenu, Été. Été...

L'été était exactement comme Xibouz l'imaginait : de l'or-éclat aux cieux, des brûlures et des soleils noirs sur le monde ; les mêmes que ceux des films quand ils passaient encore au cinéma :


Écoutez-moi, les amies ! scande un tournesol en armure, bleuets, roses, violettes et coquelicots ; Dames du jardin, suivez-moi toutes ! Je sais où nous retrouverons l'étreinte estivale.


La chaleur du soir sur les toits, sous les antennes muettes, cette odeur de foin, d'orage, de goudron qui enfin se rafraîchit à l'approche des étoiles ; les déclarations d'amour sous les chênes, l'aria des cigales dans les champs aurifères, puis les grandes balades au crépuscule, le long des sentiers poussiéreux, main dans la main, quelques regards, des rires, un portail ; la fin. Un silence... « J'espère qu'on se reverra... ». Ici, l'été était arrivé en coup de foudre. De l'or et du sépia plein les nuages ; des fleurs, plein l'horizon pour Xibouz :


— J'ai toujours voulu en cueillir une...


Un simple murmure, perdu dans le vent chaud des hauteurs. Le soir de violine ricochait au sommet de l'antenne, là où les ampoules clignotaient. Une vue magnifique à travers les barreaux. Des collines. Ces collines entassées dans le lointain, couronnées de pétales, théâtre d'ombres dans l'orange agonie du jour ! Et Xibouz, dans le public, n'osait plus créer de mots : à chaque seconde son rêve ; son nouveau reflet sur les prunelles grandes ouvertes...


— Je suis déjà allé là-bas, Xibouz... C'est encore plus joli qu'ici. Le vent sent le parfum et fait danser les fleurs ; ça chatouille les genoux.


Une bourrasque se faufila entre les paraboles, sur l'enfant qui retint in extremis sa coiffe de chef indien. Il lorgna son ami assis à ses côtés : un colosse de chrome, au visage dessiné sur une assiette en carton :


— Ah bon ? Mais comment est-ce que vous avez pu les atteindre ?


— J'ai décidé de faire ce que je voulais – puis, en gonflant une baudruche : c'est l'été, aujourd'hui. On a donc le droit de faire tout ce qu'on souhaite ! Regarde, on a grimpé sur l'antenne, et puis tu as même déclaré ta flamme à Rataclette ! Alors, pourquoi est-ce qu'on n'irait pas visiter ces fleurs, hein ?


— Mais les collines sont super loin !


— Et l'orange du ciel les effleure... Aujourd'hui se meurt, Xibouz ; l'été ne sera peut-être pas là demain.


— C'est vrai...


Trois coups de crayon, et un sourire illumina la baudruche à présent ronde comme un Soleil ; bleue, comme le midi. Deux autres tracés, puis des oreilles de chat naquirent sous la mine ; six autres ! et vinrent des lunettes d'aviateur ; une ficelle, Xibouz saisit ce nouvel ami :


— Merci, mais comment il s'appelle ?


— Ça, j'en sais rien. C'est à toi de décider.


— Heu...


Une bouille familière sur le caoutchouc. Une caboche morcelée d'oubli. Peut-être s'agissait-il d'une ancienne connaissance ? Anecdotique rencontre ? Un passant au détour d'un préau... Non. C'était plus que ça. Un personnage du cinéma ? Non ! Encore mieux ! Un vieil ami. Partenaire, rigoleur ! Camarade de cour ayant traversé la mémoire pour s'échouer sur cette baudruche.


— On dirait...


On le dirait souriant, mais en même temps un peu triste.


— Heu...


Le regard allègre, et pourtant si vitreux...

Puis...

Puis un nom surgit de la boue :


— Hé ! Mais on dirait Grisou, non ?


— Peut-être ! crépita l'être de chrome en rangeant ses ballons dégonflés.


— Pourquoi "peut-être" ?


— Bah... Je ne sais pas ? Enfin... Si ? Ou alors... non ? En fait, j'ai juste dessiné une tête de chat.

Miaou.

Non, Xibouz en était sûr ! Il ne se trompait pas, il s'agissait bien d'un dessin de Grisou. Grisou, le chat, mais pas n'importe quel chat ! Son camarade aviateur avec qui il avait partagé ses meilleurs moments : des parties de billes sous les branches, jusqu'aux courses sur le sable doux, construire un avion avant que l'hiver ne vienne ; avant que Xibouz ne l'oublie... Comment était-ce possible ? Son meilleur ami.


— Monsieur l'Agent, il est où Grisou, maintenant ?


La confusion se dessina sur l'assiette en carton :


— Quoi ? Mais... Tu viens de le dire, non ? Il est sur ton ballon.


— Ah ! Oui !


— Et tu as l'air de déjà bien l'aimer, ce... Grisou ! Pourquoi ne pas l'emmener avec nous, vers les fleurs des collines ? Peut-être sera-t-il plus heureux ?


— Mais Grisou est déjà heureux, non ?


— En es-tu sûr ?


Silence. Le vent siffla son ignorance. Xibouz lorgna d'un œil inquiet Grisou qui lui rendait un regard joyeux à travers ses lunettes. Pourquoi semblait-il si mélancolique, pourtant ?


Miaou.


Quelques bourrasques, quelques samares en voltige à travers l'antenne, et les farandoles d'été décollèrent des canopées... Feuilles et brindilles, foin et grains de terre ; en bas, loin, très loin sous leurs petons, une marée de rameaux valsait au sommet d'arbres-mondes. Troglodytes sylvestres, havres incrustés dans l'écorce... Certaines fenêtres filtraient déjà une lumière dorée, parfois rosâtre, d'autres étaient grandes ouvertes, pleines de buées.

Les âtres léchaient les marmites.


Zouzou ! s'écrie une lapine à tablier, arrête de courir comme ça, tu vas te cogner ! Nez Rose, laisse ces couverts en place ! Et vous deux là-bas, venez vous asseoir... C'est bientôt prêt.


Le défilé des flaveurs s'élevait vers l'antenne, jusqu'aux narines de Xibouz. Grisou, aussi ? Peut-être... Grisou avait toujours eu bon odorat ; comme tous les chats de la cour. Il aurait pu sentir le fumet des cuisines avant même d'être gonflé, mais l'heure n'était pas aux doux foyers ! Le jour s'éteignait. Les fleurs attendaient ! Les collines s'étendaient par-delà les bourgs-feuillage, brandissant avec cruauté ce que Xibouz convoitait derrière la vitrine des distances. Le théâtre de là-bas... Il y avait tant de silhouettes élégantes, tant de pétales et spirales de pollens ! Floraisons nébuleuses que le vent offrait en pincées à son museau... Là, entre les fragrances de sève et de soupe, se faufilait parfois celle du tournesol, mais aussi des lavandes, et des girofles, un peu. C'était rare. Assez pour que chacun de ces souffles emparfumés enfièvre son cœur ; sa caisse claire de vie ! En cadence. En rythme ! Ça cognait en croches contre son coffre, ses cartes mères, circuits et mécaniques, par ces ressacs nerveux, vivaces, frénétiques depuis la balade avec Rataclette !


J'espère qu'on se reverra...


Un petit tas d'horlogeries pulsant dans une carcasse d'enfant.


— Je ne crois pas au Demain, Xibouz. L'été s'agrippe à l'Aujourd'hui, mais l'Aujourd'hui nous file entre les doigts ; il tombe en Hier. J'aimerais retrouver les fleurs avant qu'elles ne disparaissent... Est-ce que tu comptes me suivre ? Est-ce que vous comptez me suivre, Grisou et toi ?


— Oui, Monsieur l'Agent ! Je veux aussi les voir, pour la première fois...


— C'est ce que tu as toujours voulu faire.


Miaou.


Monsieur l'Agent se redressa péniblement. Il murmura, un sourire esquissé sur sa caboche en carton :


— L'orange du ciel est rapide, mais nous pouvons l'être plus encore ! Un chevalier tournesol m'a un jour raconté qu'un train passait non loin de là. Qui sait ? Peut-être traverse-t-il toujours la campagne ?


*

**


Alors, j'ai attendu... soupire un chien à son compagnon, un jour, deux jours, une semaine, un mois... C'était très long, mais le train a fini par revenir, et... personne n'est descendu. En fait, d'autres gens du Hameau sont montés. Le boucher, d'abord. Le boulanger, ensuite. Puis l'allumeur, le mendiant, le maire, les pompiers... Même le gamin s'est vêtu de bleu. À la fin, les femmes ont pris d'autres chemins. Les moutons se sont enfuis. Et moi, je suis parti à la recherche de mon ami.


*

**


Jamais Xibouz ne s'était autant éloigné de la maison. Les cigales des champs d'or grésillaient tout autour, des stèles, des lieues après le portail de Rataclette... On y découvrait de nouveaux sons, de nouvelles odeurs ; saveurs, même ! et puis de toutes nouvelles choses...


— C'est ça, un épouvantail ?


— Presque ! Ça, Xibouz, c'est un moulin. Les épouvantails ont quitté les champs depuis longtemps.


— Ah bon ? Ils sont partis où ?


— Là où les oiseaux sont allés.


Mais c'est où, alors ? Xibouz ronchonna, poings au fond de sa veste trop grande. Il voulut insister, quand une bourrasque tenta de barboter sa coiffe indienne. Les plumes de paon s'envolèrent ailleurs... Peut-être à la poursuite des épouvantails.


— Ça souffle fort, quand même... C'est rigolo ! J'ai toujours voulu me balader en pleine mer !


En plein dans les bousculades d'épis. Campagne courroucée. Aujourd'hui, les champs étaient marées ; bien plus qu'hier. Et demain ? Il n'y aura pas d'été, demain. Les ressacs de foin léchaient les pierres des moulins qui giraient à la dérive ; sur la piste des plumes. Bientôt, il ne restera sur le tableau que son or, puis son orange... Son absence, enfin. Ça grondait, dans le lointain ; des stèles, des lieues avant le portail de Rataclette.

Xibouz osa un regard à l'arrière : on ne distinguait plus les bourgs-feuillage, ni les collines couronnées ; on ne sentait plus l'odeur des potages, juste celle du blé. Même l'antenne, Ô géante de fer toisant les havres, même elle avait été comprimée par le joug des distances. Ses barreaux, ses ampoules, ses radars et paraboles, tous s'étaient écrasés en de timides halos pourpres, pulsant avec les brûlures de bobine sur l'orage.


— On dirait que tout à disparu, Grisou...


Miaou.


Le ciel s'encombrait de désastre, là-bas. Grondements et roulements de tambour. Du gris colère et du noir de fin, tant de nimbus croisant le crépuscule pour s'accumuler en Damoclès sur les canopées. L'été s'achevait.

Et mieux valait l'ignorer.

Dire à Grisou que tout va bien. Respirer. Puis reprendre sa marche vers les toits charbons de la gare. La vieille gare. Seule dans son monde. Un écueil dans la houle champêtre, sec, noirci d'histoire ; de guerre, peut-être ? Oui. Ou non ? On ne le savait plus, en fait. Qui était là, autrefois ? Allant et venant des canopées, jusqu'aux champs plein d'épouvantails et de plumes, à la gare, et même par-delà : vers ces lointains châteaux d'eau qui morcelaient l'horizon ?


— Où est-ce qu'ils sont tous partis, Monsieur l'Agent ? Eux aussi ont suivi les oiseaux ?


Bourrasque ! Un nuage de papillons s'enfuit du blé ; pas une réponse ne s'envola. L'être de chrome poursuivait sa marche d'un pas lourd, de grands sourcils froncés dessinés sur l'assiette.


— M-monsieur l'Agent ?


— Hmm... Oui, Xibouz ?


— Vous avez l'air en colère... Pourquoi vous avez des sourcils ?


— Heu... – un énorme sourire illumina le carton : ça, c'était pour mieux faire peur à l'orage, mais ça n'a pas l'air de vraiment fonctionner...


— C'est pas bien, l'orage ?


— Pas ici.


Miaou.


Nouveau coup de tonnerre. Lumière dans les confins arrières ! Xibouz ravala sa question, reprenant son périple à travers la houle d'or...


— Eh ! Mais ça chatouille les joues, comme les collines aux fleurs qui chatouillent les genoux ! Monsieur l'Agent, c'est comme là-bas ?


Le colosse s'arrêta. Une... deux secondes...

...

Puis :


— Non, Xibouz. Les plantes des champs d'or sont rugueuses et ne sentent pas le parfum.


— Ah...


— Mais ça n'a pas toujours été le cas ! Un jour, quand j'étais en balade sur les canopées, une mère lapin m'a confié que des fleurs en rouge coloraient ces rigoles, jadis.


— Oh ! Mais pourquoi elles ne sont plus là ?


— Elles ont décidé de nous attendre au pied des collines. D'ailleurs, nous ferions mieux de nous dépêcher, Xibouz. L'été dégringole.


L'enfant fit volte-face ; les yeux de Grisou restèrent joyeux. Là-bas ! Les halos de l'antenne... Les dernières petites lueurs qui appartenaient au monde des canopées ! À leur tour dévorées ! Englouties, d'une seule bouchée par l'armada noire qui écumait les hauteurs lointaines... Tonnerre. Une première goutte s'écrasa dans la coiffe de Xibouz. Fracas ! Puis une autre, sur une joue de Grisou.

Monsieur l'Agent maugréa, les gros sourcils de retour :


— Les rouages du monde se figent un à un, mais... ça se passe plus vite que je le pensais. Quelqu'un presse la fin... – silence. Il dévisagea Xibouz d'un oeil triste : dépêchons-nous, ou les collines ne nous verrons jamais.


Un. Deux. Trois. Dix, vingt. Cinquante, cent, trois cents. Six cents, sept cents, mille, deux mille, et des milliers d'autres pas de course dans les vagues-épis ! Ça ne chatouillait plus les joues... Ça les fouettait, elles, et ces pauvres petites jambes de fer qui peinaient à suivre l'impitoyable rythme sous les cieux endésastrés.


— M-monsieur l'Agent... C'est dur de... courir longtemps...


Sans un mot, le colosse emporta Xibouz et Grisou sous son bras, et les épis volèrent en éclats ; le chemin, en tourbillons de poussières. De flammes ! Un tracé ardent, trajectoire directe vers l'escalier bousculé de blé. D'un coup d'épaule, Monsieur l'Agent pulvérisa un portail hurlant, un autre, et bondit par-dessus un fossé... Qu'y avait-il au fond ? Pas le temps de regarder, mais ça ne sentait pas bon ! Il fonça le long des voies ferrés, entre les rails rouillés, sur le goudron humide que les champs avaient annexé ; il fusa, encore, à côté de wagons, des cimetières de wagons, des carcasses d'avions, des tas des étangs des mer de valises éparpillées par millions, le long des quais, puis des hangars, et des quais et encore des hangars tremblant de toute leur tôle sous les trombes de tonnerre, quand... Enfin... Il déposa ses amis sur le marbre de la gare. À l'abri. Dans la lueur orageuse des vitraux...

L'odeur des églises. Pas un chant. Ni même murmure. Seuls leurs pas osaient parler en résonnant.

La vieille gare était déserte. Oubliée...


FERMÉE POUR TOUJOURS


— Oh, non ! Mais c'est pas juste ! Comment on va faire pour acheter des billets, maintenant ?


De cruelles lettres imprimées en rouge impact, c'est ce que l'écriteau du guichet infligeait avec peine dans ses derniers instants. Derrière son bois, des toiles d'araignées s'écroulaient sous les brindilles. Derrière, encore, rouillait un rideau de fer aux peintures écaillées, et derrière ? Mystère.


— Hé ! Il y a quelqu'un, ici ?


Coups sur coups ! Xibouz tambourina le métal sous une pluie de poussière...

... mais aucune autre voix ne s'éleva.


— Est-ce qu'il y a quelqu'un ? On doit vite acheter des billets pour voir les fleurs !


Non. Pas un guichetier, chef de gare, voyageur, pas une entité n'osait le verbe par-delà le rideau : on ne pouvait plus ; ce par-delà n'existait plus. Et pourtant, avides d'un jour cueillir une fleur, les poings s'acharnaient à tirer de ce silence un mot, peut-être une présence... Rien qu'un billet, trois billets ; un voyage vers les collines ! C'était tout ce que Xibouz demandait...


— L'été va bientôt se terminer, s'il vous plaît !


... mais une fois de plus, seuls ses appels ricochèrent pour l'éternité dans le vide du guichet.


Miaou.


— Xibouz, allons ! gronda le colosse, cesse donc ce tapage, ça va gêner les gens. La gare est fermée, aujourd'hui, tu ne vois pas ?


— Mais si on a pas de billet, on va pas pouvoir prendre le train pour rencontrer les fleurs !


— Pas si vite ! Regarde, c'est ce que le vent m'a donné l'année dernière... Quand je marchais sur les Lunes.


Oranges et noirs. Crépuscule et ébène. Trois bouts de papier bicolores s'offraient aux regards, entre les gros doigts chromés de Monsieur l'Agent.


— Voici le tien. Celui de Grisou. Et le mien. Hop ! Faites en bon usage, tous les deux ; ce sont peut-être les derniers.


— Ah bon ?


— Heu... C'est ce qu'un chien dans la neige m'a dit, il y a longtemps. Mais j'espère qu'ils comptent en imprimer des nouveaux ! Le Conducteur n'a certainement pas envie de faire tous ses voyages seul.


Où étaient les imprimeries, alors ? Elles aussi étaient parties à la poursuite des oiseaux ? Xibouz lorgna son titre du bout des doigts... Le papier était criblé de tâches de poussière, de temps et d'encre baveuse. Une relique qui n'attendait qu'à s'envoler en myriades dès le moindre souffle d'entre les vitraux !


— Ou un regard trop insistant... L'orage arme ses plus grands cumulonimbus. Les premiers bombardements arrivent, tu ferais mieux de mettre ton billet à l'abri.


— Mais on est déjà à l'abri, non ?


— Je n'aime pas cet orage.


Mince ! Vite ! L'enfant glissa délicatement son titre dans sa redingote. Vérifia s'il était toujours intact, puis le rangea, vérifia, encore ! et le rerangea, plus profondément.

Avant de vérifier une nouvelle fois :


Bon pour un voyage vers => les Collines aux Fleurs


Ouf ! Il n'était pas cassé. Xibouz déposa le billet pour de bon au fond de sa poche ; la tête encore en tracas : et le train, alors ?

Il arrivera.

Oui ! Le train arrivera !

Xibouz sortit une diapositive de sa veste ; un sourire marqua sa ferraille :


— Le train arrivera, car le chevalier tournesol a toujours raison, Monsieur.


— Oh, oui...


Grondements... Xibouz s'asseya sur un banc, Grisou en main, aux côtés de Monsieur l'Agent.



Qu'est-ce qu'on fait, maintenant, Chef ? souffle un soldat en tirant de son uniforme une cigarette, j'peux pas attendre comme ça ; pas pendant qu'y'a les copains en bas... On devrait les sortir.


Pour les mettre où ?



Nulle part. Dehors ne pouvait plus être sujet. Il devenait peu à peu comme le par-delà du guichet : une vulgaire image dans les caboches qui ont pu le connaître. Le vide ? Non ! Même pas le vide ! Le vide était encore quelque chose quand le dehors ne devenait rien. Juste rien. Une absence...

Pas même un concept.


Pour les mettre où ?


Debout sur un banc, Monsieur l'Agent contemplait les reflets qui disparaissaient un à un des vitraux ; épis par épis. Ça ne sentait plus le blé, dehors... Ni le foin ballotté. L'odeur du goudron humide ? Disparue. Et celle des wagons ? Évaporée. Le fer, la pluie, les orties poussant sur la rouille ? Non ! C'était tout ! Même le fossé n'exhalait plus son haleine fétide.


Réponds-moi ! Pour les mettre où ?


— Pourquoi les cigales chantent pas, Monsieur ?


POUR LES METTRE OÙ ?

Tu as écouté le monde mourir, bon sang ! Et moi, j'ai vu le ciel s'éteindre... On devrait laisser les copains en-bas, Zéro. Là où ils ont une place.

...

Allez, file-moi une clope, maintenant. On en a plein.



Miaou.


Le fracas céleste ; c'était tout ce qu'on entendait, dehors. Du désastre en déluge ! En plein sur le monde, à chaque seconde, stèle après stèle, lieue après lieue, grain par grain, et les yeux sur l'assiette qui ne cessaient de grossir d'horreur. Après les moulins, le blé s'en allait, et puis les chemins, les cigales, l'escalier...

Même la mort du jour décidait de partir.


Le ciel n'a pas été le seul à s'éteindre, Chef...


... il suffisait de ne rien oublier pour le remarquer. Or, Monsieur l'Agent se rappelait toujours de tout. Tout ce qu'on lui avait dit ! Les phrases chuchotées entre deux arrêts. Les grandes tirades dans les jardins ! Des messes basses aux cris de victoire ; chaque mot qu'on lui avait confié à demi-voix au cours de son processus, il les avait encore en mémoire. Il savait. Il voyait quand les choses disparaissaient... Et ici, dans la vieille gare des champs d'or, c'était la fin de l'été, mais pas seulement. C'était aussi la fin de la canopée, des bourgs-feuillage, de l'antenne, des campagnes et des moulins, la fin des nuages de papillons, des châteaux d'eau de l'horizon, la fin de la gare, de ses quais, des vestiges...

C'était la fin d'un monde.


— Monsieur l'Agent ? Il y aura aussi des fleurs en jaune sur les collines ?


— Heu... Oui, quelques-unes ! Mais... Elles sont surtout en bas, avec celles en rouges. Au sommet, il y a les fleurs en noir.


— Oh ! Mais j'en avais jamais vu des en noir ! Elles sont pas dans ma collection... Hé, Grisou, t'en as déjà vu des fleurs en noir, toi ?


Miaou.


— Ah AH ! J'en étais sûr. On sera deux à les découvrir, alors.


Trois, mais Monsieur l'Agent avala son mot. Un regard à l'horloge du hall ; les sourcils firent leur grand retour sur l'assiette...


— Monsieur l'Agent ? Elles sont comment les fleurs en noir ?


Un coup d'œil au vitrail.


— Heu...


Encore un autre sur les aiguilles.


— Eh bien... Deux survivants m'ont un jour assuré que c'était celles qui avaient la meilleure odeur !


Les verres tremblèrent...


— Et... Ce sont aussi celles qui ont la meilleure voix !


... puis les pierres...


— La meilleure Xibouz...


— Ah ! Elles savent chanter, aussi ?


— Comme les champs.


— Mais j'entends plus les champs.


— Ils se reposent.


Miaou.


— Et les fleurs en vert, alo....


NON ! Pas de fleur en vert ! Pas le temps. La nef venait de voler en éclats autour d'eux ; les vitraux, aussi... Partis. Absents, désormais. Et par-delà leur mort, dans les restes nus du dehors ! entre les chiffres et l'électrique qui tissaient les coulisses du réel, un hurlement venait de s'élever.

Xibouz voulut sauter de son banc, mais une main de chrome emprisonna son regard...


— Les fleurs en vert sont sur d'autres collines. Ferme les yeux, maintenant, cache ceux de Grisou, aussi. On sort prendre le train.


*

**


De toute façon, moi je veux partir, d'abord ! rouspète une gamine à couettes depuis une branche, peu importe où, peu importe comment ! Je veux partir ! Partir très loin ! Là où personne pourra m'embêter !


*

**


Ça sentait le voyage. L'odyssée, un peu... Mais Xibouz n'aimait pas vraiment partir. D'habitude, il laissait ces dangers bien volontiers à l'aventurière de la cour, se replongeant dans les images qu'un ange lui avait jadis offert. Illustrations et photographies ; une grande collection, rien que pour lui ! Et tous les soirs dans le lit, ses yeux se nourrissaient des couleurs que le temps n'avait pas encore profané. Des pétales. Des milliards de pétales et de pollens, et de feuilles et de fleurs ! Tous enfermés dans l'encre, éternisés sous diapositive. À portée de regard ! Mais pas de main.

Pas encore.


— C'est bon, Xibouz. Tu peux rouvrir les yeux.


Le cliquètement des rails. La banquette qui tremble sous les fesses... Xibouz offrit ses prunelles au-dehors, la rétine aussitôt submergée par l'agonie du jour. C'était agréable. Ça réchauffait sa carcasse.


— Oh, de l'orange ! Y'a de l'orange partout, Monsieur l'Agent !


— C'est beau, n'est-ce pas ?


— Oui ! On a le métal qui brille !


— Le visage, aussi.


Mais ça donnait envie d'éternuer. Seul Monsieur l'Agent y plongeait ses yeux dessinés sans broncher ; les bras de chrome flamboyants. Il ne contemplait pas. Il surveillait. Il écumait du regard les cieux intacts ! à l'affût du moindre nimbus. Mais rien n'osait affronter ses sourcils froncés. Aucun malheur sur l'orange persqu'incarnat ; juste les rayures de bobines, et quelques cotons à la dérive dans l'été moribond.


— Monsieur, on... On est arrivé aux collines ?


— Pas encore. Il reste plusieurs arrêts avant le nôtre ! D'autres gens ont envie de voyager, tu sais ?


— Ah ! Mais pour aller où ?


— Dans plein d'endroits. Certains rentrent chez eux. D'autres décident de partir. Partir très loin...


— Là où on peut cueillir une fleur ?


— Oui. Par exemple...


Vivement, alors ! Mais il fallait attendre. Tuer le temps en rêvant, comme avant ; quand l'été n'existait pas.

Xibouz trifouilla dans ses poches, et son passé s'échoua peu à peu sur la banquette : des bibelots, témoins de jadis ; des billes, puis d'autres billes... Toujours des billes.


C'est débile. Elles sont lentes tes billes ! ricane un lapin à nœud papillon.


Certes, mais la vie de Xibouz possédait d'autres fragments, plus brillants de passions ! Les mains s'enfoncèrent davantage, et de nouvelles reliques s'affalèrent sur les coutures : des écorces, d'abord, des fleurs de papier ensuite, quelques nénuphars en crépon, des dunes en flacon, les plus douces de la cour. Puis vinrent les bâtons infestés de désert, des bouts de ferraille rouges, parfois roses, le plus souvent rouillés ou coloriés au feutre usé ; ces mêmes feutres, là, accompagnés de craies, et même d'un pinceau ! Dur comme pierre. La gouache avait séché au fond de la poche, écaillant le défilé de papiers qui planèrent au vent du wagon. Il y en avait de toutes les couleurs, de tous les bonbons, des mots avec des cœurs, des sourires, un tract de mairie, des bons points, une page de livre, deux billets de train, l'un pour l'allé, l'autre pour le retour, et des diapositives, enfin... Les diapositives de Xibouz.


— Ah ! Je les ai enfin trouvées !


Ce joli petit tas d'images tressaillant au rythme des rails : l'été, les fleurs ; ses rêves. Oui. Xibouz était très simple. Pas d'ambition d'aviateur, d'agent secret, encore moins de corsaire sur les mers inconnues. Lui, il s'asseyait juste sur son lit. Il songeait aux collines quand d'autres souhaitaient frôler les étoiles. C'était tout aussi loin.

Mais ces fleurs sur ses diapositives, cette fleur, celle qui suit du regard l'été, et qui dans les films était chevalier ! Cette fleur, ... Elle avait toujours su où zieuter les ciels incendiés :


Halte ! Les rayons des Soleils viennent de disparaître derrière ces montagnes ! Mais ils se relèveront après leur chute. Je le sais ! Je les ai déjà vu faire. Prenons racine, les amies ! Buvez dans ce lac ; ce sera l'été, demain.


— La fleur en jaune, hein ? devina le colosse sans quitter les cieux des yeux.


Pas de réponse. Xibouz venait d'offrir la diapositive au crépuscule, le regard subjugué par ce qui habitait à présent les murs du wagon. Son opium. Observer le tournesol était devenu obsession. Un rituel, tous les soirs accomplis dans l'ombre du dortoir, au nom d'une folle espérance : peut-être... alors, peut-être, à force de zieuter le chevalier comme il contemplait les Soleils, peut-être qu'il se tournerait vers lui, et d'un bond ! sortirait de sa diapositive pour le guider hors de l'hiver...


C'est l'été, aujourd'hui. On a donc le droit de faire tout ce qu'on souhaite !


Oui. Déclarer sa flamme à Rataclette ; se balader avec elle sous les chênes, sur les sentiers de poussières ; jusqu'au portail couleur fin. Et puis, pourquoi ne pas grimper sur cette antenne, tant qu'on y est ? Voir d'en-haut le monde ! Marcher au milieu des blés ballottés. Monter à bord d'un train...

Cueillir une fleur.

Ça, c'était ce que Xibouz avait toujours voulu faire.


— Merci, Monsieur l'Agent...


Le cliquetis des rails faisait trembler les valises. Ça sentait le chez-soi. Le salon qui nous accueille quand la nuit obscurcit les carreaux ; la maison, un peu... La fin ; une secousse.

La locomotive s'était arrêtée.


— On est arrivé ? Ce sera toujours l'été, demain ?


L'enfant colla son museau de fer sur la fenêtre ; un soupir noya le paysage de buée.

...

Le long glissement des paumes sur le verre.


— Xibouz ! Voyons, je t'ai pourtant prévenu : d'autres gens ont envie de voyager.


— Mais le jour est en train de mourir...


— Nous arriverons aux collines à temps, ne t'inquiètes pas.


Les petites mains terminèrent leur chute sur le rebord, et reposèrent ainsi ; quelques instants à écouter le monde tirer ses bagages hors du train.


— Monsieur ? Qui habite ici, près de ces étangs ?


— D'autres gens. Un lapin très classe m'a révélé à demi-voix qu'il s'agissait peut-être des oiseaux ; ceux des champs d'or.


— C'est quoi les champs d'or ?


Silence. Quoiqu'un soupir ; instable et abyssal. Mais rien de plus. Monsieur l'Agent se contentait d'encombrer le verre de son reflet, sur ces campagnes que les lacs mangeaient jusqu'aux seuils des portes.

Puis...


— Ce sont de grandes prairies dorées que j'ai traversé, un jour, avec un petit chef indien et un chat très rond.

...

J'ai beaucoup voyagé, tu sais ? J'ai d'ailleurs rencontré tout autant de gens. En fait, j'ai même fait partie d'un équipage. Un vrai équipage, avec une grande aventurière !


Un coup de sifflet, puis les quais aux bords des lacs s'entassèrent dans le lointain...


— Elle avait toujours voulu partir... Alors, je l'ai trouvée et on a parcouru les mondes ensemble ; jusqu'aux confins du réel.


— Woah ! C'est quoi les confins du réel ?


— C'est quand on décide d'arrêter de voyager. Quand on en a marre et qu'on veut se reposer.


— Oh... Ça doit donc être super loin pour une aventurière ! Heu... Et elle est où maintenant ?


— Elle mange des fruits sur ses trésors.


— Eh bah ! Elle en a de la chance ! Moi aussi j'aimerais bien manger des fruits, mais... je préfère les fleurs. Quelqu'un m'a raconté qu'il y en avait sur les collines, heu... là-bas, je crois. Non, plutôt là-bas ! En fait, je suis ici car... heu...

Heu...


Ses prunelles s'égarèrent par-delà le verre ; dans la horde des sapins qui encombraient les rivages. De l'ombre pour le wagon. Des odeurs, aussi : celle de la sève sucrée, puis de la terre sans herbe ; la fraîcheur des futaies, quoique réchauffées d'un rare crépuscule. Qu'advenait-il du ciel par-delà ces épines humides ? Mystère. Il faudrait grimper pour le savoir... Mais comment se hisser sur des branches que des chiffres remplaçaient ? Xibouz balbutia ; c'était bizarre à voir. Toutes ces couleurs électriques grésillant dans la pénombre des bois... On aurait dit les lueurs d'un tableau de bord en pleine nuit : des chiffres, des équations et des codes ; des symboles, parfois, comme ces troncs devenus rectangles et croix écarlates...

Une secousse ; le train se figea au chevet d'un quai obscur...


— Heu... Ah, oui ! Je suis ici car je m'étais dit que c'était bien d'y aller aujourd'hui.


— Pourquoi pas demain ?


—Bah, en fait... J'aimerais au moins cueillir une fleur avant tout se finisse...


— Tu as raison. Je ne crois pas au demain non plus.


Un sourire troua la rouille ; l'enfant tendit sa petite main...


— Oh ! Bah... Bonjour ! Moi, je m'appelle... Xibouz.


... aussitôt serré par la poigne de chrome :


— Bonjour, Xibouz. Je suis Monsieur l'Agent.


Quelques bruits de valises ; quelques pas maladroits. Un coup de sifflet, et la futaie rejoignit les étangs dans leur orage.


— Vivement qu'on arrive, Monsieur !


*

**


Merci, Monsieur l'Agent ! s'émerveille un petit chat de ferraille sur une aile d'avion, mais... Mince ! C'est quoi son nom ?


Ça, j'en sais rien. C'est à toi de décider.


Heu... On dirait... Mais oui ! On dirait.... Hé ! C'est bien lui, incroyable ! Je sais c'est qui, en fait, Monsieur ! Héhé, ce dessin, on dirait la caboche de Xibouz, mon super ami !


Peut-être !


Non ! Pas peut-être. C'est vraiment lui, tout craché ! J'espère qu'il va bien, d'ailleurs...


*

**


Bon pour un voyage vers => les Collines aux Fleurs


C'était le dernier billet. L'Unique après le passage du Conducteur et de sa poinçonneuse infernale ; celle qui claquait des dents. De froid ? De famine. Elle était un peu rouillée des canines ; avide d'un ultime festin ! Juste un seul, avant la fin de l'été. Alors, quand le Conducteur l'a emmené dans la cabine, tout était allé très vite. Il n'a suffi que d'une seconde, en fait. Une simple morsure, croc sur un coin de papier, et des braises avaient fusé dans tous le wagon. C'était très joli à voir. Un peu trop, même... car deux jumeaux venaient de partir en cendres. Au revoir, beaux billets. Adieu ! Bon voyage... Bon oubli.

C'était le dernier billet... Celui que la poinçonneuse avait refusé de mordre. Peut-être avait-il mauvais goût ? Oui, une épice manquait à son arôme. On le remit alors au fond des poches, en plein dans une marre de billes ; c'était bizarre... Il ressemblait aux autres, pourtant ! Le même orange, le même noir, de l'or, aussi : des spirales sur les bords ; un plaisir pour les doigts, pour les yeux, le nez quand on sentait son odeur d'encens ; c'était un ticket pour les rêves...


— Encore un petit effort, Xibouz ! Nous sommes bientôt au sommet.


Dommage que sa destination ne soit plus.


— J'ai... J'ai toujours voulu... cueillir une fleur, Monsieur l'Agent...


— Il nous reste quelques montées. Juste quelques montées... S'il te plaît, nous devons continuer ; garde tes yeux bien fermés, d'accord ?


— Mais moi je veux voir les fleurs...


— Garde tes yeux fermés, Xibouz.


L'orage avait tout mangé. Trop, mangé. Le monde entier dans ses ventres-tempêtes ; ça gargouillait de malaise, mais il ne pleuvait pas. Ni goutte, ni éclair... Ni vent. Le réel retenait sa respiration, et son air devenait plomb dans la tête. Il suffoquait sous ce qui était une fois les cieux dégringolés : un orage sans nuage ; du tonnerre sans éther. Les coulisses ; le code source : rien d'autre qu'un esprit hurlant tout son désastre, pleurant sa fin de l'été.


— M-monsieur l'Agent... C'est dur de... marcher longtemps...


— Je sais... Tu peux prendre ma main, on va avancer doucement.


Le sol ne grondait plus sous les pas de l'être de chrome. Les froissements de l'herbe, les brindilles craquetantes, le Bruit ; un concept orphelin. Des croix et des rectangles rouges sur le monde introuvable ; des souvenirs supprimés du code, partis ailleurs, comme les branches de la futaie, comme les oiseaux... C'était tout. Xibouz n'avait même pas entendu la locomotive quitter les quais éclatés. Même pas un coup de sifflet, en fait. Et le Conducteur, alors ? Sa poinçonneuse infernale ? Qu'étaient-ils devenus ? Une absence. Il aurait fallu se retourner pour vérifier, mais une main avait barricadé son regard : Nous sommes aux confins du réel, Xibouz. Il est temps de cueillir une fleur.


— Est-ce que ça chatouille les genoux, Monsieur ?


— Oui. Ça sent le parfum, aussi.


— Woaah... Comment vous savez ?


— C'est ce qu'un petit chat m'a dit avant de s'envoler, quand... Quand ses Champs d'Aviation étaient encore encombrés de roses.

...

Il y avait eu un sillage de pétales au moment du décollage. C'était très joli...


Le chrome se resserra autour des petits doigts.


— Et est-ce que l'été est toujours là ?


— Toujours, Xibouz... Il faut beau, dehors.


La ferraille l'imita.


— Alors je veux ouvrir les yeux ! Je veux enf...


— Garde-les fermés encore un peu, tu veux bien ? On... Encore quelques pas, et tu seras vers les fleurs.


Quelques pas, seulement. Quelques pas infinis. Quelque part, des années-lumière plus tard, à errer sous le plomb de l'espace, contre le temps qui grésille à travers les mémoires en surchauffe ! Ça fourmillait aux oreilles, dans la tête, jusqu'aux confins du réel... c'était loin, mais on continuait. Encore. On fatiguait, les enjambées s'enchaînant sur le vide en silence : pas un mot n'osait naître. Ni de la ferraille. Ni du chrome. On marchait, juste. On priait pour arriver avant la mort de l'été. Aller plus vite que l'oubli, passer le mur de la Fin... peut-être atteindre ce qui pousse au bout du chemin, puis...

Enfin :


— Monsieur ? Je peux ouvrir les yeux ?


— Monsieur l'Agent ?


— Monsi...


Des pétales chatouillèrent ses genoux.



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