Chapitre 6 – Rien dans les carnets

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Le lendemain, Caëlyn se réveilla plus tôt que d’habitude.
Pas parce qu’elle avait mal dormi. Elle ne rêvait pas.
Elle n’avait jamais rêvé.

Mais quelque chose la pressait. Une sensation ténue, comme un espace dans l’air qu’il fallait combler.

Elle s’assit au bord du lit.

Le tatouage était toujours là.

Net, précis, à peine plus pâle que la veille.

Tu n’es pas seule.

Elle le relut sans le lire.
Puis se leva.

Dès l’ouverture de l’atelier, elle ressortit ses carnets.

Elle les disposa sur la table, par ordre chronologique.
Des années d’émotions tracées, rangées, numérotées.

Elle chercha toute variation de la phrase :

Tu n’es pas seule
Je ne suis pas seul
Reste avec moi
Je suis là
Accompagné
Présence
Absence comblée

Elle vérifia les formulations, les intentions, les synonymes.
Puis les emplacements.
Jamais elle n’avait tatoué sans l’indiquer.

Rien ne correspondait.

Elle consulta aussi les relevés de commande, les paiements, les réservations.
Pas d’inconnu. Aucun nom absent.

Tout était logique.
Sauf cette phrase.

Caëlyn hésita, puis fit ce qu’elle ne faisait jamais.

Elle alluma la lanterne d’Ysériade.
La lumière bleutée inonda la pièce, révélant sur sa peau l’entrelacs des émotions anciennes.

Des mots réapparurent sur son dos, ses flancs, ses cuisses, sa nuque.
Des centaines de fragments, superposés comme les pages d’un livre infini.

Mais aucun d’eux ne contenait la phrase.

Elle chercha pendant plus d’une heure.
Éteignit. Ralluma. Chercha encore.

Toujours rien.

Elle s’assit sur le fauteuil de tatouage.
Dos droit, regard fixe.

Elle n’avait jamais eu besoin d’explication.
Mais maintenant, elle voulait comprendre.

Et ce n’était pas une envie.
C’était une nécessité.

À midi, elle reçut une cliente. Une demande banale. Une émotion standard.
Le geste de Caëlyn fut parfait, comme toujours.

Mais, pour la première fois, elle nota un décalage.

Son propre bras mit un instant de plus à se marquer.

Une fraction de seconde.
Mais elle le sentit.

Ou plutôt : elle remarqua l’attente.
Comme si sa peau avait hésité.

Tu n’es pas seule.

La phrase pulsait doucement, là, au dessus de sa poitrine.
Elle ne brillait pas.
Mais elle ne se taisait pas non plus.

Caëlyn s’obligea au calme.
Elle termina la séance. Nettoya. Referma.

Puis elle retourna à son carnet.
Et écrivit, d’une main lente :

La phrase ne disparaît pas.
Aucune trace dans les archives.
Je n’ai pas d’hypothèse.

Et elle ajouta, sans vraiment comprendre pourquoi :

Peut-être que ce n’est pas une erreur.

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