Chapitre 9 : les sauveurs - partie une

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Judith ôte une à une les fleurs qui se sont emmêlées dans ma chevelure lâchée, tenant à réarranger ma coiffure pour le dîner. J’en profite pour lui demander :

  • Comment accéder aux mines de cristal du comte ?
  • Eh bien. . . Comme je vous l’ai déjà précisé, elles se situent dans la faille sous-marine que surplombe le château, mais la bulle d’air nous entourant n’est pas suffisamment étendue pour permettre à qui que ce soit de descendre sans un vaisseau. . . Hormis les nosferatus, bien sûr, dont leurs corps sont plus résistants que les nôtres, leur permettant de supporter le froid et la pression des profondeurs des océans.
  • Je vois, répondé-je d’un air pensif.

Bien que je sois une bonne nageuse, étant habituée à m’amuser dans l’eau avec mes amies depuis ma plus tendre enfance, je doute que mon corps résiste à des conditions aussi extrêmes, mais je pourrai toujours demander à l’eau de se faire plus clémente envers moi afin de survivre à cette traversée. Ce ne sera donc pas un obstacle pour moi. En revanche, j’ai besoin d’avoir plus de précisions sur l’accident en lui-même, afin de pouvoir intervenir le plus rapidement et efficacement possible. Je l’interroge donc sur le sujet :

  • Parle-moi plus en détail de ce qui s’est passé dans la mine, s’il te plaît. Connaît-on le nombre exact de victimes et leur état ?
  • Les mineurs coincés sous les décombres seraient au nombre de cinq-cents, au moins. J'ai ouï dire qu'on pouvait entendre leurs cris étouffés à travers la pierre. Ces témoignages viennent des esclaves qui s'occupaient de clôturer l'entrée de la galerie sur ordre du contremaître.

Je fronce les sourcils et serre mes poings, froissant ma robe. Je me doutais bien que rien ne serait fait pour sauver ces malheureux. Leur maître m'a prouvé plus d'une fois qu'il n'avait aucune considération pour leurs vies.

  • Je me sens vraiment reconnaissante de travailler dans la demeure de Monseigneur, poursuit Judith d'une voix plus basse et douce, comme sur le ton d'une confidence, même si je dois prendre tous les jours le risque de subir directement sa fureur. . .

Je sens ses mains, qui passent le peigne en ivoire sculpté dans mes cheveux, trembler. Je me tourne vers elle pour m'enquérir :

  • Il s'est passé quelque chose ?
  • Oh ! fait-elle en sursautant presque. Je vous prie de m'excuser, Madame. C'est juste que. . . J'ai énervé Monseigneur, le matin de notre départ et, alors que je m'attendais à être immédiatement punie pour ma faute, comme c'est d'ordinaire le cas, le temps passe et toujours rien ne se produit. Je ne peux donc pas m'empêcher de penser à ce que peut me préparer mon maître pour réprimer ma faute. . .
  • Ne t'en fais pas, la rassuré-je en prenant ses mains entre les miennes. Je ne le laisserai pas te faire de mal, ni à toi, ni à tous les autres. Seulement, dis-moi : que te reproche-t-il ?
  • Les paroles que j'ai eues en passant à côté de vous, dans l'escalier, ce matin-là. J'ai pourtant chuchoté, mais ça ne vous a pas empêchés de m'entendre. Je m'en excuse profondément, ajoute-elle en s'inclinant.
  • Redresse-toi, Judith, lui demandé-je d'une voix douce en posant mes mains sur ses bras. Il te reproche simplement d'avoir commenté le sourire qu'il a eu à ce moment-là ?
  • Comment ? s'étonne-t-elle. Il pense que je parlais de lui ? Enfin, jamais je ne me permettrais d'avoir de telles paroles à son égard, surtout en sa présence ! Quel terrible malentendu !

C'est à mon tour d'être surprise :

  • Ce n'est pas de lui que tu parlais ? Mais. . . Qui était-ce, alors ?
  • J'évoquais le sourire que vous a adressée le comte de Solaguna dans les rues d'Adamas, m'avoue-t-elle d'une petite voix, comme celle d'une enfant prise en faute.
  • Oh ! m'exclamé-je, car moi-même, j'étais persuadée qu'elle parlait de son maître, ce jour-là. Ne crains rien. Je lui en parlerai et réglerai cette fâcheuse méprise, je te le promets.
  • Merci, Madame ! Vous êtes si bonne et généreuse ! déclare-t-elle avec un large sourire et un regard brillant de gratitude, me faisant rougir.

Je lui réponds par un petit sourire embarrassé, puis me remets face au miroir afin de la laisser finir son travail.

*

Assise en face d'Élisabelle dans une salle à manger aussi somptueuse que tout le reste du château, je n'ouvre la bouche que pour répondre vaguement aux questions de la baronne. Face à ma réserve, la jolie rousse reporte son attention sur son ami et leurs voix deviennent bientôt un lointain bruit de fond. Laissant ma fourchette planer au-dessus des légumes gracieusement disposés dans mon assiette, je fixe celle-ci en laissant mes pensées aller aux mineurs coincés dans les mines. Ils doivent être en train d'appeler désespérément des secours. Plusieurs d'entre eux souffrent certainement de leurs blessures. Peut-être même que certains sont déjà. . .

La voix du comte me sort soudainement de mes réflexions :

  • Vous semblez soucieuse.

Mon regard rose quitte les légumes pour se poser sur l'homme à la longue chevelure blanche. Je constate alors que les coupes de sorbet des deux vampires sont vides, jurant avec mon assiette encore pleine. Le repas est déjà terminé ? Combien de temps s'est écoulé ?

Le regard insistant du maître des lieux et celui inquiet de son amie me poussent à répondre, en baissant à nouveau la tête :

  • Ce n'est rien. . .
  • Cela ne semble pas être rien, rétorque-t-il avec une pointe d'agacement. Êtes-vous souffrante ?
  • Non.
  • Alors que se passe-t-il ? Quelque chose vous trouble ?
  • Ce n'est rien, vraiment, insisté-je, de plus en plus mal à l'aise.

Je ne parviens toujours pas à m'habituer à la soudaine attitude soucieuse et attentionnée de Forlwey à mon égard.

  • Ma fille, intervient Élisabelle avec son habituelle douceur, si quelque chose te trouble, il vaut mieux que tu nous en parles. Nous ne voulons que ton bonheur, crois-moi. . .
  • Je ne suis pas certaine que toutes les personnes assises à cette table attachent réellement la même importance à mon bonheur… ou à ce que je pense, ironisé-je en lançant un regard accusateur au comte.
  • Vous ne pouvez pas me reprocher un manque de considération à votre égard si vous refusez de me parler, réplique-t-il avec agacement. Je ne suis pas devin. Alors je ne peux pas savoir ce qui vous trouble ainsi et je ne pourrais rien faire pour y remédier. . . à moins que vous ne vous décidiez à me le dire.

Je baisse les yeux sur mon verre. Remédier à ce qui me trouble, hein ? Nous verrons ce qu'il en est. . .

  • Savez-vous qu’un terrible accident s’est produit aujourd’hui dans vos mines sous-marines ?
  • Un accident ? répète-t-il en levant un sourcil intrigué. Comment ça ?
  • Une galerie s’est effondrée ce matin en enterrant plusieurs centaines de mineurs dans les décombres. Il y aurait pas moins de cinq-cents esclaves disparus.
  • Je. . . Je l'ignorais, admet-il.

Il fusille ensuite son intendant du regard en s'indignant :

  • Pourquoi n'ai-je pas été mis au courant de cet incident ? Que fait le contremaître ?
  • Vous l'avez renvoyé avant qu'il n'ait pu vous parler Monseigneur, lui explique Laïus sur un ton neutre. Vous lui avez dit, je cite : "Je me moque de quel problème il s'agit, débrouille-toi tout seul !"
  • Oh. . . laisse-t-il tomber sur le même ton, mais sans le respect que mettait l'intendant dedans. Eh bien, vous voyez ? ajoute-t-il en se tournant vers moi d'un air satisfait. Quelqu’un s’occupe déjà de cette histoire. Inutile de vous inquiéter ; cela n’impactera pas du tout les profits de mes mines. Il y a des centaines de galeries remplies de cristaux. Dans une semaine, on aura déjà remplacé les esclaves morts et ouvert un nouveau tunnel.
  • Que. . . lâché-je, incrédule. Mais je me moque complètement de vos bénéfices ! m'indigné-je en me levant brusquement, choquée qu'il ne pense qu'à ses profits alors que l'on parle de vies. Savez-vous qu’il reste apparemment des esclaves vivants ensevelis dans les décombres ? Il parait qu’on peut entendre leurs cris étouffés à travers les pierres !

Il échange un regard intrigué avec Élisabelle, puis me demande :

  • Où voulez-vous en venir ?
  • Pourquoi rien n’a été fait pour les sauver ? Le contremaître a ordonné de clôturer l’entrée de la galerie. Il veut les abandonner à leur sort !
  • Comment se fait-il que vous soyez si bien informée ? s'enquiert-il d'une voix mêlant agacement et suspicion.

Je me fige, hésitante. Je ne peux pas lui dire que c'est Judith qui m'a rapporté tout ce qu'elle a entendu de l'affaire. Il est déjà fâché contre elle. Qui sait ce qu'il lui fera subir, surtout qu'il semble déjà agacé par notre conversation ? Heureusement, Laïus vole à mon secours :

  • Si je puis me permettre, Monseigneur, commence-t-il d'une voix contrite, Madame la Comtesse a entendu tout à l’heure ma conversation avec le contremaître lorsqu’il me racontait le drame survenu aux mines ce matin. Elle m’a ensuite demandé des détails sur cet incident, que je me suis bien évidemment empressé de lui fournir.

Je reste immobile, abasourdie par les paroles de l'intendant. Je n'ai jamais entendu sa conversation avec le contremaître ! Je n'ai même jamais vu ce dernier et je n'ai pas posé à Laïus la moindre question concernant ce qui s'est déroulé dans les mines. Pourquoi a-t-il menti à son maître ? Ne souhaitant pas le trahir afin de ne pas lui attirer d'ennuis et compromettre Judith, je garde résolument les yeux baissés sur mon assiette afin de ne rien laisser transparaître de mes émotions et me mordille les lèvres pour m'imposer le silence, tandis que Forlwey, toujours mécontent, s'irrite :

  • Et pourquoi ne m'as-tu pas donné ces détails, à moi aussi ?
  • Comme vous aviez éconduit le contremaître, j’ai cru comprendre que vous ne souhaitiez pas être dérangé. . . De plus, sachant que des effondrements similaires se sont déjà produits par le passé et qu’ils relèvent de la compétence du contremaître, j’ai estimé que l’incident de ce matin n’était pas suffisamment grave pour vous déranger. Néanmoins, je me tenais prêt à vous informer de la situation si jamais vous aviez changé d’avis sur le sujet. . .
  • Tu aurais quand même dû m'en informer, le gronde-t-il avec sévérité, mais calme.

Laïus s'incline docilement, contrairement à moi qui redresse brusquement la tête pour rétorquer avec la même indignation :

  • Et qu'auriez-vous fait si vous aviez été au courant ? Vous auriez envoyé les secours dont ces pauvres malheureux ont désespérément besoin ?
  • Pour quoi faire ? s'étonne-t-il.

Je reste sans voix face à sa monstrueuse indifférence. Élisabelle en profite pour tenter de m'apaiser gentiment :

  • Aïna, tu dois comprendre que ce n’est pas ainsi que les choses fonctionnent au Royaume Submergé. Si les beaux cristaux que les mines de Forlwey produisent font aussi des bijoux exquis, la plupart nous servent surtout de catalyseurs d’énergie pour alimenter nos machines et nos vaisseaux. Sans ces cristaux, c’est tout le mode de vie du Royaume Submergé qui serait menacé. C’est pourquoi l’activité dans les mines de ton mari ne doit pas être arrêtée ou ralentie. Il est regrettable d’avoir perdu de la main d’œuvre, certes. . . mais il est plus facile de la remplacer que de perdre du temps et de l’énergie à secourir ces pauvres malheureux sous les décombres.

L'expression sceptique que lui lance Forlwey ne m'échappe pas, mais je l'ignore pour continuer à plaider la cause de ces innocents :

  • Ce n'est pas une question de profit ! Il s'agit de personnes vivantes. . .
  • D'esclaves, précise le vampire, gagnant ainsi un regard noir de ma part.
  • Ma fille, je comprends que tu sois bouleversée par cette catastrophe. . . Toutefois nécessité fait loi. Ton mari assume à lui tout seul la quasi-totalité de la production de cristaux du Royaume Submergé. Il se doit donc d’être pragmatique quand la situation l’exige. Tu sais que la nature aussi peut être cruelle. . .

La compréhension de la baronne parvient à m'apaiser un peu. J'en profite pour réfléchir à ses paroles. Je comprends que l'on soit parfois contraints de sacrifier quelques vies pour le bien d'un plus grand nombre, mais le fait qu'on ne tente rien pour éviter le plus de victimes possibles alors qu'on en a la possibilité m'est inimaginable. Je décide donc sur un ton impérieux :

  • Si vous ne souhaitez pas intervenir. . . Alors, moi, au moins, j’irais les aider !

Cette phrase suffit à laisser mon “époux” bouche bée, laissant son amie réagir :

  • Aïna ! s’écrie-t-elle d’une voix mêlant choc et indignation. Ce n’est pas un endroit convenable pour une dame de ton rang ! Et tu risques de te blesser !
  • Je ne peux pas les laisser mourir sans rien faire ! Il faut que je fasse quelque chose ! insisté-je avec détermination.
  • Je vous l’interdis, rétorque strictement Forlwey. Je vous interdis de quitter le château, d’ailleurs. Laissez le contremaître gérer cette histoire.

Je lui lance un regard noir et m’apprête à lui cracher sa cruelle indifférence au visage, lorsque je réalise que cela n’aidera en rien ceux que je souhaite sauver. Au contraire, énerver davantage leur maître risque surtout de le pousser à prendre des mesures radicales pour empêcher leur sauvetage, notamment en me gardant sous bonne surveillance pour s’assurer que je ne quitte pas le château. Je prends donc une grande inspiration pour ravaler ma fureur et me rassieds, en lui disant d’une voix plus douce :

  • Dans ce cas, promettez-moi d’envoyer des secours pour aider ces malheureux.

J’ai bien conscience qu’il n’enverra aucun secours et qu’on ne peut pas faire confiance à la parole d’un monstre pareil, mais je dois lui faire baisser sa garde afin de pouvoir m’éclipser tranquillement demain matin.

  • Je ne vois pas pourquoi. . . commence-t-il avec surprise et indignation.
  • Faîtes-le pour moi, l’interrompé-je en plongeant mon regard dans le sien.

Il le soutient, mais je lis dans le sien l’étonnement et l’hésitation. Au bout de longues secondes qui me semblent interminables, il se résigne enfin, encouragé par le regard insistant que lui adresse la baronne de Véresbaba :

  • Très bien. J'enverrai dès demain une partie de ma garde voir ce qu’ils peuvent faire pour aider les survivants. De cette façon, cela n’impactera pas la production de la mine. . . et je suppose que si nous récupérons quelques esclaves vivants, ce seront toujours des postes que nous n’aurons pas à remplacer. Cela vous convient-il ?

Je fronce les sourcils. Il ne le fait ni par pitié pour ces mineurs, ni même pour moi, mais encore une fois pour ses maudits bénéfices. Ne peut-il donc rien entreprendre de désintéressé ? Enfin, d’un autre côté, je ne suis pas surprise. Que pouvais-je attendre d’autre de lui ? J’acquiesce donc d’un mouvement de tête un peu sec, tandis qu’Élisabelle sourit, visiblement satisfaite, puis déclare :

  • Bien. En attendant, il commence à se faire tard. Je vous conseille d’aller vous coucher.

Elle suit son propre conseil et sort de la salle à manger en nous souhaitant une bonne nuit. Le comte la suit. Je reporte mon attention sur la bouteille de sang laissée sur la table. Il n’en reste que le fond. Cette quantité n’est pas suffisante pour nourrir les cinq-cents esclaves coincés. Je quitte ma place en poussant un triste soupir résigné. Je vais devoir trouver une autre façon d’améliorer leurs rations de nourriture, mais en attendant, la priorité est à leur sauvetage.

*

Il fait encore nuit noire dans le château, lorsque je quitte mon lit. Je me dirige dans ma garde-robe pour récupérer la robe que j’avais préparée la veille : cousue en fils d’or, elle a l’avantage d’être la plus pratique à porter : les jupes ne sont pas bouffantes et le corsage et les manches épousent les formes de mon corps. La forme en est extrêmement simple pour créer un équilibre avec les riches ornements : des broderies représentant des fleurs roses en recouvrent toute la surface et sur le col et les extrémités des manches sont cousues des perles blanches.

Il ne me faut que quelques minutes pour m’habiller. Je sors ensuite de mes appartements sans prendre le temps de me coiffer ou d’enfiler des chaussures : cela ne ferait que me ralentir inutilement. J’avancerai bien plus rapidement à pieds nus. Je n’ai pas l’intention de quitter le domaine. Personne ne me verra, hormis les mineurs que je vais secourir. Je ne vais donc pas nuire à la réputation de mon “mari”. Pourquoi m’en soucierais-je, de toute façon, quand lui-même se fiche des vies menacées sous ses pieds ? Je secoue la tête : je ne dois pas penser de cette façon.

Je me retrouve rapidement hors du château et m’approche précautionneusement de la faille qu’il surplombe. L’eau est aussi sombre qu’un ciel de nuit sans lune et sans étoiles. En me penchant un peu pour mieux l’observer, je distingue soudainement deux points lumineux qui approchent à grande vitesse. Bientôt, une silhouette se dessine et dans les secondes suivantes, un immense requin apparaît. Il lui manque un aileron et une longue cicatrice balafre son œil. Cependant, connaissant parfaitement toutes les sortes de requins existant, je devine que ce n’en est pas un. Aucun d’entre eux n’atteint ne serait-ce que la moitié de la taille de celui-là. Je souffle avec incrédulité :

  • Un mégalodon. . .

“Tu n’es pas un vampire, lâche-t-il d’une voix grave. Tu es différente de tous ceux qui habitent ici. . .

  • Tu es perspicace, le complimenté-je. Je suis une fée.

“Que fais-tu ici ?” s’étonne-t-il.

  • J’étais venue dans le but de sauver mon peuple, mais j’ai été capturée et suis à présent retenue contre mon gré. Et toi ? Que t’est-il arrivé ? lui demandé-je d’une voix soucieuse en désignant ses blessures.

“J’ai été attaqué par tes ravisseurs.” répond-il avec une haine et un mépris non cachés pour ceux dont il parle.

  • Je peux te soigner. Je suis dotée d’une magie curatrice, mais j’aurais aussi besoin que tu me rendes un service.

“Lequel ?” demande-t-il avec intérêt.

  • Il faut que je descende dans les mines qui se trouvent en bas. Veux-tu bien m’aider ?

“Hum. . . J’ignore ce que tu veux faire dans un endroit pareil. Il est empli de ces misérables créatures de la nuit. . .”

  • C’est pour eux que je dois descendre. Certains sont actuellement coincés dans une galerie qui s’est effondrée sur eux. Ils souffrent ! Je ne peux pas les abandonner dans une situation pareille !

“Tu veux venir en aide à ceux qui te retiennent ici contre ton gré ? Je ne comprends pas. . .”

  • Ce ne sont pas ces mineurs qui m’ont enlevée. Ils sont innocents, victimes tout comme moi de leur maître. Je t’en prie, aide-moi à atteindre les mines !

Le mégalodon garde le silence, semblant réfléchir à ma proposition, puis déclare :

“Je t’aiderais à descendre si tu me soignes, mais ne compte pas sur moi pour faire quoique ce soit pour ces vampires. C’est uniquement un service en échange d’un autre, afin que je n’ai plus aucune dette envers toi par la suite.”

  • Bien sûr ! acquiescé-je avec un sourire reconnaissant.

L'animal marin s'approche encore afin de se placer à la limite de la bulle d'air entourant le château. Je tends les mains, les plongeant dans l'eau gelée en lui priant de m'épargner. Elle augmente sa température et diminue sa pression, me permettant de poser mes mains sur l'oeil du requin sans aucun danger. Quand ma peau entre en contact avec la sienne, je vois le vicomte de Clairecorail fondre sur lui pour lui faire subir de ses propres mains les blessures dont il souffre. Un hoquet d'horreur m'échappe, tandis que je m'exclame :

  • Ce monstre a tenté de t'ajouter à sa révoltante collection de trophées !

" Tu le connais ?"

  • C'est lui qui m'a capturée. . .

"On dirait que nous avons un ennemi en commun. . ."

Je ne réponds rien, me contentant de me reconcentrer sur le processus de guérison. Je sens la chaleur, née dans ma hanche, remonter le long de mes bras. La cicatrice du mégalodon disparaît aussitôt. Il me tend ensuite ce qui reste de son aileron déchiré. Il me faut quelques secondes de plus pour le régénérer, au bout desquelles il me dit d'une voix radoucie :

"Tu as vraiment une puissante magie. Je n'avais encore jamais vu quelqu'un soigner aussi efficacement."

  • Merci ! répondé-je en rosissant sous le compliment.

"C'est à moi de te remercier. Je me sens mieux, grâce à toi. Maintenant, monte sur mon dos. Il est temps que je tienne ma promesse."

Je prends une profonde inspiration, puis plonge cette fois mon corps entier dans l'eau afin de grimper sur mon nouvel ami. Ce dernier entame aussitôt sa descente vers les mines. Comprenant que le trajet est bien trop long pour que je puisse retenir ma respiration jusqu'à ce qu'on arrive, je demande à l'océan de former pour moi une bulle d'air, qui me permette de respirer aisément. Au bout de quelques minutes, mon compagnon s'arrête face à une nouvelle bulle d'air.

"Nous sommes arrivés."

  • Merci, dis-je en lâchant son aileron pour nager jusqu'à l'intérieur de la mine.

"Prends bien soin de toi. . ."

  • Aïna, lui précisé-je en me tournant vers lui avec un sourire. Fais aussi attention à toi.

Il acquiesce, puis s'éloigne, tandis que je reprends ma nage. Une fois la protection traversée, je déploie mes ailes afin d'atterrir en douceur. Je suis aussitôt enveloppée par le bruit fracassant de sons métalliques, roches cassées et voix entremêlées, entre autres. C'est si fort et soudain que je dois couvrir mes oreilles.

Autour de moi s'agitent plusieurs centaines d'esclaves en haillons, transportant du matériel ou poussant des wagons emplis de cristaux étincelants, mais malgré cette intense activité, je parviens à distinguer au milieu de tout ce chaos un sentiment de souffrance. Faim, soif, mais surtout douleur et désespoir me frappent. Je me précipite aussitôt dans cette direction, survolant les vampires qui se sont figés de surprise en me remarquant. Les mines se divisent en une infinité de galeries, chaque branche en engendrant plusieurs autres, mais pas une seule fois je doute du chemin à prendre : plus j'avance et plus le sentiment de souffrance que je perçois se fait intense et pressant. J'arrive bientôt face à une entrée barricadée par des planches en bois. Alors que je m'apprête à les arracher pour passer, la voix d'un homme résonne dans mon dos. . .

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