Chapitre 15 : vin et verveine - partie deux

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  • Vous voilà, Madame.
  • Tu me cherchais, Judith ? demandé-je en refermant la porte de mes appartements.
  • Il est bientôt l'heure de déjeuner. Je voulais simplement vérifier que votre tenue n'avait pas besoin d’être réarrangée.
  • Merci. Tu tombes à pic. J’aimerais te poser une question.
  • Je vous écoute.

Elle glisse ses doigts dans mes cheveux pour s'assurer du bon maintien des fleurs.

  • Le défunt intendant. Avait-il des ennemis ? Quelqu’un qui aurait souhaité sa mort ?

Elle se fige et retire ses mains tremblantes de ma chevelure pour les croiser dans son dos. Son regard se baisse. Gênée, elle répond d'une voix tremblante :

  • Personne ne l’aimait. Il profitait de l’absence de Monseigneur pour abuser de son autorité sur nous. Je ne devrais pas parler ainsi, mais sa mort a été un grand soulagement. Maître Laïus est bien plus professionnel.

Est-il possible que l'un des esclaves, lassé de l'attitude de son ancien supérieur, ait décidé de. . . Non ! Je ne peux pas le croire. Cependant, si c'est bien la réalité, cela expliquerait que tous les esclaves nous cachent quelque chose : ils couvrent leur camarade, car son acte les arrange tous. Cela concorde avec ce qu'a dit Laïus : si cela s’apprenait, le comte se montrerait sans pitié.

  • Quelque chose ne va pas, Madame ? Vous êtes toute pâle !
  • Hein ? Euh. . . Non, ne t'en fais pas, ça va. Je dois rejoindre Laïus.
  • Je vais vous le chercher.
  • Merci, c'est gentil.

J'attends l'intendant dans mon bureau. Quand il se présente, je lui rapporte les dires de Judith et lui fait part de mes doutes. Ses sourcils se froncent.

  • Je ne souhaite cependant pas tirer de conclusions hâtives, ajouté-je, sans compter que nous n'avons aucune preuve allant dans ce sens.
  • À ce sujet, nous avons examiné les objets laissés par l’intendant, mais pas les lieux qu’il a fréquentés. Sa chambre est close depuis le jour de sa mort. Nous devrions, à mon humble avis, la fouiller.
  • Excellente idée, Laïus ! Que ferais-je sans toi ?
  • Vous servir est un honneur, Madame, dit-il en s'inclinant.

Je lui réponds par un chaleureux sourire.*La porte s'ouvre avec un léger grincement. Nos pas soulèvent la fine couche de poussière qui recouvre le sol.

  • Avoir une chambre individuelle est un privilège pour un servilis, commente Laïus. La plupart se partagent des dortoirs ou dorment à même le sol.
  • La place d'intendant doit être extrêmement convoitée.
  • C’est l'une des plus privilégiées, confirme-t-il en ouvrant les rideaux pour éclairer la pièce.

Un lit, une armoire, un bureau et une chaise en bois sur un tapis noir.

  • Les recherches seront rapides, au moins, constaté-je.

Pendant que Laïus inspecte les draps, j’ouvre les tiroirs du bureau. Vides. L’armoire aussi. Je me laisse tomber sur la chaise. C'est alors que mon regard est attiré par une tâche rouge sur le tapis. Juste sous le bureau.

  • Laïus ! Regarde !

Il se baisse et me rassure :

  • Ce n'est pas du sang. J’en aurais senti l'odeur en entrant et il serait devenu marron en séchant. En revanche. . .

Il pousse le bureau afin de se rapprocher de la tâche.

  • Je reconnais cette odeur. C'est du vin et pas n'importe lequel. C'est le préféré de Monseigneur.
  • Que fait-il là ?
  • Voilà une excellente question, Madame. Mon maître ne serait jamais entré ici et aucun servilis n’a le droit de boire l’alcool qui lui est réservé.
  • Judith a dit que l'ancien intendant profitait de l'absence du comte pour abuser de son autorité. Et s'il en profitait aussi pour boire son vin ?
  • C'est une possibilité, en effet.

Je hume l’air. Je sens depuis un petit moment une odeur de verveine flotter dans la chambre. Je fixe la tâche rouge et me penche sur elle. On dirait bien qu'elle vient de là, mais. . .

  • Laïus ? Pouvons-nous nous rendre dans la cave à vins ?

*

  • Voici le vin préféré de Monseigneur.

L'intendant me désigne plusieurs rangées de bouteilles. J’en saisis une, l’ouvre et en sens le contenu.

  • Je ne m'étais pas trompée. L'odeur provient bien d'ici, mais pourquoi une boisson faite à base de raisin a-t-elle une odeur de verveine ?
  • Je vous demande pardon ?

Je jette un regard surpris à Laïus. Il semble inquiet.

  • Je sens une forte odeur de verveine dans cette bouteille. La même que j'ai sentie sur la tâche de vin, dans la chambre de ton prédécesseur.

Je ne pensais pas cela possible, mais il devient subitement encore plus pâle qu'il ne l'était. La panique se lit dans son regard écarlate.

  • OH NON !

Il quitte la cave en courant. Je range la bouteille en précipitation et me lance à sa poursuite :

  • Laïus ! Que t'arrive-t-il ?
  • La verveine ! C'est un poison mortel pour les vampires ! Voilà ce qui a tué mon prédécesseur ! C'est aussi ce qui va tuer mon maître si j'arrive trop tard !

Il entre dans les cuisines en bousculant les commis qui lui bloquent le passage.

  • Comment ? ! Que veux-tu dire ?
  • Monseigneur a ordonné qu'on lui fasse monter une de ces bouteilles dans son bureau !

Je lâche un hoquet horrifié et déploie mes ailes pour dépasser Laïus. Je rejoins le hall d'entrée en quelques secondes et survole les escaliers. La porte du bureau est ouverte. Un esclave tend un verre de vin au comte. Ce dernier l’approche de ses lèvres. Je me jette sur lui en hurlant :

  • NOOON ! ! !

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