IV
Le lendemain de la dernière visite de Gorneval, au petit matin, Gwendal réuni ses plus proches sujets et les entretient d’un ton grave et solennel. Dans son regard brille la flamme d’une colère immense.
“ Je connais le responsable de la fuite de ma fille. L’homme est un prince d’un village voisin dont je ne connais pas le nom. Cet homme se fait appeler le prince Ogrin et a prit l’habitude, depuis le départ de la princesse, de venir rendre visite à sa servante. Ce que j’attends de vous est simple : Je veux le voir demain au plus tard et je veux connaître le village dont il est le seigneur. ”
“ En quoi ces informations vous donneront-elle satisfaction ? ”
“ Je raserais ce village s’il le faut, mais j’obtiendrais de cet homme, les renseignements que je recherche ! ”
“ Quels sont ils ? ”
“ Je veux connaître les relations qu’avait Cassandre avec lui. ”
Les hommes, disciplinés repartent ensembles et s’en vont préparer le plan qu’ils vont utiliser pour glaner les informations demandées. Cette opération ne leur prendra qu’une faible partie de la matinée, leur laissant suffisamment de temps pour s’organiser, prendre place et attendre la venue certaine des deux cavaliers.
Ceux-ci dans leurs costumes habituels, se présentent à la porte d’Oriane avec une précision exemplaire. Leurs visages sont cireux. Celui de Gorneval, trahit une anxiété rare et oppressante. Sous les regards camouflés des gardes, la porte s’ouvre et les deux amis s’engouffrent dans la petite maison, ancienne retraite de chasse personnelle de Dinas.
Comme le visage de la servante ne laisse planer aucun doute quant à la réponse qu’elle pourrait apporter au Roi, ce dernier se retourne et s’apprête à quitter les lieux sur-le-champ. Cependant, il stoppe sa marche sur le seuil de la porte. Il pose le front contre le bois du cadre et ferme les yeux. Oriane et l’écuyer de luxe du Roi, le regardent avec la même expression affligée de désespoir partagé. La douleur du prince se transmet tout autour de lui par un fluide dont il ne contrôle pas les fluctuations.
C’est à cet instant qu’il voudrait dire combien la douleur de son cœur amoureux, est grande ; il aimerait pouvoir transmettre ce message pour tenter de le chasser mais sa position de chevalier le fait renoncer. Il se retourne, les yeux remplis d’une colère camouflée. Audret laisse transparaître une certaine pitié envers son meilleur ami et ce dernier s’en aperçoit. Son cœur bondit.
“ Je ne mérite aucune pitié ! Seule votre force m’est nécessaire et c’est elle que j’implore ! ”
Audret l’invite à quitter les lieux en se promettant de ne plus jamais revenir. La douleur de son compagnon est loin de lui être indifférente et la peine qu’elle engendre chez lui, provoque de longues périodes de mélancolie ; le chevalier tente de chasser ce sentiment de son être tant qu’il le peut, tout en sachant que ses efforts seront inutiles s’il s’entête à encourager la déchéance de son ami.
Une fois dehors et en marche vers leur destrier, Audret prend la parole.
“ Il ne faut plus venir ici. Il faut parfois se résigner, accepter que les choses que l’on désire par-dessus tout, puissent ne pas arriver ! Je sais combien les nouvelles que vous attendez vous seraient chères, mais Cassandre est partie, il y a maintenant de cela près de trois mois et il n’est pas utile de croire plus longtemps qu’elle reviendra. ”
“ Je continuerais à y croire tant que je serais en vie, parce que mon amour pour elle est si grand, si magnifiquement éblouissant qu’il me fait oublier la raison ! Moultes péripéties pourraient advenir sans qu’aucune ne puisse jamais atteindre cet amour si pur que je lui porte. ”
“ C’est à l’ami que je m’adresse maintenant... ” Le jeune homme laisse planer un silence étourdissant avant de reprendre d’une voix douce et amicale, qui touche Gorneval au plus profond de lui-même “ Je ne peux plus cautionner ton acharnement. Cet entêtement est néfaste Il faut se faire une raison ! Cassandre, ne reviendra plus maintenant ! ” Audret articule bien, énonçant cette dernière phrase comme une litanie maudite qu’il s’efforce de prononcer au mépris de la douleur profonde que lui procure le regard terne de son ami. Tel un couperet de glace, la sentence est prononcée et elle tranche brusquement les maigres espoirs de ce dernier.
“ Je ne sais que trop bien tout cela. Mais j’ai encore besoin de cet espoir pour vivre. Je me doute que tu n’y entends rien mais je sais parfaitement ce que je dis et nul ne saurait m’en faire douter. Tu es un valeureux chevalier, sans doute le meilleur d’entre tous et ton cœur est une mine d’or qu’il serait dommage de ne jamais explorer. Saches que je te suis redevable de bien plus de choses que tu ne sauras jamais l’imaginer. Pour tout ce que tu as déjà fais pour moi, je te remercie. Tu n’es désormais plus obligé de me suivre et ton refus sera chaque jour comme l’appel de la raison sur ma passion aveuglante. ”
Audret ne répond rien et se contente d’entamer à nouveau la marche. Il sait que son ami reviendra ici. Lui, ne viendra plus, sa décision est prise, appuyée par les derniers arguments du Roi.
Pendant leur discussion, les deux hommes ne s’aperçoivent pas qu’ils sont épiés et encerclés. Lentement, avec cette indicible lenteur qu’ont les reptiles, les hommes de Gwendal resserrent leur étreinte invisible sur les deux chevaliers. Une fois à cheval, ils voient sortir d’un brouillard inquiétant, les silhouettes fantomatiques de quatre hommes portant de longues capes sombres et coiffés de larges capuches. Leur visage, véritable siège des jeux maléfiques de l’ombre avec la lumière, ne dévoilent aucun de leur trait.
Ogrin pose machinalement sa main gauche sur le manche de Titane. Sa main droite, gantée, se contracte et son regard devient celui du guerrier qu’il a apprit à devenir, par instinct face au danger. Audret ne remarque rien et continue de parler. Le Roi ne l’écoute plus. Ses yeux vont et viennent le long des pavés luisants et gris pour tenter de discerner quelques informations sur ceux qui s’approchent d’eux. Sa volonté de croire coûte que coûte, que le danger que représentent ces hommes est le fruit de son imagination, est trahie par le reflet franc et brutal d’une épée sous une cape. Au même instant, Gorneval dégaine sans réfléchir et fait en sorte qu’Orphée se cabre. Audret regarde son maître emballer son destrier, l’arme au poing sans comprendre que le danger le guète.
Les quatre assaillants se déploient brusquement pour tenter de neutraliser l’animal. Mais Orphée, doté d’une agilité hors du commun, évite les coups avec adresse. Audret, comme au sortir d’un songe, bascule brutalement dans la réalité. Il dégaine à son tour son épée et tente de protéger son Roi. Les deux cavaliers, combattants sans égal, font sonner l’heure du combat dans un fracas terrible, mêlant les hennissements suraigus des chevaux, aux chocs cristallins des épées entre elles. Ogrin, debout sur ses étriers, abat sur ses assaillants, le bras d’une justice hâtive, jugeant les hommes à terre d’un regard froid et sans compromis, alors que le but de ces derniers et de ramener le Roi vivant. Mais les guerriers, entraînés malgré eux dans la spirale infernale d’une férocité sans nom, n’ont pas même eu le temps de prononcer le moindre mot avant que leur proie ne les provoque au combat. C’est ainsi que sous les coups répétés de ce dernier, les quatre assaillants tombent, pour la majorité, sans même avoir pu esquisser le moindre geste pour se défendre. Le bras de Gorneval n’a pas tremblé et ces hommes qui gisent désormais à ses pieds, sont les premières victimes d’une guerre injuste dont Audret et son maître, ne peuvent encore soupçonner la violence. L’écuyer regarde alors les gisants de chair et d’os s’éteindre, du haut de sa monture. Ils sont les premiers morts qu’il voit.
“ Il faut partir au plus vite ! ” lance Audret à l’adresse de son maître, comme subjugué par la mort qui étale son infâme et maléfique pouvoir devant lui.
Le Roi ne répond rien et lance Orphée dans une course effrénée au cœur des ruelles sombres de la citadelle. Les deux cavaliers jaillissent dans l’enceinte du château puis franchissent le pont-levis comme deux éclairs traversant le ciel d’une nuit étoilée. Ils ne verront pas alors les trois cavaliers qui les suivent. Parmi eux, un homme en armure dorée, Gwendal, se doutant des capacités incroyables du prince dans le combat, avait prévu que ce dernier sortirait vainqueur de son affrontement. Il poursuit désormais son adversaire – qu’il croit d’un jour – pour lui faire payer à la fois le départ de sa fille et la mort de ses sujets.
Dans la verte vallée aux reflets ternes, les deux groupes se suivent sans que le premier ne s’aperçoive de la présence du deuxième. Les deux cavaliers de tête, ont bien trop à penser pour se retourner. Ils demandent à leur monture de donner le maximum d’eux-mêmes afin que la fuite soit la plus rapide et la plus discrète possible. Cependant, se mouvant avec une adresse redoutable parmi les torsades laiteuses de la brume, Gwendal et les siens ne perdent pas leur nouvel ennemi de vue. Ces derniers traversent une petite forêt, s’engouffrent dans les couloirs sombres d’une allée couverte par les feuillages de gigantesques arbres aux cimes perdues dans la brume ; ils dévalent les douces pentes des collines environnantes et parviennent enfin dans la Vallée des larmes. Derrière eux, se camouflant avec une adresse remarquable, Gwendal et les siens réussissent à échapper aux regards de Gorneval. Aux abords du château caché, les deux hommes se retournent plusieurs fois en toute confiance. Le père de Cassandre, fort intéressé par la présence énigmatique du château, progresse lentement, en contournant autant que possible, la butte que surplombe la modeste forteresse.
Gwendal interloqué, presque subjugué par le mystère croissant que représente ce château à cet endroit, tente de comprendre comment son nouvel ennemi peut-il être le prince de cette bâtisse.
“ Je veux connaître la vérité sur ce château. Allez quérir les informations qui concernent Ogrin et revenez ici, je vous attendrais du coté de la forêt que nous avons traversée. ” Fait-il à l’adresse de ses deux compagnons de route en ajoutant quelques mots “ Il me reconnaîtrait immédiatement et comprendrait notre manœuvre. Soyez prudents ! ”
Les deux chevaliers ne posent aucune question et partent au triple galop en direction de la petite forteresse grise qu’occupait jadis Périnis en seigneur légitime.
Arrivés aux abords de la construction de pierres, les deux hommes interpellent les gardes et tentent de leur faire comprendre qu’ils ont un pli pour le prince Ogrin. Ces derniers ne veulent pas ouvrir la lourde porte de bois ferré. Cependant, durant la discussion, l’un des gardes s’en va chercher conseil auprès de Périnis.
“ Quel est cet Ogrin dont ils font mention ? ”
“ Je ne saurais vous le dire ! ”
Périnis soupçonne très vite les deux chevaliers de tenter de s’introduire dans la forteresse et fait prévenir le Roi, rentré depuis peu mais déjà libéré de son armure. Allongé, il ressasse des souvenirs ternis par le temps, d’un passé pourtant proche dont il regrette la douceur caressante et bienfaitrice des baisers de Cassandre. Ses yeux humides cessent de fouiller dans la noirceur de ses pensées, dés lors que son plus fidèle serviteur frappe à la porte pour l’informer de la visite de son ancien précepteur.
“ Votre Majesté, il y a, à la porte du château, deux hommes qui prétendent vouloir parler à un certain prince Ogrin, connaissez-vous cet homme ? ”
Le visage de Gorneval se ternit subitement. Ses yeux se remplissent d’un sentiment d’impuissance mêlé à une accablante terreur. Il regarde le maître d’armes et tente d’expulser de sa gorge nouée, les quelques mots qu’il croit utiles pour se disculper d’un mensonge qu’il a pourtant commis.
“ Un prince Ogrin entre les murs du château ? ... Je n’ai jamais connu personne portant ce nom étrange... Il doit s’agir de deux bandits qu’il faut corriger ! ” Fait-il en constatant avec une terrible frayeur, qu’Audret et lui-même ont été suivis jusqu’ici.
La voix du jeune homme prend de la profondeur lorsqu’il parle de capturer puis de tuer ces bandits sur-le-champ. Périnis ne cherche pas à comprendre les motivations de son maître, puisque la raison que ce dernier invoque est tout à fait légitime, quoi qu’un peu exagérée. Gorneval sait de son coté que ces deux cavaliers doivent être morts avant le coucher du soleil, sans quoi, la sécurité du château est mise en péril. La connaissance qu’il a des armées de Lidan, le laisse présumer d’une guerre effroyable, si toutefois, il venait à l’esprit de Gwendal de vouloir bouter Ogrin hors du château de la Vallée des Larmes.
“ Je veux voir ces deux chevaliers immédiatement. Qu’ils attendent devant la porte que j’arrive ! Faites évacuer les alentours et que la garde se tienne prête ! ” Indique t-il en rentrant dans sa chambre, tout en demandant à son valet de l’aider à enfiler son armure légère.
Périnis le regarde sans comprendre. Mais malgré son opinion divergente, il ne tente pas de le faire changer d’avis et donne les ordres correspondant au choix de son maître. Pendant ce temps, le Roi enfile l’armure cabossée du prince et, tout en accrochant Titane à sa ceinture, il avance dans le couloir sombre qui descend jusqu’à la place d’arme. Il grimpe lestement sur son destrier et se dirige, accompagné de Périnis, d’Audret et de Guènelon vers la sortie du château.
Les deux cavaliers attendent patiemment à plusieurs mètres de la grande porte d’entrée. Gorneval profite de la distance pour chuchoter quelques mots à son maître d’armes.
“ Laissez moi parler et suivez-moi ! ”
Le preux acquiesce du regard et enfile immédiatement son heaume. Les deux autres chevaliers qui entourent le Roi en font de même.
“ Nous venons humblement quérir le prince Ogrin pour l’entretenir d’un sujet de la plus haute importance. ”
“ Je suis cet homme ! Que voulez-vous ? ”
Périnis frémit en entendant parler son élève.
“ Venez avec nous, je vous prie, la chose ne saurait se discuter en public ! ”
“ Les hommes que vous voyez ici sont dignes de confiance et je leur accorde la mienne avec une entière assurance ! ”
Les deux hommes insistent exagérément. Audret commence à penser que Cassandre est derrière tout cela. Il serait en effet mal venu de discuter de ce sujet devant Périnis. De son coté, avec Guènelon, il n’entend rien à la farouche insistance des deux étrangers. Leurs seuls soucis est de ramener leur protégé vivant, dans l’enceinte du château et tout ce qu’ils voient devant eux, ne leur paraît pas très rassurant.
“ De quoi s’agit-il ? ” demande le souverain en comprenant à son tour que l’empressement des deux cavaliers pourrait avoir la princesse pour origine.
La même idée germe dans l’esprit des deux gardes de Lidan. L’un d’eux s’empresse de prendre la parole, se délectant de l’ingéniosité du plan qu’il élabore spontanément.
“ La princesse se meurt et elle vous fait appeler. ”
Le Roi sent son cœur se déchirer, se fondre ou exploser sous sa poitrine comprimée. Les larmes lui montent aux yeux et son souffle se raccourcit de manière irrépressible. L’affolement le gagne et l’empêche de réfléchir tout en anéantissant ses derniers espoirs de vivre heureux. Au loin, au pied de la colline, Gwendal observe la scène avec la plus grande attention. Il se réjouit en voyant Ogrin perdre sa contenance. A cet instant il pense avoir fait le plus dur et commence à élaborer un plan pour entraîner la chute du château après la mort du prince.
Mais Gorneval, s’accrochant à son espoir comme à une branche qui le retiendrait au-dessus du vide, nie l’évidence dont il est certain de la véracité.
“ Sa plus fidèle servante Adrienne n’a t-elle donc pu quitter son chevet pour venir m’enquérir de cette information, comme elle me l’avait promis ? ”
L’un des deux cavaliers perd son sang froid sans que cela ne transparaisse sur son visage cireux. Son compagnon prend la parole avec assurance.
“ Elle n’a pas pu le faire parce que la princesse est au plus mal. ”
Comme un volcan au creux de son être, la joie force les portes de son cœur. Malgré la trahison et les mensonges des hommes qu’il a en face de lui, Gorneval sourit.
“ Je viens avec vous... ” Fait-il en amorçant la marche. Une sorte de soulagement force les muscles contractés des deux cavaliers de Lidan à se relâcher.
Audret, qui a comprit la supercherie, suit son Roi de près. Périnis et Guènelon, ne comprenant rien, retirent leur heaume de concert. A cet instant précis, s’allume dans le regard de Gwendal la flamme d’une haine vieille d’une vingtaine d’année maintenant, et dont il n’a toujours pas fait le deuil. Il regarde le maître d’armes – son adversaire d’antan – et voit au travers de son existence le reflet d’une vengeance mûrement réfléchie. Quand ses yeux se posent à nouveau sur le visage du Roi, il croit mourir foudroyé, tellement la ressemblance avec Ygrène lui apparaît évidente désormais. Une fine pellicule de sueur recouvre son front. Son cœur se met à battre plus fort et sa haine envers Dinas resurgit, s’accumulant avec celle qu’il porte à Gorneval, pour faire de lui, son nouvel ennemi juré. Mais au loin, il voit se dessiner l’ombre d’une menace, pesant lourdement sur ses deux chevaliers. La présence d’un cavalier dans le dos des deux hommes ne laisse présager rien de bon. Encore sous le choc retentissant de sa découverte impromptue, il regarde Ogrin se poster au milieu de ses deux cavaliers.
D’un coup sec sur les rennes de son destrier, ce dernier fait basculer son poids sur sa gauche. En un éclair, il dégaine son épée et tranche net la tête de son premier bourreau. Le corps de l’homme n’a pas le temps de tomber que le Roi retourne sa monture en le faisant bondir en avant, puis en lui faisant décrire un cercle par sa droite. Il fait face au deuxième cavalier, un peu surpris d’une attaque si subite. Derrière eux, Audret dégaine à son tour et tente de s’intercaler entre son maître et l’étranger. Périnis et Guènelon crient ensemble et demandent à leur protégé de quitter les lieux, tout en sortant leur épée de leur fourreau.
Gorneval, n’entendant plus rien d’autre que les cris infâmes d’une profonde colère, est comme hypnotisé par ce sentiment si violent qu’il lui fait perdre tout contrôle sur ses sens. Orphée bondit une nouvelle fois en avant et son cavalier se penche sur sa droite. Son ennemi se trouve sur sa gauche. Le prince tente de redresser sa monture, qui à la suite d’une mauvaise réception, perd l’équilibre et s’affaisse brusquement sur sa gauche. D’un coup de rein, il se rétablit et frappe le cavalier du plat de son épée au niveau de l’épaule. L’homme est déstabilisé et tombe à terre. Orphée s’écrase alors contre la monture de son adversaire et l’entraîne avec lui. Gorneval tombe à genoux, face à l’homme de Gwendal. Ce dernier décrit un arc avec son arme. Mais le Roi interpose son épée avant qu’elle ne le touche. Dans le même mouvement, alors qu’Audret se précipite sur lui en criant, il inverse la course de son arme, qui rencontre les cotes de son adversaire avec toute la force de sa violence destructrice. L’armure du traître vole en éclat ; une profonde brèche est ouverte sous son bras levé et un cri suraigu d’une douleur atroce, jaillit de sa gorge. Le Roi n’attend pas qu’Audret ne l’écarte pour frapper une nouvelle fois à la base du cou, là où son armure s’arrête et où la côte de maille dépasse. L’arme s’enfonce dans la chair du chevalier avec une facilité déconcertante, provocant chez lui, un profond dégoût. Le sang jaillit de la nouvelle blessure et l’homme s’effondre dans un silence total. Audret rencontre alors le corps immobile de son maître, qui regarde avec insistance sa victime s’éteindre. C’est avec les yeux d’une froideur funeste que celui qui ne sera jamais preux, comprend que la colère lui a fait tuer deux hommes. Périnis regarde la lame de l’épée en comprenant que son ancien élève est enfin devenu le guerrier qu’il espérait et dont Lidan attend encore la venue prochaine. Guènelon hoche machinalement la tête silencieusement en regardant les yeux sans expression de son protégé. Un long et profond silence s’installe entre les quatre hommes.
Chacun d’entre eux vient de réaliser que l’avenir ne sera plus jamais le même après ce qu’ils viennent de vivre. Gwendal fuit comme un damné, le regard horrifié par la puissance phénoménale de celui dont il est certain qu’il est le fils de Dinas. Son seul espoir est désormais de revenir ici pour guerroyer et couper court aux espérances qu’a Périnis de faire monter son protégé “ Ogrin ” sur le trône de Lidan.
Annotations
Versions