6 - Mia
Je n'ai pas fermé l'œil. La soirée de la veille ne cesse de me revenir en mémoire. Nous sommes en week-end et heureusement, je ne me vois pas aller au travail avec cette tête de zombie.
Je suis encore dans mon lit, j'attends le lever du soleil. Le sommeil m'a définitivement abandonné, alors que Bianca dort à poings fermés à côté de moi.
Hier, en rentrant à la maison, je l'ai trouvée en train de m'attendre. Elle m'a fait la morale, je n'ai pas tenu ma promesse. Je ne lui ai pas envoyé de message. En réalité ça m'est complètement sorti de la tête. Puis très vite elle a voulu savoir comment ma soirée s'était passée. J'ignorais et j'ignore toujours ce que je peux lui dire. C'est le bazar encore dans ma tête ; je ne sais même pas si c'est bien moi qui aie vécu cette soirée, ou si ce n'était qu'un rêve ?
Non, c'était bien réel. Je ne m'en sentais pas capable et pourtant je l'ai fait. Moi qui suis habituellement si timide. Mais cette dose d'adrénaline que j'ai eu est juste phénoménale. Je ne me suis pas rendue compte de ce que je faisais. Et oh mon Dieu, je n'ai qu'une seule envie c'est de recommencer cette aventure.
Et cet homme. Nilson. Un homme de grand caractère, il est d'une beauté que l'on ne trouve pas à tous les coins de rues : grand, les cheveux batailles, ses yeux noirs qui parlent à sa place. Sa peau métissée et sa barbe d'une semaine. L'incroyable c'est que j'ai passé ma soirée avec lui. J'en ai encore des papillons dans le ventre.
Bon sang ! Grandis un peu, Mia !
Ma conscience me rappelle à l'ordre. Je dois arrêter de me comporter comme une lycéenne. Il veut rester en contact, il faut que je sache si c'est vraiment ce que je veux. Je dois prendre en compte les avantages et les inconvénients. Ces derniers ont tendance à se multiplier à chaque fois que je refais cette foutue liste.
- Tu n'as pas dormi.
Je sursaute. Bianca, à moitié endormie, me sourit.
- Je t'ai sentie gigoter toute la nuit. Qu'est-ce qu'il se passe ?
Je secoue la tête ; je ne veux pas qu'elle s'inquiète avec ce qu'elle vit en ce moment.
- Non, je suis un peu déboussolée. C'était la première fois que je laissais le contrôle volontairement à quelqu'un. C'est déroutant.
- Oui, je vois de quoi tu parles. Tu ne veux rien me raconter, tu es sûre ?
Je hoche la tête. Elle n'insiste pas plus. Elle sait que je lui en parlerai quand je serai prête.
- Et Daniel ? Tu as des nouvelles ?
Je tente de détourner la conversation vers l'homme qu'elle aime malgré elle. Elle est tout simplement tombée amoureuse de son dominant. Et elle a dérogé, à son insu, à leur règle. Je l'ai rencontré plusieurs fois. C'est un bel homme. Avec sa carrure, il impose le respect. En réalité, il me fait penser à mon dominant, mais un cran en dessous...
Alors maintenant c'est « ton dominant » ?
Ma conscience est de retour. Et elle me fait les gros yeux. Je l'ignore.
- Non, il ne m'a pas rappelé. Notre relation est définitivement finie, il me l'a dit.
Son visage s'est fermé. Son sourire a disparu. Ses yeux fixent le vide. Elle a mal. Elle est malheureuse. Je le sais. J'espère tellement que ça s'arrangera, pour qu'elle aille mieux. Pendant ce temps je la prends dans mes bras.
- Ça te dit qu'on aille faire du shopping cet après-midi ? je demande.
- Oui, tu ne peux pas mieux me faire plaisir, sourit-elle. Par contre, il faudrait que tu dormes, Mia. Ta tête n'est pas belle à voir.
Je lui rends son sourire.
- Dors, je vais faire un footing pendant ce temps. Je te réveillerai quand je reviendrai.
- D'accord.
Elle s'est déjà levée. Je la regarde faire des allers retours entre ma chambre, la sienne, et la salle de bain. En un rien de temps, elle est prête pour aller courir. Avant de partir, elle m'embrasse la joue :
- Dors bien !
J'entends la porte d'entrée claquer. Je m'installe correctement dans mon lit. Je ferme les yeux et commence à m'endormir quand j'entends la sonnette de la porte d'entrée. Bianca a encore dû oublier ses clés. Je me lève pour lui ouvrir :
- Si tu veux que je dorme, évite de...
Je m'interromps quand je vois qu'il ne s'agit pas de Bianca. Mince ! je suis à moitié à poil. Je me dépêche de refermer et me précipite vers le premier pantalon que je débusque. Je l'enfile et y retourne rapidement. Quand je l'ouvre, l'homme est toujours là. Je ne le connais pas. Il fait à peu près ma taille, la trentaine, avec un sourire en coin. Il doit se moquer de moi. Mes joues s'empourprent un peu plus à cette pensée.
- Bonjour, c'est pour quoi ? je demande.
- Vous êtes bien mademoiselle Roy ?
- Oui, je réponds.
- C'est pour vous.
Il me tend une grande boite argentée. Je la prends, de qui ça pourrait bien venir ?
- Je dois signer quelque part ?
- Non, pas besoin. Passez une bonne journée, mademoiselle.
Et il me laisse là, je le regarde descendre l'escalier. Je me presse de refermer la porte d'entrée pour déposer mon colis sur le canapé. J'aperçois une enveloppe scotchée au-dessus de la boite. Il y a écrit, sur l'enveloppe, mon nom en lettres manuscrites. Je tente de deviner qui a bien pu me l'envoyer. J'ai beau me creuser la tête, aucune idée ne me vient. Je l'ouvre et trouve une carte où il est inscrit :
« Retrouve-moi ce soir au club. Tu porteras ce qu'il y a dans cette boîte.
Sois-y à 21h, je t'attendrai. N. »
Nilson...
Décidément, je ne vais pas pouvoir dormir.
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