Après avoir avalé un café chaud mêlé d'un bol d'air frais, je restai complètement chargée d'émotions en tout genre et avais du mal à m'en débarasser. Fallait pourtant que je le fasse avant de remonter. Les mains dans les poches, je profitai d'un rai de soleil sur ma peau. Les yeux fermés, je repensai à la voix de Vlad quand il me chantait des mots d'amours dans une langue inconnue.

Je commençais à être perdue entre lui, son passé que je ne connaissais que très peu et nous. Quand il disait que ma famille et moi lui apportions un foyer stable je ne me rendais sûrement pas compte de tout le poids de ses mots, de ses mercis, de son amour et de ses sourires. J'en venais à me demander qui il était vraiment. J'ouvris les yeux et soufflai lentement.

• Mme Perez ?
• Oui, fis-je en me retournant.
• Votre frère est en chambre à coté de celle de Monsieur Volcov.
• Ah, merci !
• Je vous accompagne ?
• Euh je... Oui, bien sûr.

J'écoutai l'infirmière me dire combien mon frère était vaillant. Comment il s'était battu pour conserver sa vie. Combien de devrions en profiter... Plus elle me parlait, plus j'avais la nausée. Plus nous montions les marches plus je me chargeai de tout ce que j'avais réussi à lacher quelques étages plus bas. Quand elle ouvrit la chambre 20, tout s'évapora. Je regardai mon frère encore endormi dans son lit. Je posai la main sur son torse et me demandai à quoi il pensait, ce qu'il pouvait bien ressentir. Fatiguée du trop plein, je me laissais tomber dans un fauteuil. En attendant qu'il se réveille, je m'enfonçais dans un sommeil sans sons...

• Jenny ? me secoua une voix. Jenny, réveille-toi.
• Qui...êtes... toi ?

De ses yeux rougis, Dimitry m'ébranla.

• Qu'est-ce que tu fais là ? m'inquiétai-je subitement.
• Pardon, je ne voulais pas...
• C'est Vlad ? paniquai-je en me levant. Qu'est-ce qu'il a ? Où est-il ?

Il m'attrapa par les épaules et me serra fermement. J'avais l'impression que mes pieds ne touchaient plus le sol.

• Calme-toi, souffla-t-il. Il va bien, il est toujours à côté et il est réveillé.
• Ah, lâchai-je soulagée, désolée, je ...
• Je sais, ne t'inquiète pas. Vas-y, je vais rester avec Samuel.
• Euh... tu casses rien, promis ?
• Promis, sourit-il en baissant les yeux.

Il me lacha et je m'envolais jusqu'à la chambre voisine. Je rentrai doucement et vis Vlad, toujours intubé incapable de parler.

• Hey, fis-je en m'approchant. Comment tu vas ?

Il cligna des yeux.

• Tu m'as l'air en forme toi !

Je m'installai dans le fauteuil près de son lit, le même fauteuil que dans l'autre chambre. Même lit, mêmes murs, même sol, même disposition, mêmes machines, je... Sa main vint me froler me ramenant à notre réalité.

• Je suis avec toi ! Je vais rester là à te veiller.

Il sourit. Il savait très bien que je ne tiendrai jamais dans un fauteuil à moitié pliée en deux pendant toute une nuit.

Plusieurs jours passèrent et Dimitry et moi nous relayâmes dans les chambres pour veiller nos frères respectifs qui passaient presque tout leur temps à dormir. Dès qu'ils étaient réveillés, c'est moi qui en profitai. Dimitry ne disait rien. Depuis son dernier éclat de colère, il ne m'avait plus adressé un mot. Juste quelques oui, et quelques demi-sourires. Vlad finit par ne plus être intubé et nous pûmes commencer à nous parler.

• Jenny ? Tu m'as l'air ailleurs.
• Mais non, je suis avec toi !
• Tu me raconteras ce qui te tracasse ?
• Oui, toujours ! Mais d'abord, sors d'ici okay ?
• Où est Sam ?
• Il est à côté, il ne s'est pas encore réveillé. Ton frère est avec lui.
• Mon quoi ?
• Ton frère, Dimitry.

Ses yeux s'écarquillèrent. Ils commencèrent à paniquer vivement. Ils allaient dans tous les sens. Vlad commença à se découvrir et à vouloir se lever.

• Hey, calme-toi ! Qu'est-ce qu'il y a ?
• Je n'ai pas de frère !
• Mais voyons Vlad, il t'a veillé tous ces derniers jours !
• Jenny, je te dis que je n'ai pas de frère. J'ai vu Dimitry mourir, il est mort tu m'entends ? Mort !
• Okay, okay. Calme-toi ! Recouche-toi. Je vais le chercher et vous allez discuter okay ?

Je le laissai là, paniqué et bouleversé. Je refermai la porte doucement pour ouvrir la porte voisine.

• Dimitry ? chuchotai-je.
• Jenny ?
• Sam ? m'étonnai-je. Ça alors, tu es réveillé ! Comment tu vas ?
• Ça va, comme quelqu'un qui ne respire qu'à moitié.
• Tu es seul ?
• Ben oui, pourquoi ? Quelqu'un devrait être là ?
• Non, c'est juste que .... Bon rien ne t'en fais pas !
• Comment va Vlad ?
• Ça va, il est dans la chambre d'à côté. Je resterai entre vous deux jusqu'à ce que vous puissiez être ensemble.
• Comme toujours... souffla-t-il en fermant les yeux.
• Repose-toi, mon frère.

Je fis quelques pas en arrière et sortis délicatement. Dans le couloir, je me mis à réfléchir rapidement. Je n'ai quand même pas rêver tout ce qu'il venait de se produire mais c'était quoi ce bordel ?

• Mme Perez ? fit une voix douce. Tout va bien ?
• Où est le docteur Volcov ?
• Le docteur Volcov ?
• Oui, le docteur Volcov ! m'énervai-je.
• Il n'y a pas de docteur Volcov dans cet établissement Mme Perez.
• Non mais vous vous foutez de moi là ?
• Euh... non.
• Où est Béa ? Elle ne travaille pas ici non plus ?
• Vous êtes à bout de nerfs et cela se comprend, vous devriez vous reposer Mme Perez. Je vais essayer de me renseigner et voir qui est cette Béa, okay ? En attendant, reposez-vous un peu.
• Okay, okay, me renfrognai-je.

Je rentrai dans la chambre 19 sans ménagement ce qui fit sursauter Vlad.

• Alors ? m'interrogea-t-il.
• Alors personne !
• Ah... souffla-t-il soulagé.
• Écoute, je ne sais pas ce qu'il se passe mais j'ai bien vu.... Bon bref ! me calmai-je. Tu viens de te faire opérer et tu dois te reposer. Nous en reparlerons quand tu seras sur pieds. Sam est dans la chambre d'à côté et il se repose. Si tout se passe au mieux, d'ici quelques jours nous serons tous sortis d'ici et nos vies reprendront là où elles en étaient.
• Oui, tant que tu restes près de moi, j'irai toujours bien. Viens, je te fais une place.
• Vladou, comment tu veux qu'on tienne sur un lit pareil.
• Viens Jenny, insista-t-il.
• Dis Vlad, tu ne m'en a jamais parlé de ce frère.
• Je préfère éviter d'en parler, tu le sais.
• Oui, mais j'aimerai savoir quand même.
• Je te raconterai tout ma belle.
• Dis-moi comment il est mort.

Ses yeux humides dans les miens, il me susurra :

• C'est moi qui l'ai tué.