Chapitre Cinq
Parmi les hommes en costume qui se cachaient dans les bureaux et dans les coulisses du Salon international de l’Automobile, il y avait un délégué anglais.
Il détonnait sur les autres par son maintien et son désintérêt total de l’automobile. Il ne conduisait pas, il avait des chauffeurs.
“ Mon cher monsieur Holmes. Comment avez-vous trouvé le Salon ?,” demanda M. Keller, l'organisateur de l'événement international.
Mycroft Holmes eut un sourire qui ressemblait plus à une grimace.
“ Passionnant.
- N’est-ce pas ? Mais avez-vous vu les nouvelles voitures de Ford ?
- Non. Je dois avouer.
- Venez ! Je vais vous montrer !”
Mycroft Holmes se fit obéissant et soumis.
Il ne rêvait que de frapper l’homme entreprenant avec son parapluie.
Surtout avec la lame cachée dedans.
Des voitures et des voitures, rutilantes et magnifiques.
Et au-milieu de toutes ces mécaniques brillantes, les nouvelles voitures hydrides de Ford.
L’avenir !
Pour ceux qui en avaient les moyens.
" Une belle voiture, sourit M. Keller.
- Très belle," lâcha du bout des lèvres M. Holmes.
La main de M. Keller caressa la portière d'un geste amoureux. Cela fit frémir Mycroft Holmes, comme s'il était témoin d'un geste déplacé.
M. Keller sourit et lança :
" Vous êtes fidèle à vos Anglaises, je parie ?"
Mycroft Holmes se demanda honnêtement quelle voiture il utilisait. Ce n'était que des moyens de transport. Elle était noire et luxueuse, spacieuse..., allemande...
Le gouvernement britannique sourit à son tour et mentit, froidement :
" Les marques anglaises sont de très bonne qualité.
- Bien entendu, M. Holmes."
M. Keller fut appelé à cet instant et s'excusa. M. Holmes se retrouva seul à examiner la voiture de Ford.
Jolie, c'était vrai. Bleu métallisé, elle étincelait dans toute sa nouveauté.
" J'ignorais que Mercedes était une marque anglaise, M. Holmes, se moqua une voix toute proche.
- Votre Excellence, salua M. Holmes, fâché d'avoir été surpris.
- M. Keller ne jure que par les Allemandes. Il dédaigne les autres pays, c'est un tort."
Le prince Sernine posa à son tour sa main sur la voiture bleue et siffla d'admiration.
" Une belle voiture. Je le reconnais. Mais ma Donkervoort est une Néerlandaise et je ne la regrette pas.
- J'ai vu."
M. Holmes contempla le prince Sernine. Un homme riche, un homme noble, un homme dont le passé se perdait entre les courses de voiture et les histoires de femmes.
Un homme intéressant.
Souriant, M. Holmes se voulut désagréable.
" Vous êtes venu vous offrir une nouvelle voiture ou une nouvelle maîtresse ?"
Le prince Sernine se mit à rire et sa main flotta dans l'air, dans un geste vague.
" Qui sait ? Les deux peut-être. En tout cas, Xenia est la coqueluche du Salon avec ses voitures hybrides.
- L'avenir. Pour ceux qui en ont les moyens."
Les deux hommes se regardaient fixement maintenant et Sernine proposa tout à coup :
" Vous voulez faire un tour dans ma Donkervoort ? Cela vous changera de vos Mercedes."
M. Holmes était décontenancé.
" Moi ? Dans votre monstre ? Merci bien.
- Vous ne vivez pas assez dangereusement, M. Holmes, se moqua gentiment le prince Sernine.
- Je suis un homme de bureau," se défendit le gouvernement britannique.
Et quelque part, une jeune femme magnifique, brune et élancée, sourit à ces mots qu'elle entendait dans son oreillette.
Son patron ? Un homme de bureau ? Que dire des dizaines d'agents secrets cachés dans les recoins de ce Salon de l'Automobile là pour le soutenir dans son action ? Que dire de son arme de service cachée dans son baudrier ?
Et que dire de la capsule de cyanure qu'il possédait dans la bague glissée à son annulaire pour le cas où il se ferait kidnapper ?
" M. Holmes, M. Holmes, M. Holmes, soupira Anthéa. Si seulement..."
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