Chapitre Douze
Le docteur Watson supportait avec une patience de saint les manies de son colocataire et ami. Sherlock Holmes était si...si exaspérant...
Il examinait chaque voiture du salon avec un soin frôlant la folie.
Bien entendu, il n'expliquait rien à personne.
Il fallait supporter et patienter.
John Watson était devenu un maître en la matière.
Sherlock Holmes virevoltait de voiture en voiture, il ouvrait des capots, il s'asseyait sur des banquettes de cuir, il ausculait des pneus.
John Watson soupirait de fatigue.
Sa fille lui manquait. Sa femme lui manquait. Londres lui manquait.
Une présence le fit se retourner et le docteur sourit à la jeune femme qui s'était approchée.
Il savait que c'était une journaliste, Cyrielle Bertillon, et il savait qu'elle cherchait ce fameux Arsène Lupin.
John leva les mains, désolé.
" Je ne sais pas bien parler français, arriva-t-il à articuler.
- Qu'à cela ne tienne, je parle anglais, sourit la jeune femme avec un terrible accent.
- Vraiment ?, rétorqua John, amusé.
- Que fait M. Holmes ?, demanda la jeune femme, jolie et sympathique. Journaliste.
- Allez savoir," répondit le médecin, prudent.
Il connaissait les journalistes, il avait vu son ami se jeter du haut d'un immeuble à cause d'eux et des rumeurs. Suicide of a Fake Genius ! Le souvenir des journaux faisait encore mal à John Watson.
Il avait perdu son seul ami et sans Marie...sans Marie, que serait-il devenu ?
" Il ne vous a rien dit ?, s'enquit Mlle Bertillon.
- Allez savoir !"
On entendait les cris de colère des concessionnaires qui refusaient de céder aux caprices de cet huluberlu d'Anglais. Ouvrir les capots, pourquoi pas ? Mais démonter les roues, ça ne va pas non ?
Sherlock apparut, son long Belfast noir était couvert de poussière.
" John ! Je veux voir la prochaine salle, il n'y a rien ici.
- A vos ordres, votre Majesté, soupira le docteur.
- Je peux venir ?," tenta maladroitement la journaliste.
Sherlock la toisa du regard et ouvrit la bouche pour parler.
" Il est veuf. Il est intéressé, lâcha négligemment le détective. Si vous lui faites du mal, je connais quinze techniques pour faire disparaître un corps."
John leva les yeux au ciel, avant de frotter sa nuque en souriant comme il le pouvait. Cyrielle Bertillon rougit, estomaquée.
" Bien. La voilà prévenue, merci Sherlock, fit abruptement John.
- Salle cinq ! On y va !, ordonna Sherlock.
Le détective disparut dans un claquement dramatique de son manteau. Mais on l'entendit lancer :
" John ! Elle est célibataire, larguée depuis cinq mois et intéressée aussi.
- MERCI SHERLOCK !, claqua John, exaspéré.
- De rien !"
John soupira encore. Il se tourna vers la jeune femme, des excuses plein la bouche, mais il la vit se mordre la lèvre pour ne pas rire.
Cela désamorça la situation et ils rirent tous les deux.
" Un café ? Ou autre chose ?, proposa maladroitement le docteur veuf et seul depuis trop longtemps.
- Avec plaisir, docteur Watson."
Une journaliste, certes, mais aussi une jolie femme.
Plus tard, John Watson retrouva Sherlock Holmes qui finissait d'examiner sa cent vingt-deuxième voiture. Le docteur souriait, tout à sa joie.
Sherlock leva les yeux au ciel à son tour.
" Alors que te voulait la journaliste indépendante ?
- Indépendante ?
- Elle n'appartient à aucun journal. Peut-être des podcasts ?"
Sherlock se glissa sous la voiture et le vendeur pria pour que le véhicule l'écrase.
" Elle m'a parlé d'un journal...
- Tu la revois demain ?
- Oui. Après la course. Si...si cela ne te dérange pas, je...je..."
Sherlock Holmes réapparut, encore plus énervé et poussiéreux.
" Je ne suis toujours pas intéressé, John. Ne sois pas en retard demain soir.
- En retard ? Mais en retard pour quoi ?"
Sherlock Holmes abandonna son compagnon pour examiner la prochaine voiture.
" Le dîner."
Mycroft Holmes regardait son petit frère s'amuser à examiner chaque voiture sur les multiples écrans de surveillance de ses caméras cachées.
Anthéa se tenait à côté de lui, aussi belle que toujours et son smartphone en pleine partie de Candy Crush.
" Que cherches-tu, Sherlock ?, murmura Mycroft Holmes en se penchant en avant. Mes hommes ont déjà examiné chaque voiture. Il n'y a rien à signaler."
Anthéa ne leva même pas les yeux, elle savait que son patron se parlait souvent.
Sherlock Holmes ne fut pas surpris de voir débarquer son frère, mais il en conçut un profond agacement.
" Tu n'as pas une guerre à déclencher, Mycroft ?", grogna le détective en terminant son travail d'inspection.
Mycroft frappa le sol de la pointe de son parapluie, tout aussi agacé que son frère.
" Elle est en cours. Que diable fais-tu Sherlock ? Tu ne devrais pas enquêter ? Te démener ? Il me faut Lupin !"
Sherlock se frotta soigneusement les mains sur un mouchoir qu'une hôtesse du salon lui avait gentiment fourni. Il s'approcha de son frère et le saisit par le bras, durement. Il le fit marcher.
" Je travaille, Mycroft. Va jouer aux échecs avec ton Excellence et fiche-moi la paix.
- Tu travailles ? A part ennuyer les concessionnaires, tu ne fais ri...
- Que veut Lupin ? Il cherche forcément quelque chose !"
Mycroft Holmes regarda Sherlock et secoua la tête, dédaigneux.
" Une voiture ? Je ne pense pas. Ce sont des voitures, chères, certes, mais on les fabrique en série. Une de perdue..."
Mycroft claqua à nouveau son parapluie sur le sol.
" Pas une voiture, mon cher frère. Pas une voiture."
Sherlock était content de damner le pion à son frère.
Mycroft était dépassé. Il regardait son frère.
Sherlock arborait son sourire suffisant, il avait une piste !
Mycroft suivit son regard.
Devant eux se trouvait le stand des nouvelles voitures hybrides.
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