Chapitre Neuf
Monter une affaire était le point fort du grand Arsène Lupin. Prévoir, vérifier, attendre, surveiller, intervenir, réussir.
C'était ainsi depuis sa prime jeunesse et un certain collier dérobé pour aider sa mère.
Aujourd'hui, l'enfant voleur était devenu un homme, sûr de lui et sûr de ses capacités.
Monter une affaire ?
Assis devant son bureau dans la luxueuse suite à l'Espinas International Hôtel de Téhéran, il travaillait sans relâche à l'affaire proposée par la princesse Latifa.
Un partenariat lucratif était en jeu.
Et le cambrioleur songeait aussi au Trésor du Shah...
Un partenariat ? Oui. Mais Arsène Lupin était toujours un cambrioleur.
Son Aiguille était tombée, mais il avait d'autres caches, ailleurs, dans le monde...
Ce fut à cet instant qu'on vint le déranger, malgré les ordres de silence. Frapper à la porte du patron alors qu'il travaillait ainsi était dangereux, mais les nouvelles étaient mauvaises.
" QUOI ?, hurla Lupin en ne faisant même pas l'effort de se tourner vers l'importun.
- C'est Paris, patron, annonça Grognard.
- Hé bien ? Paris brûle-t-il ?
- Le commissaire Ganimard a été poignardé hier soir, patron."
Déstabiliser Arsène Lupin était difficile, sinon impossible.
Et pourtant...
" Quelles sont ses chances de survie ?," demanda le médecin nouvellement arrivé dans le service des urgences de l'hôpital parisien.
La jeune infirmière, impressionnée par le beau médecin et ses magnifiques yeux verts, répondit :
" Difficile à dire, docteur. Il a été frappé à plusieurs endroits.
- Je veux le voir, ordonna l'homme à la jeune femme.
- Bien entendu, docteur...
- Louis Valméras."
Il ne suffit que d'un sourire et d'un regard entendu pour obtenir l'accès à la chambre hautement sécurisée du commissaire Ganimard.
Ganimard était étendu sur un lit d'hôpital, inconscient et pâle. Plongé dans un sommeil profond, il dépérissait doucement. Sur sa table de chevet, un bouquet de fleurs séchées avait été déposé, ainsi que la photographie d'une femme déjà âgée.
Le docteur Valméras examina distraitement le blessé et chassa l'infirmère d'un revers de la main.
Mais une fois seul, il se précipita sur le blessé et posa ses mains sur le front du vieil homme.
" Ganimard ? Tu ne peux pas me faire ça ! Justin ! Tu m'entends ?"
Les yeux clairs du policier papillonnèrent et s'ouvrirent enfin. Lupin afficha un large sourire rassuré.
" Tu sais que tu m'as fait peur ?! Regarde-moi ! Je néglige mes affaires pour venir te voir, tu devrais être flatté, Ganimard.
- Tu...es...
- Chut ! Tais-toi ! Tu vas dire des bêtises. Je vais te donner de l'eau, va !"
Lupin prit une carafe présente dans la chambre, testa la fraîcheur de l'eau et en servit un verre au blessé. Doucement, il aida le vieil homme à en boire une gorgée.
" Je t'ai dit de faire attention ! Qui t'a fait ça ? Dis-moi !
- Tu es en état...d'a..."
La douleur était trop forte et Ganimard ferma les yeux, affolant d'autant plus Arsène Lupin.
" Arrestation ? Je t'en prie, Ganimard !, se moqua le voleur.
- Le commissaire a raison, monsieur Lupin !, lança une voix de femme, ferme et froide depuis la porte. Vous êtes en état d'arrestation."
Lupin leva les yeux et aperçut le lieutenant El Kalai, encadrée par plusieurs officiers. Il en sourit.
" Tu m'as bien eu, Ganimard. Dire que je me suis inquiété pour toi."
Ganimard souriait, mais la force lui manquait. Il sombra et le monde redevint noir et sombre.
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