Cette conversation m’amena dans les jours qui suivirent à un sentiment de confusion, mais aussi de satisfaction. La loi de Murphy m’apparaissait désormais comme le point de contact avec un univers plus vaste. Je m’emparai de livres rempli de fonctions qui m’étaient inconnues : théorie du chaos, effet papillon, théorie des cordes. Mais je n’étais pas satisfait : j’avais le sentiment de survoler ces concepts avec la même superficialité que si j’effectuais un travail de bureau sous le regard de ma supérieure.

Le lendemain, je me rendis en hâte au bureau. Quelque chose m’avait frappé : j’avais négligemment parlé d’un de mes rêves à Nora, une jolie brune de mon service. Mais j’étais incapable de m’en souvenir, et chaque effort semblait ériger un mur noir dans mon esprit qui me frustrait davantage. Je trouvais Nora attablée comme d’habitude devant son ordinateur. Après l’avoir saluée, je la questionnais avec fébrilité. Elle leva les yeux vers le plafond, croisa les bras et prit un air concentré : elle me répondit finalement par la négative.

« Ah bon. Eh bien, désolé pour le dérangement.

— Pas de problème. C’est quoi le problème avec ton rêve ?

— Rien.

— Bah de toute façon, c’est qu’un rêve. C’est pas bien grave.

— Oui… C’est qu’un rêve... » soufflais-je.

Cette conversation accentua une nouvelle fois mon stress. À la cafétaria, tremblant comme une feuille, je me servis un café crème avec du lait. Quelques minutes s’écoulèrent, puis Nora entra. Elle s’empara d’une tasse, puis me dit : « Tu sais, ton rêve là… ‘me semble que tu m’avais parlé de ta mère qui était piégée dans un incendie, à l’intérieur de son immeuble je crois. »

Cette nouvelle m’épouvanta. Je m’effondrais sur une chaise voisine, et j’y restais assis, presque immobile. J’attendis, sans trouver la force de me lever. Après quelques minutes, mon téléphone sonna : ma mère avait fait un arrêt cardiaque à cause d’une inhalation de fumée.