Proposition
Le noir. Tout autour de moi, c'est le noir. Et puis, là-bas, tout au fond, il y a un petit point de lumière blanche. La boule se rapproche. De plus en plus...
Va-t-elle s'écraser sur moi? Non. Elle s'arrête juste en face de mon visage. Le globe tourne, change de forme avant de s'arrêter sur le faciès blanc et lumineux de... mon arrière grand-mère?
Cette aïeule que j'avais adorée, morte quand j'étais jeune, trop jeune sûrement pour affronter la mort. Franchement, la perte d'un être cher à treize ans, ce n'est pas sérieux quand même! Pendant toutes ces années, j'avais espéré revoir sa figure rendue maigre par l'âge. Entendre sa voix satinée bien que légèrement rauque. Toucher sa peau agréablement parcheminée. Et la voilà qui s'invite devant moi!
- Bonjour Calisto.
Oh... Les larmes me monte aux yeux. Quelle douce mélodie qu'un son qu'on pensait ne jamais plus entendre! Je m'apprête à ouvrir la bouche lorsque l'apparition recommence à parler :
- Je suis désolée, ma douce, mais je ne peux rester longtemps. Nous ne pouvons donc point tergiverser : tu viens de mourir.
Mon ancêtre ne me laisse même pas le temps d'assimiler cette nouvelle qu'elle poursuit :
- Comment? Nous ne pouvons te le dire. Heureusement pour toi, tu fais partie des heureux élus choisis pour changer les destins.
- Changer... les destins?
- Lors de grands massacres, une personne est tirée au sort. Elle a quatre jours pour découvrir le pourquoi du comment et empêcher la mort des personnes présentes. Chaque fois, tu devras être au même endroit au même moment pour mourir et pouvoir revenir en arrière.
- Où? Et quand?
Pourquoi ça ne me dérange pas plus que ça? Le fait d'être morte et de devoir sauver du monde, ça devrait me tourmenter, non? Alors pourquoi cette indifférence que me dicte mon cerveau?
- Le où, c'est ta cuisine. Le quand, à toi de le découvrir.
- Euh... Excuse-moi, Mamie, mais, s'il y a ce système, pourquoi y-a-t-il des massacres dans le monde? Les mouvements terroristes, pas plus tard qu'en juillet il y a eu un attentat à Nice!
- Ma douce, pour chaque massacre, quelqu'un à sa chance. Mais, si au bout de quatre essais, tu ne trouves pas une façon d'éviter les morts, l'action arrive, malheureusement.
- Mais c'est affreux pour la personne qui devait empêcher ça!
- Oui, c'est affreux, horrible, ce que tu veux. Ce poids est souvent lourd à porter. Beaucoup flanchent et abandonnent. Et toi, c'est le poids de la vie de cinquante-trois personnes que tu as sur les épaules.
- Cinquante-trois?!
- Cinquante-trois, opine tristement la tête de mon arrière grand-mère. Maintenant, tu dois choisir.
- Choisir?
- Veux-tu tenter de sauver ces cinquante-trois personnes ou vas-tu les laisser tomber de ton dos? Fais vite, il ne te reste presque plus de temps!
Le ton pressant de mon aïeule me pousse à réfléchir plus rapidement. Quatre essais pour vivre ou la facilité pour mourir? Le choix semble simple, il ne l'est pourtant pas. Qui suis-je pour avoir un droit de vie et de mort sur cinquante-trois inconnus?
- Vite! me presse Mamie.
- Je... j'accepte.
- Pardon?
Je me rends soudainement compte que ce que j'avais voulu dire fort n'était en fait sorti de ma bouche que sous la forme d'un couinement incompréhensible.
- J'ai dit que j'acceptais!
- Tu es sûre, Calisto?
J'opine de la tête. Mieux vaut ne pas parler au risque de pousser un autre grincement difforme. Mon aïeule s'approche encore plus et dépose un baiser sur mon front. Le contact est crépitant. Un baiser de lumière...
Je me sens soudainement tourner et le visage blanc disparaît.
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