Chapitre 8
~ Point de vue Nicole ~
Quand je termine, je souris et tout le monde applaudit.
— Comment tu t’es sentie ? me demande mon frère.
— Vachement bien. J'ai l'impression de flotter à travers les nuages.
— C'est bien ce qu'on a vu, alors, me dit mon père.
— Merci pour le cadeau, en tout cas, leur dis-je, en les serrant dans mes bras.
— Vous voulez rester pour le dîner ? demande John à tout hasard.
— Si Nicole est d'accord, pourquoi pas.
— Je n'y vois aucun inconvénient, dis-je, avec le sourire.
En y regardant bien, je vois qu'il y a en plus Marie, Julie, Erika et la petite Shana. J’étais tellement dans mon monde que je ne les ai pas entendues arriver.
— On se fait un petit apéro ? interroge John.
— Je viens t'aider, lui répondis-je.
Je l’accompagne jusqu'à la cuisine en regardant partout pour voir comment ils ont rangé les meubles.
— Tu sens le chocolat ou bien c’est moi qui fabule ? me demande-t-il.
— Tu as un excellent odorat.
— Tu as changé de parfum ?
Je lui souris. Hum … son sens de l’odorat me surprendra toujours.
— On est allées au salon de massage. Alors, je me suis dit que … tu pourrais donner ton avis une fois que tout le monde sera parti, répondis-je.
— Je crois que tu es devenue … comment dire … un peu trop gourmande depuis quelques
temps, me dit-il en se rapprochant de moi.
Nos visages sont maintenant à quelques centimètres l’un de l’autre. C’est très difficile de le regarder dans les yeux sans succomber.
— C'est toi qui me dis ça ?
— Tout à fait, répond-il, en emportant les bières ainsi que les jus de fruit qui étaient sur le plan de travail juste à côté.
— Comment ça trop gourmande ? Qu'est-ce que ça veut dire ? Attend une minute.
Il rejoint les autres dans la pièce principale tout en souriant.
En le rattrapant, j'esquisse un sourire. En regardant tout le monde, je remarque quelque chose.
— Il manque quelqu'un, dis-je à voix basse.
— Il ira mieux quand tu pourras aller le voir, me répond John, en me donnant un verre de jus de fruit.
— Comment vous allez faire ? interrompt Marie.
— Faire quoi ? interroge John, en se retournant.
— Pour vous repérer dans cette immense maison. Avec David et Erika, on s’est permis de visiter et franchement, on est tombé sur les rotules avec la bouche bien pendante. Cette maison, c’est … une fois dans une vie. D’ailleurs si vous entendez parler d’une maison comme celle-là qui cherche des acheteurs, on est preneurs.
Tout le monde rigole.
— On pensait mettre des post-it un peu partout pour éviter de se perdre, dis-je.
Tout le monde rigole de nouveau et boit.
Quand vient 19h00, John s'éclipse et va préparer le dîner pour tout le monde.
~ Point de vue John ~
Je vois Marie qui attend quelques minutes et qui rejoint le chef en cuisine.
— Tu as besoin de quelque chose ? lui demandais-je.
— … je voulais qu'on discute d'une chose.
— Je t'écoute.
— Voilà, euh … j'ai rencontré quelqu'un et j'aimerais faire un repas avec maman.
Je sens que ma sœur n’est pas très à l’aise de me parler de sa vie privée. C’est la première fois qu’elle le fait d’ailleurs. Ca doit être important pour elle.
— Je le connais ?
— Peut-être bien. Je n'ai encore rien dit à maman, alors si tu pouvais garder ça pour toi, ça serait bien.
— Ne t'inquiète pas. Je serais muet comme une carpe.
— Merci … Et il y a un poste qui s'est libéré dans le service et j'avais pensé postuler. Alors, est-ce que tu crois que ça peut jouer en ma faveur si je rajoute une lettre de recommandation dans mon dossier ?
— C'est toujours mieux. C'est pour être dans quel service ?
— Réanimation-Soins continus. Je sais que c'est un service très lourd mais je me sens capable d'assumer ce poste.
— Ça fait longtemps que tu l'es, à mon avis.
— Comment ça ?
— Marie, ça fait presque dix ans que tu passes tes journées dans les blocs.
— C'est vrai que ce que j'y vois dedans tous les jours, c'est horrible. Je pense que je ne serais pas trop perturbée par le changement.
— Pour ta lettre de recommandation, essaie d'en avoir un maximum en plus de ton chef de service.
— Merci pour tes conseils.
— J'en ai toujours pour ma petite sœur.
Elle sourit et continue.
— Tu veux de l'aide ? me demande-t-elle.
— Tu peux couper les pommes de terre, si tu veux.
— Qu'est-ce que tu comptes en faire ?
— Un simple gratin dauphinois.
— Tu as du courage.
— Tu te souviens ? C'est ce que papa nous avez enseignés en premier, lui dis-je.
— J'avais même fait cramer les pommes de terre.
— Je ne savais pas qu'il existait autant de noms d'oiseaux. S'il nous voyait maintenant, il en rigolerait, lui répondis-je.
Pendant que Marie coupe les pommes de terre, je mélange la crème fraîche et le lait. Nous mettons le tout dans un immense plat, que nous parsemons de gruyère râpé puis l'enfournons pendant un peu plus d'une heure à cent quatre-vingts degrés.
Quand cela est fait, nous retournons dans la salle avec le reste de la famille.
— Et si vous nous faisiez un petit duo, comme au bon vieux temps ? questionne ma belle-mère.
David et Nicole échangent un regard et je vois dans leurs yeux cette petite étincelle. Ils se lèvent et marchent en direction du piano.
Ils s'assoient sur le banc et se regardent. David commence à jouer et Nicole ne le lâche pas du regard pour le départ.
Oh, Boy
Combien de temps me reste-il?
Donne moi de la confiance en l'avenir
Oh, Girl
Combien de jours me reste t-il?
On restera tous les deux jusqu' au bout
Et plus le temps passe
Et plus j'ai peur
Qu'on perde notre place
Celle qui se trouve dans le cœur
Des autres
Le temps perd tout son charme
Tous les deux,
Nous voyons que le temps passe
Il nous faut cesser les larmes
Car la vie nous appartient
J'ai envie de demander au maître du temps
De nous dire ce qu'on allait devenir
Je veux vivre chaque moment
Profiter de chaque instant
Pourrait t-on un jour être libre?
Il est peut-être temps pour nous
De raviver le charme de la vie
Je n'ai plus une larme à offrir
Sans vous
On ne fait pas la différence
On profite, on respire
Dans le silence
Le temps me hante
Quand j'apprécie la vie
Et je me rends compte
Que c'est toi, qui va me manquer le plus
Et plus le temps passe
Et plus j'ai peur
Qu'on perde notre place
Celle qui se trouve dans le cœur
Des autres
Le temps perd tout son charme
Oh, Boy
Combien de temps nous reste-il?
Donne nous de la confiance en l'avenir
Oh, Girl
Combien de jours nous reste t-il?
On restera tous les deux jusqu' au bout
~ Point de vue Nicole ~
Sur la dernière note, je vois que David a les yeux illuminés.
Il se lève et me serre dans ses bras, pendant que je laisse couler quelques larmes sur mes joues et que les autres applaudissent.
Peu de temps après, John et Marie servent le plat et nous commençons à manger.
Le dîner se passe dans la joie et la bonne humeur. Tout le monde parle, rigole, mange, boit. Au moment du café, je vais prendre un peu l'air, avec une petite veste sur les épaules.
Je m’assoie sur les marches d'entrée et David me rejoint.
— Comment tu te sens? me demande-t-il.
— Très bien. Je pense que je vais bien dormir ce soir sauf si je suis dérangée par mes crevettes.
— Tu sais si ce sont des filles ou des petits gars?
— Le gynéco nous l'a dit lors de la dernière échographie … mais on veut garder le secret jusqu'au bout.
Je vois qu’il est un peu déçu mais il respecte notre choix. C’est sa plus grande qualité.
— J'ai vu que vous commenciez à chercher des prénoms?
— Oui. John voulait participer à la grossesse, alors je l'ai laissé choisir les prénoms et il s'est très bien débrouillé. Je suis contente.
— Ça se voit, me répond-t-il, avec le sourire.
Je le regarde sourire un instant puis je repense à la chanson de tout à l’heure.
— Pourquoi tu as choisi cette chanson tout à l’heure?
— Si je me souviens bien, c'est sur celle-ci que l'on s'était quitté. Alors, j'ai tout de suite pensé à celle-là pour les retrouvailles.
C’est vrai qu’en y repensant, c’est sur cette chanson qu’on s’entraînait ce jour-là dans le jardin. Cela me rend nostalgique. Le temps passe tellement vite.
— Tu as gardé une superbe voix, d'ailleurs.
— Toi aussi, lui dis-je.
Je mets ma tête sur son épaule et lui sur ma tête. Le silence nous accompagne au milieu de la nuit. Ca faisait longtemps que je rêvais d’un moment comme ça avec mon frère.
Erika nous rejoint dehors et nous interrompt.
— Il faut qu'on rentre, ta fille s'est endormie sur le canapé.
— J'arrive.
Ils nous disent au revoir et mon frère prend sa fille dans ses bras. Cela me fait tellement bizarre de le voir en tant que papa.
J'attends qu'ils referment le portail pour rentrer. En allant reposer mon verre dans la cuisine, je croise Marie.
— Pas trop fatiguée? me demande-t-elle.
— Un petit peu.
— Je peux? questionne-t-elle, en montrant mon ventre.
— Oui, vas-y.
Elle positionne sa main sur mon ventre et il se surélève. Les jumeaux se sont réveillés en sentant le contact de la main sur la peau.
— Tu les as sentis? lui demandais-je.
— Juste à peine. Dis, on se sent comment quand on est … enceinte?
— C’est très difficile à dire. Je suis très heureuse mais physiquement, c'est fatiguant. Pourquoi?
— Juste pour savoir, me répond-t-elle en retirant sa main.
— Toi aussi, tu es ...
— Non, je ne le suis pas.
Elle fuit mon regard et quand elle fait ça, en général c’est qu’elle essaie de me cacher quelque chose.
— Ça n'a pas fonctionné avec le chirurgien? questionnais-je.
— Ça aurait pu mais, je me suis rendue compte que j'attendais quelqu'un d'autre.
— Oh. Si c’était quelqu’un que je connaissais, tu me le dirais?
— Je préfère ne rien dire pour l'instant.
Ok … à moi l’interrogatoire.
— C’est une histoire interdite?
— On peut dire ça comme ça.
Je pense savoir de qui il s'agit mais j'ai besoin de plus d'informations.
— Ça fait combien de temps? interrogeais-je.
— Presque trois mois.
— Oh, c'est tout récent alors.
— Pas vraiment, dit-elle, avant de comprendre qu'elle en a peut-être trop dit.
— Ne t'inquiète pas, ça restera entre nous.
Tous les autres partent au fur et à mesure de la soirée. Il est plus de minuit lorsque la porte d'entrée se referme pour la dernière fois.
— Je croyais qu'ils allaient tous camper ici, dit John.
— Moi aussi. Et franchement, vous avez bien bossé.
— Tu n'as pas encore vu le premier.
— J'irai y faire un tour demain. C'est trop tard pour ce soir.
Il m'embrasse et me dit:
— Tu as fait quoi de ta journée?
— Massage pendant plus d'une heure. C'était … vraiment très agréable et ma mère s'est même endormie sur la table. Ensuite, manucure et pédicure. Puis, on est allé manger et on s'est fait un ciné pour finir la journée.
— Chouchoutée toute la journée, quoi.
— Exactement mais c'est quand même épuisant.
Il fait semblant de réfléchir pendant un moment puis me regarde.
— Donc, pour le câlin que tu m'as clairement sous demandé tout à l'heure, c'est cuit?
— Je demande juste un report d'une journée, monsieur le juge. Ce ne serait pas juste que tu fasses tout le boulot, lui répondis-je en l'embrassant.
— Si tu me prends par les sentiments, je ne peux que m'incliner. Le report est accordé.
Arrivés dans la chambre du rez-de-chaussée, nous tombons comme des masses. Le lendemain matin, quand nous nous réveillons, il est déjà midi et demi. Jamais je n’aurais cru dormir autant.
— Est-ce que tu vois la même heure que moi? demandais-je.
— Il est bien midi et demi. J'aimerais bien rester comme ça toute la journée.
— C'est beaucoup plus calme. On va vraiment pouvoir se reposer, lui dis-je, en essayant de me lever.
— Tu veux manger quoi?
— N'importe quoi. J'ai tellement faim que je pourrais manger le frigo entier, lui répondis-je, en sortant de la chambre.
En regardant autour de moi, je cherche la cuisine.
— Au fond, tout droit.
— Merci.
Je file dans la cuisine avec une simple chemise sur le dos. Pendant que j’essaie d’attraper les assiettes dans un placard qui sont en hauteur, John arrive dans la cuisine.
~ Point de vue John ~
Je m'appuie contre le rebord de l'encadrement de la porte de la cuisine et la regarde.
— Dis, tu pourrais venir m'aider au lieu de reluquer mes fesses.
— C'est toi qui me cherche.
Elle se retourne vers moi.
— Comme si tu avais besoin de ça.
Je viens sortir les assiettes du placard. A peine les ai-je posées sur le plan de travail que je place ma main sur sa joue et l'embrasse tout en déboutonnant sa chemise. Une heure après, nous nous relevons tant bien que mal, en cherchant mon pantalon.
— J'ai cru que j'allais mourir, dit Nicole.
— Tu étais en forme.
— C'est à cause des hormones. Si je te saute dessus à chaque fois que j’ai une envie câline, on meurt tous les deux.
A cet instant, quelqu'un frappe à la porte d'entrée. Nous nous regardons en nous demandant qui cela peut-il être.
— Continue à chercher, je vais voir qui c'est, me dit Nicole.
~ Point de vue Nicole ~
Je sors de la cuisine et vais voir.
— Bonjour, je sais que je n'ai pas prévenu mais j'ai oublié mon écharpe hier soir. me dit la mère de John.
Je m’écarte sur le côté et la laisse passer. Tiens donc, comme par hasard elle a “oublié“ son écharpe.
— Mon chéri, c'est ta mère, lançais-je à John, qui vient tout juste de se redresser.
— Bonjour maman. Reste où tu es, lui dit-il.
Elle se stoppe d’un coup net et fronce un peu les sourcils.
— Je ne peux pas t’embrasser?
— De loin. Je crois que j'ai chopé un rhume ou quelque chose, ment-il.
Vu la tête qu’elle fait, je ne suis pas sûre et certaine qu’elle le croit.
— Tu n'aurais pas vu une écharpe, par hasard? lui demande t-elle, en ayant toujours les sourcils froncés.
— Sur le canapé, je crois.
Elle le regarde bizarrement et va dans le salon.
— Tu l'as retrouvé? lui demandais-je, en chuchotant.
— Non. Tu l'as jeté où?
— J'en sais rien.
La mère de John revient dans la cuisine avec son écharpe à la main.
— Vous me semblez bien étrange aujourd'hui. Vous allez bien?
— Tout va très bien.
— Bon bah, à la prochaine, alors, nous dit-elle.
Elle sort de la cuisine et rejoint sa voiture.
— Tu ne trouves pas que ça sent le brûlé? demandais-je.
John se retourne et son regard se porte sur le four.
— Tu l'as jeté dans le four? questionne t-il.
Il arrête le four et attrape une pince pour y sortir son pantalon. Il est en très mauvais état, brûlé à plusieurs endroits et est tout déformé.
— Le point positif, c'est que le four fonctionne. Mais là … tu peux mettre cette chose à la poubelle, lui dis-je.
— Très amusant. Tu me dois un pantalon.
— Tu es autant responsable que moi. Tu m'as sauté dessus.
— Tu m'as cherché.
— Comme si tu avais besoin de ça. Et puis … c'est toi qui a voulu faire ça dans la cuisine.
Il pointe son doigt vers moi.
— J'arriverais à t'avoir un jour ou l'autre, me dit-il.
Il part prendre une douche pendant que je prépare le repas. Je sors les petits pois du congélateur ainsi que les cordons bleus et commence à les faire cuire. En ce moment je ne suis pas trop fan des plats qui ne sont pas gras, allez savoir pourquoi.
Une demie-heure plus tard, je sers le repas dans les assiettes et mets la table, quand John arrive.
— Tu as déjà servi? me demande t-il.
— Tu n'as plus qu'à mettre les pieds sous la table.
Il rigole et s'assoit.
— Tu veux qu'on fasse quoi cette après-midi? interroge t-il.
— Si on pouvait rester tranquille avant de reprendre le boulot, ça serait bien.
— Bonne idée. On fait quoi?
— Tu me fais visiter le premier étage. Puis, on pourrait commencer à voir comment on va faire la chambre des jumeaux.
— Déjà, on va manger et ensuite, on fera ce que tu voudras.
Je m'installe et nous commençons à manger. Il n'y a plus aucun bruit.
— Et si on prenait quelqu'un pour faire le ménage? questionne t-il.
— Pourquoi faire?
— Le ménage. Tu ne peux plus faire un effort sans être essoufflée, et quand je rentre le soir, je suis claqué.
— Je peux le faire en plusieurs fois.
— Tu vas être fatiguée.
— Ah, ça va, j'ai compris.
— Compris quoi?
— Tu ne veux pas que je sois seule en cas de problème.
— Tu arrives toujours à comprendre mes sous-entendus.
— C'est ça, paie toi ma tête.
Il se lève et débarrasse la table pendant que je l'essuie. Il range toute la vaisselle dans le lave-vaisselle après l'avoir vidé et remplacée par celle de midi.
— On peut y aller si tu veux. me dit-il.
Il commence à monter les escaliers et je le suis derrière. Il me montre la seconde suite parentale et je vois qu'il a déjà installé nos vêtements dans le dressing ainsi que le nécessaire à toilette dans la salle d'eau.
— J'avais pensé monter le lit et le meuble du bas dans cette chambre par la suite.
Il me montre ensuite la troisième salle de bain qui est également aménagée avec du nécessaire à toilette.
— On pourrait la garder pour les enfants, avec les tables à langer et toutes les choses nécessaires.
— Tu m'as enlevée les mots de la bouche.
Il m’emmène dans la chambre d'à côté qui est vide.
— Et si on faisait de cette pièce une chambre d’ami? suggérais-je.
— Très bonne idée. Va falloir la meubler aussi.
— On verra au fil du temps.
Et enfin, il me fait voir la chambre des jumeaux.
— Va falloir les meubler aussi, mais on peut faire beaucoup avec ces chambres.
— Qu'est-ce qu'il y a dans ces cartons? demandais-je.
— Nos mamans ont déposé des cartons de vêtements pour les jumeaux et on les a posés dedans.
En effet, dans la dernière chambre, il y a également d'autres cartons de vêtements. En redescendant, je comprends qu'il y a encore beaucoup à faire à l'étage. Je prends l'ordinateur et vais m'installer dans le salon. John s'assoit à côté de moi, et nous commençons nos recherches.
— On commence par quoi? me demande t-il.
— Par ce qu'on trouve en premier. Tiens regarde, il y a des landaus.
— Ils sont très gros et très chers.
— Comme les autres et pense qu'il nous faut tout en double.
Il me regarde.
— Et c'est à ce moment qu'on dit qu'on a trop bien fait les choses.
— Tu as trop bien fait les choses. Si tu avais calmé tes ardeurs, on n‘en serait pas là. lui dis-je, en rigolant.
— Pour une fois.
— Maintenant, il faudrait qu'on trouve la place pour les mettre.
— Tu crois qu'il y a assez de place dans l’entrée? me demande t-il.
— Tu parles de la place qu'il y a entre l'escalier et le mur?
— Oui.
— Je pense que ça peut aller. Va pour l'entrée, alors.
Je les insére à la commande et nous poursuivons.
— Pour les chambres, tu veux qu'on les repeigne ou on les laisse comme ça?
— Tu veux les repeindre de quelle couleur? lui demandais-je.
Il réfléchit un moment puis me répond.
— Bah, j'aurais bien vu un rose pastel et un mauve pastel avec une frise au milieu afin de marquer la séparation pour la chambre de Charlotte et pour Lucas, je verrais bien une nuance bleue et gris pastel avec une frise.
— J'ignorais que tu avais une bonne imagination concernant la peinture et la couleur.
— Pour ma famille, je suis prêt à tout.
— Je vois, je vois. Sinon, on prend quoi en meubles?
— Ceux-là semblent parfaits. me répond-il, en me montrant les lits à barreaux.
— C'est vrai qu'ils sont pas mal. On les prend alors?
— Ouais, vas-y.
Je les insére à la commande et continue avec le reste. Nous terminons la commande vers 18h30.
— Ça va nous les faire arriver quand? interroge t-il.
— Vendredi dans la journée.
— J'irai chercher la peinture dans la semaine et je m'y mettrai le week-end prochain.
— D'accord. Et maintenant, on fait quoi? demandais-je, en posant l'ordinateur sur la table basse.
— On a qu'à se faire un plateau-repas devant un bon film.
— Excellente idée.
— Tu sors les pommes de terre, je m'occupe de la salade, suggére John.
— Bien monsieur le commissaire.
Je me lève et nous nous rendons à la cuisine. Je prends le tabouret, les patates et les épluche puis allume la friteuse. John prend un saladier et le pose sur le plan de travail. Je commence à mettre les pommes de terre dans la friteuse et sors les steaks hachés. John a sorti la salade et l'a passé sous l'eau pour la nettoyer puis l'essore.
— On a pensé à la même chose, on dirait.
— Tant mieux. lui dis-je, en faisant la vinaigrette.
Une fois que les pommes de terres sont cuites, je les ajoute à la salade et mélange.
John prend les assiettes et va mettre la table dans le salon pendant que j’apporte le saladier.
— Tu veux regarder quoi? me demande John.
— Oh, ce que tu veux. Cette fois c'est toi qui décide.
— Marie a ramené un DVD quand elle est venue hier soir. Tu veux regarder?
— Qu'est-ce que c’est?
Il me montre le boîtier.
— J'en ai entendu parler. Il est plutôt bien. dis-je.
Il met le DVD dans le lecteur et vient s'asseoir pendant que je nous sers. Le film commence et nous mangeons. Le film s'arrête vers 22h15 et le salon devient noir.
— Pas trop mal finalement. Ça fait bizarre de voir toutes les scènes par les yeux d'une autre personne.
— Ça nous fait voir les choses différemment, c'est sûr, lui dis-je.
Le lendemain matin, le réveil nous ramène à la réalité. Il sonne 06h00 mais aucun de nous ne veut se lever.
— Je me lève si tu te lèves, lui dis-je.
— Personne ne va se lever, dans ce cas.
— Tant pis. Tu n'es même pas allé courir?
— Trop la flemme, me répond t-il.
— Ça fait trois jours, quand même. Avec tout ce que tu as mangé, ça va se ressentir.
— C'est censé me rassurer, ça?
— Te remotiver.
— Et toi alors?
— Moi, j'ai une bonne raison. J'ai le droit de m’empiffrer comme je veux.
— J'aimerais avoir ton piston.
— La prochaine fois, c'est toi qui te tape les nausées, le mal au dos, les contractions et l'accouchement.
— Aucun souci, lance t-il, en retirant les draps.
Il me regarde me débattre avec le lit pour me lever et vient à mon secours.
— Tu veux aller à la salle de bain d'abord ou tu veux manger? me demande t-il.
— La salle de bain d'abord mais tu as la charge de préparer le petit déjeuner.
Je vais me laver en prenant mes affaires au passage pendant que John va à la cuisine afin de préparer le petit déjeuner.
Une demi-heure plus tard, je le rejoins. Il finit son café et part à la salle de bain pour se préparer. Le matin c’est un peu la course, on ne fait que se croiser jusqu’à ce qu’on monte dans la voiture pour aller bosser.
Il n'a rien oublié: bol de café, tartine au beurre avec la confiture à la framboise, le verre de jus d'orange et même le yaourt.
En revenant de la salle de bain, il parait en plein débat avec lui-même.
— Dis-moi, c'est ce soir qu'Evan vient?
C’est à ce moment que je me mets en mode bug … j’ai osé oublié Evan. J’ai honte de moi.
— Tu avais oublié ce pauvre petit bonhomme?
— Arrête de me regarder comme ça, tu vas me faire culpabiliser, lui répondis-je.
Durant tout le trajet, il ne cesse de me charrier. Ce n'est qu'une fois arrivés au commissariat, qu'il arrête. A vrai dire, si la situation était inversée, je l’aurai tout autant charrié.
Il vérifie qu'il n'a reçu aucun courrier durant le week-end et va dans son bureau.
Je commence à m'installer dans le mien quand Greg arrive. Il semble hésiter.
— Je peux t’aider?
— Peut-être, me répond-t-il, en s'asseyant sur une des chaises devant lui.
Il réfléchit un moment puis s'élance.
— Tu pourrais me conseiller?
— Si tu pouvais m'expliquer un peu plus ce que tu veux dire par là, ça m'arrangerait.
— Natasha a dit à son père qu'elle voyait quelqu'un, que c'était sérieux et tout ça.
— Jusque là, tout va bien. dis-je.
— Il a demandé si c'était quelqu'un du bureau et je crois qu'il ne va pas apprécier du tout, en sachant que c'est moi.
Ouais pour le coup, je suis d’accord avec lui … Stéph risque fortement de ne pas apprécier du tout.
— Et Natasha, elle dit quoi?
— Elle m'a assuré que ça se passerait bien mais je ne suis pas aussi sûr qu'elle.
Et tu as bien raison de ne pas être aussi sûr qu’elle.
— Pourquoi tu viens me voir?
— Tu es sortie avec lui, tu sais mieux que personne comment il fonctionne, et tu es la seule qui pourrait me permettre de garder ma place, ajoute Greg.
J’adore quand on me passe la brosse comme ça … surtout quand c’est à peine déguisé.
— Déjà, il faut que je sache exactement ce que Natasha lui a dit?
— Je sais qu'elle lui a donné mon âge, qu'elle lui a fait mon éloge mais, il n'était pas content du tout.
— Mon père a réagi de la même façon que Stéph ... commençais-je.
— Oui mais le rapport d'âge …
— La première fois que je l'ai ramené à la maison en tant que petit ami, il l'a fait dormir sur le canapé durant les trois jours et mon père est resté dans le couloir à guetter.
— Ça ne m'aide pas vraiment à relativiser les choses, ça.
— Il en a tellement bavé pendant cette période qu'il ne fera pas la même chose avec toi.
— Même si à l'époque tu es tombée enceinte de lui? demande Greg.
Mon sourire tombe en une seconde. Comment est-il au courant de ça?
— Natasha m'en a touché un mot et il y a eu le jour où Matt a trouvé la photo dans un des tiroirs de son bureau, avoue Greg.
— Si … si tu veux que je te rassure, ne pose pas ce genre de questions.
— Et s'il pose la question fatidique?
— Pardon?
— Imagine s'il veut savoir si elle et moi, on ...
— Oh mais, il va te poser la question. Ne t'inquiète pas pour ça, lui dis-je.
— Je lui dis quoi?
— Je te conseille de lui dire la vérité … il est très fort pour déceler le mensonge.
— Et si jamais je lui dis non même si on le fait? me demande t-il.
— C'est tordu comme question. Pourquoi tu veux lui répondre ça?
— Comme ça, on évitera les autres questions. me répond t-il.
En entendant sa réponse, j’éclate de rire.
— Évite de lui monter un bateau. Il va le voir arriver à des kilomètres à la ronde.
— Je suis dans la merde.
— Si tu suis ce que je t'ai dit, tout ira bien pour toi. Ah oui, une dernière chose.
Tout à coup, son visage se raidit.
— Ne couche pas avec sa fille sous son toit. C'est la première règle à respecter.
— Ça devrait aller, alors.
— C'est pour quand le repas?
— Vendredi, normalement. Je dois ramener quoi? Je ne me vois pas me pointer avec une bouteille.
— Déjà tu vas ramener des fleurs pour Natasha ensuite tu peux prendre le dessert. Ça passera.
— Si ce n'est pas bon, je lui dirais que c'est toi qui m'a conseillé.
— Si tu veux. Et je sais que c‘est facile à dire mais détends-toi un peu.
J'attends qu'il soit sorti de mon bureau pour rigoler. Je finis de m'installer et vais sur l'ordinateur quand je suis interpellée une nouvelle fois.
— Bonjour, je cherche le Commandant Bernard?
— Oui, c’est moi. En quoi puis-je vous aider?
— Votre collègue à l'accueil m'a dit de voir avec vous pour ma plainte.
— Asseyez-vous. Vous voulez un café?
— Je veux bien.
J'appelle Matt qui vient juste de passer. Oh l’avantage d’avoir un stagiaire … J’avoue que par moment j’en abuse un peu c’est vrai … Mais qui ne le fait pas?
— Tu peux nous faire deux cafés, s'il te plaît?
— Noirs, les cafés?
Je regarde la dame qui hoche la tête.
— Oui.
— C'est parti, dit-il en allant les faire.
— En attendant, nous allons commencer, dis-je.
J'ouvre le logiciel sur l'ordinateur.
— Il me faudrait votre nom et prénom, s’il vous plaît.
— Léa Dupré.
— Statut familial?
— Divorcée.
— Le motif de votre plainte?
— Tapage nocturne. J'en ai discuté plusieurs fois avec la personne concernée et elle n'a jamais rien fait pour arranger la situation. Le bruit empêche mon fils de dormir et ça devient plus que gênant.
— Votre fils a quel âge?
— Quatre ans. Je suis mère célibataire.
— D'accord. Il me faudrait l'identité de la personne contre laquelle vous portez plainte.
— Il s'appelle Thomas Demy.
Matt entre dans le bureau et pose les cafés sur le bureau.
— Léa?
— Bonjour Matt.
— Qu'est-ce que tu fais là?
— Je dépose une plainte, lui répond t-elle.
— Vous vous connaissez? leur demandais-je.
— C'est mon ex-femme.
— Ah, c'est vous la fameuse Léa. Il ne m'a dit que du bien de vous.
— C'est pour quoi ta plainte? Benji va bien? interroge Matt.
— Ton fils va très bien. C'est juste que mon voisin ne cesse de nous importuner avec ses bruits sonores. Je suis allée le voir plus d'une fois mais il ne veut rien entendre, alors j'utilise les grands moyens.
— Pourquoi tu n'es pas venue me voir?
— Matt, s’il te plaît ... commençais-je.
Il lève la main pour me faire taire et Léa lui répond. Alors là, on ne me l’a jamais faite celle-là.
— Ce n'est pas à toi de gérer mes problèmes de voisinage.
— Mon fils est victime de ces problèmes.
— Je règle mes problèmes comme je l'entends et si ça ne suffit pas, tu interviendras.
Exaspéré, il sort du bureau.
— Je ne voudrais pas vous paraître désagréable, mais vous auriez pu y aller moins fort.
— Il veut toujours tout faire et il ne s'occupe pas de lui.
— C'est pour ça que vous avez divorcé? demandais-je.
— Je ne suis pas venue ici pour discuter de ça. Vous avez tout ce qu'il vous faut?
— Je pense que oui. Je vais convoquer monsieur Demy pour avoir sa version et je vous tiens au courant.
— Merci Commandant. Bonne journée, me dit-elle.
— Bonne journée, madame Dupré.
Elle sort du commissariat après l'avoir raccompagnée.
— Où est Matt? demandais-je.
— Il est sorti, me répond Alex.
— Pour aller où?
— Aucune idée.
Je prends mon téléphone et compose son numéro. J‘espère qu’il va me répondre sinon je le géolocalise.
— Oui, commandant.
— Où est-ce que tu es? lui demandais-je.
— Dehors.
— Ne joue pas sur les mots.
— Je vais aller voir le voisin de mon ex-femme.
— Ce n'est pas à toi de gérer ça et ce n'est pas comme ça que tu régleras son problème.
— Qu'est-ce que tu en sais?
— Tu reviens au bureau s’il te plait, il faut respecter la procédure. Il faut que je t'explique quelque chose que ton ex-femme m’a dite.
Je retourne m'asseoir et l'attends patiemment. Il arrive un quart d'heure après. Il a vraiment de la chance que je sois enceinte sinon je serai allée le chercher moi-même.
— Quoi? demande t-il, en s'asseyant.
— Elle est toujours amoureuse de toi.
— Qui?
— A ton avis? Léa, bien sûr.
— Ça m'étonnerais. C’est elle qui a demandé le divorce, dit Matt.
— Moi, je te dis qu'elle t'aime toujours.
— Et à quoi tu le vois?
— Y‘a des choses qui ne trompent pas.
— Et?
— Je sais que tu ressens encore quelque chose pour elle, lui répondis-je.
— C'est la mère de mon fils, c'est normal.
— Je ne te parle pas de ça. Ça s'est vu quand tu l'as regardée.
— Qu'est-ce que ça t’apporte de savoir ça?
— Moi rien. Mais toi, tu as encore une chance avec elle et si tu ne fais pas attention, tu vas tout gâcher.
— Que ...
— Cherche pas à comprendre … Tu retournes à ton bureau et tu te remets à bosser.
Il sort de mon bureau, un peu perplexe.
~ Point de vue Matt ~
Comment ça je vais tout gâcher si je ne fais pas attention? Je dois faire attention à quoi?
— Qu'est-ce qu'elle te voulait? Me demande Alex.
— Elle m'a dit que j'avais encore une chance avec mon ex-femme.
— Hein?
— Apparemment, c'est elle qui lui a fait comprendre quand elle est venue déposer sa plainte, répondis-je.
— Ah, la belle brune, c'est ta femme?
— Ex-femme, oui.
— Bah, mon vieux, tu t'emmerdes pas.
— C'est ce que je me suis dis jusqu'à ce qu'elle demande le divorce.
— Les femmes sont trop compliquées pour nous.
Nous rigolons au moins dix bonnes minutes, avant de nous remettre au boulot.
~ Point de vue Nicole ~
— Tu peux m'emmener à l’hôpital? demandais-je à John, après être entrée dans son bureau.
— Pourquoi? Il y a un problème? interroge t-il, inquiet.
— Non. Je … je voudrais aller voir Stéphane.
Je vois à son faciès qu’il est à la fois soulagé et surpris.
— OK. On va y aller.
Il prend sa veste et me conduit à la chambre qu'occupe Stéph. Sur le chemin, il n’a cessé de me caresser la jambe pour me rassurer. C’est vrai que je ne suis pas très à l’aise avec les hôpitaux depuis des années mais il faut que j’aille voir Stéph et qu’on ait une explication sur ce qui s’est passé. Je n’aurai jamais dû désobéir à l’ordre que m’avait donné Eric mais sauver l’homme de ma vie a été le sentiment le plus important pour moi à ce moment là.
En arrivant devant sa chambre, nous pouvons voir l'équipe médicale en train d'effectuer le lever de Stéph pour l'installer au fauteuil.
Je n’entends même pas la soignante qui nous parle. Je laisse John répondre et je contemple Stéph à travers la baie vitrée.
— Les visites sont interdites avant midi, nous dit une aide-soignante.
— On vient juste d'arriver. Nous venons de loin, ment John.
J’entends John comme s’il était loin de moi, négocier avec la soignante qui ne semble pas être très contente que nous soyons là. Je finis par revenir un peu dans la réalité au moment où elle accepte notre visite matinale.
— Merci.
Je la vois retourner dans la chambre pour prévenir Stéph qu'il a de la visite.
— Je vais te laisser, je dois retourner au bureau, me dit John.
Hein? Mais non, tu ne peux pas me laisser seule ici, dans cette hôpital.
— Tu ne peux pas me laisser toute seule. Et si j’ai envie de le frapper?
— Tu te contrôles. J'ai confiance, tu vas y arriver, me répond-t-il, après avoir mis ses mains sur mes joues.
Il m'embrasse et attend que j'entre dans la chambre avant de partir. J'ai encore du mal avec les hôpitaux mais il faut que je surmonte ça.
— Bon allez. Je ne dois pas me dégonfler encore une fois. Il faut que je prenne sur moi, pensais-je à haute voix.
Je me tords les doigts dans tous les sens et regarde derrière moi. John est toujours là et attend, les bras croisés. Il me fait un sourire d'encouragement. Il a confiance en moi et je ne peux pas le décevoir.
J'hésite encore un moment puis entre.
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