Michelle
Carmen était seule dans le salon, Charly et les enfants ne rentreraient pas avant dix-huit heures, ce qui lui laissait du temps pour utiliser le portable offert par sa sœur. Elle l’admira un instant avant d’appeler André son père qui vivait désormais en maison de retraite. Par erreur, elle composa un ancien numéro de téléphone, celui du temps où ses parents vivaient encore ensemble dans la grande maison près du canal.
S’apercevant de son étourderie, elle allait raccrocher quand une voix familière lui répondit.
- Allo…Michelle MASSON à l’appareil, que puis-je faire pour vous ?
Cette voix, ces intonations, ce nom, c’était sa mère et sa façon originale et particulière de répondre au téléphone mais pourtant c’était impossible puisqu’elle était morte.
- Excusez-moi…c’est une erreur… bredouilla-t-elle.
- Carmen ?...c’est toi ?...quelque chose ne vas pas ?...Tu as l’air bizarre…Heu… je t’ai appelé hier mais Mario m’a dit que tu étais sortie alors bon anniversaire ma chérie avec un jour de retard, déjà vingt et un ans, que le temps passe vite, j’ai l’impression que c’était hier que…
Carmen coupa brutalement la communication, Léonie était vraiment cruelle de plaisanter sur un sujet aussi sensible en se faisant passer pour sa mère alors qu’il lui avait fallu tant d’années pour oublier l’horrible accident. L’esprit embrumé de colère elle se lança dans la préparation du repas mais sans arriver à se concentrer sur son travail. Dans sa tête, passait et repassait inlassablement la conversation qu’elle venait d’avoir et à présent elle regrettait d’avoir raccroché.
Et si par un phénomène inexplicable elle avait vraiment parlé avec sa défunte mère ? Elle aurait alors pu modifier le cours du temps et sauver Michelle ?
Son impulsivité qui était un atout dans son travail venait cette fois-ci de tout gâcher. Mais il restait peut-être encore un espoir.
Elle saisit son téléphone et appuya sur la touche « bis », une voix mécanique l’informa que le numéro composé n’était plus attribué. Désespérée, elle laissa tomber le portable sur le canapé où elle se roula en boule en essayant de chasser ses idées sombres.
Charly et les enfants trouvèrent Carmen prostrée sur le canapé du salon, elle leur raconta une histoire à dormir debout d’une communication téléphonique avec Michelle MASSON leur défunte grand-mère.
Son comportement étrange et obstiné inquiéta Charly qui lui proposa de faire un nouvel essai en appuyant sur la touche « bis » du portable.
Le visage de Carmen s’illumina quand retentit la voix si caractéristique qu’elle croyait ne plus jamais entendre.
- Allo…Michelle MASSON à l’appareil, que puis-je faire pour vous ?
Elle hésita un moment cherchant ses mots, elle, la femme forte et autoritaire qui dirigeait et commandait le commissariat de la ville, se sentait en ce moment comme une petite fille pour son premier jour d’école, seule et intimidée, ne sachant que dire.
- Allo…Maman…c’est Carmen.
- Ça va ma chérie ?
- Oui…, super... J’ai besoin que tu me rendes un service.
- Bien sûr, avec plaisir, qu’est-ce que je peux faire pour toi ?
- Pourrais-tu me préparer ton fameux gâteau au chocolat et me le porter à la maison la semaine prochaine ? mais… c’est une demande un peu spéciale… il faut absolument me le porter mercredi 03 mai à dix-sept heures très exactement… Tu t’en souviendras ?
- Tu es bien mystérieuse… Mais, oui, je m’en souviendrais, j’ai encore toute ma tête tu sais… Mais je viendrais plutôt à seize heures ? je dois aller chercher André à la gare. J’espère que ça ne te pose pas de problème.
- Non ! hurla Carmen au téléphone.
Il fallait vraiment qu’elle se calme elle ne devait surtout pas affoler sa mère. Elle respira lentement pour faire baisser la tension qui l’habitait, et réfléchit rapidement avant de trouver une réponse cohérente et plausible. Elle reprit alors d’une voix adoucie et posée.
- Il faut vraiment que tu viennes à dix-sept heures parce que… je ne serais pas chez moi ni avant ni après.
- Ok, je vois que c’est important pour toi, Léonie ira à la gare à ma place. A mercredi alors ! Bisous ma chérie.
- Bisous maman.
Carmen raccrocha en tremblant espérant de tout son cœur que son plan fonctionnerait et qu’elle avait vraiment le pouvoir de modifier le passé. Charly regarda sa femme avec une lueur étrange dans le regard sans comprendre ce qui venait de se passer.
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