# 1337 Extrait de dossier - Jour 8
Jour 8
Je crois que je commence à désespérer. C'était peut-être mieux quand le temps n'avait pas de durée. Avec le scripteur, j'étais persuadé que le jour de mon Choix allait arriver bientôt. Mais il ne se passe rien de plus qu'avant. Depuis combien de temps je suis là ? Cinq mois, un an, deux ans, trois, peut-être dix ?
J'ai fait quelque chose dont je ne me croyais pas capable. J'ai essayé de me couper la langue avec les dents. Peut-être qu'en me l'arrachant, je me serais vidé de mon sang et je serais mort.
Ils ne m'ont pas laissé faire. J'ai à peine commencé à ressentir une forte douleur que je me suis évanoui. Ou plutôt endormi. Ils m'ont administré un sédatif. Je n'ai vu personne. Et étant donné la taille de ma cellule, c'est qu'il n'y avait personne. Je n'ai même pas vu le robot sortir du plafond. C'est sans doute grâce à l'espèce de combinaison-peau que je porte. Impossible de la retirer. Je l'ai depuis toujours. Enfin, depuis que je suis ici. Après tout, ce n'est pas la première fois. J'aurais dû m'en douter…
Avant ça, j'ai essayé de m'accrocher au robot, lorsqu'il sort du plafond. Pour la énième fois, j'ai essayé. Mais toujours la même chose. Une décharge électrique qui me fait lâcher prise aussitôt. Je m'écrase sur le sol mou, sans me blesser. Enfin, sans compter cette saloperie de courant électrique qui me parcourt le corps. Je me suis pissé dessus. Comme les autres fois. Mais ça ne change pas de d'habitude, puisque je ne peux pas retirer la seconde peau. Ça se trouve, l'eau qu'ils me filent, c'est ma propre pisse qu'ils recyclent je ne sais comment. Je ne sais pas comment ils font. Elle n'est pourtant reliée à rien.
Bref, je me suis pissé dessus et endormi aussitôt. La combinaison a dû prendre la décharge pour une tentative de suicide. Ils ne sont pas idiots. Ça fait mal, mais je n'en crèverai surement pas. J'ai bien essayé. Deux fois, trois fois, des dizaines de fois de suite. À part une sensation d'engourdissement, rien. Je m'endors, me réveille, et recommence. Ils ont vraiment pensé à tout, ces enfoirés de bureaucrates. Ou ces enfoirés d'ingénieurs, pour le coup. Les bureaucrates, ils se contentent de rester le cul vissé sur leur chaise et de surveiller, de gérer la paperasse. C'est tout. Les vrais sadiques dans l'histoire, ce sont bien les mecs qui ont inventé un système pareil.
Il faut dire que la criminalité est le principal enjeu de notre époque. Soyez l'auteur d'un crime grave et vous vous retrouverez dans la même situation que moi. Sauf que moi, je n'ai jamais rien fait. Normalement, les choses ne se passent pas comme ça. Je dois être victime d'une machination. Quand même, je ne comprends pas pourquoi ils sont allés aussi loin. Peut-être que je représentais un danger sans le savoir ? Qu’est-ce que j’ai bien pu faire ? Anna le sait, que je n’ai jamais rien fait. Alors pourquoi je suis là ? Pourquoi est-ce qu’elle ne prend pas ma défense ?
À la limite, ils auraient dû m'injecter leur cocktail de neurotransmetteurs sans m'envoyer ici. C'est ce qu'ils font pour les dangers mineurs. Une petite leucotomie chimique, et retour à la civilisation. Bon, c'est vrai qu'ils ont l'air un peu abrutis après, ceux qui reçoivent l'injection. Mais au moins ils ne croupissent pas sous la surface. Au moins, ils n'ont pas à servir de cobaye avant de recevoir le cocktail. De toute façon, on passe tous par là un jour ou l'autre. Sauf pour les meilleurs d'entre nous. Les meilleurs, ou les plus influents.
Tiens, c'est injuste ça d'ailleurs. Ceux qui font partie des Hauteurs n'ont jamais été coupables de quoi que ce soit. Ou plutôt, inculpés de quoi que ce soit. Peut-être qu'ils n'ont jamais rien fait après tout. On devrait tous prendre exemple sur eux. Pourtant, personne ne peut jamais se hisser là-haut, à moins d'y être né. Enfin, je crois. Ce n'est pas mon univers tout ça. Je me contentais de mes plantes. De mes plantes et d'Anna.
Et maintenant, je n'ai plus rien.
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