# 1337 Extrait de dossier - Jour 26
Jour 26
Je n'arrive pas vraiment à dormir, au final. Mon cœur bat trop vite, beaucoup trop vite. Je ne suis pas assez calme pour sombrer dans le sommeil. Comment je vais pouvoir faire pour occuper le peu de temps qu'il me reste ? Peu de temps, tout est relatif. Deux jours standards pour eux, ça équivaut peut-être à cinq ans pour moi. On n'en sait rien.
Ces enfoirés ne mettent même plus de bouquin sur la tablette. Je n'ai plus rien à lire. Je n'ai rien d'autre à faire que de penser, penser, penser. Je ne peux pas me changer l'esprit. Je ne peux ni m'évader en lisant, ni en rêvant. Je suis prisonnier de moi-même. La seule chose que je peux faire, c'est continuer de lire les paroles de ce satané robot. Lire encore et encore le fait que je vais me faire castrer comme un putain d'animal. Lire les accusations immondes et infondées dont je suis victime.
Réfléchis, Pablo. Tu dois être capable de savoir qui t'en veut à ce point. Si tu te retrouves ici, c'est forcément de la faute de quelqu'un que tu connais. Ils n'auraient pas pu te coincer comme ça s'ils ne connaissaient pas tout de toi. Mais je ne connaissais personne. Personne suffisamment. Les richards qui passaient de temps à autre dans la boutique ne restaient jamais plus de quelques minutes. Ils prenaient leur plante, et partaient aussitôt. Je voyais bien leur regard méprisant quand j'avais le malheur de les regarder dans les yeux.
Alors... Anna ? Anna m'aurait tendu un piège ? Non, je ne peux pas y croire. Elle m'aime, Anna. Elle n'aurait jamais fait une chose pareille. Mais dans ce cas, où est-elle ? Anna, bon sang, tu ne peux pas leur dire ? Tu n'auras donc jamais rien fait pour moi ? Anna, je t’en supplie…
Qu'on en finisse ! Qu'on en finisse ! Arrêtez de me torturer ! Qu'est-ce qui ne va pas chez eux ? Comment peuvent-ils infliger ça à quelqu'un ? A un innocent en plus. Ces gens sont fous. Notre société entière est folle. Sinon, le Département de la Sauvegarde des Mœurs n'aurait jamais vu le jour. C'est bien parce que l'humanité a perdu la tête qu'on en est là. Je suis victime de la folie de la société. Je suis le seul sain d'esprit, c'est pour ça qu'ils veulent en finir avec moi. Les expériences, ce n'est que du flan. Une mise en scène pour me tuer légalement. Si ce n'était pas le cas, ils feraient l'injection à tout le monde dès la naissance. On n'a pas besoin de baiser pour faire des gosses, de toute façon. On a la fécondation in vitro. Tout le monde choisit de faire des enfants comme ça, maintenant. Les bonnes femmes refusent de porter un parasite dans le ventre pendant neuf mois. Je peux les comprendre. C'est barbare, comme pratique. Quand on voit ce que les femmes ont enduré jusqu'à la fin du 21ème, tout ça pour avoir des chiards. Ça me donne des frissons, tiens.
Cela dit, je ne dirais pas non pour tirer un coup. Dieu, ça fait si longtemps que je n'ai pas baisé... Mais avant Anna, je n'en avais pas besoin, de toute façon. Il n'y avait qu'elle. Les autres, toutes des ordures. Avec leurs implants, leurs tendeurs de peau, leurs cheveux synthétiques. De vrais monstres de foire, les femmes de nos jours.
Et les hommes, ce n'est pas mieux. Il n'y a qu'à les voir avec leurs fausses dents blanches taillées en pointes, leurs pommettes saillantes complètement trafiquées et leurs mains parfaites. Parfaitement trafiquées, ouais. Ils n'ont même plus une once de chair à eux.
Saloperie d'humanité. Qu'on me laisse sortir. Qu'on me tue. Quand cesserez-vous enfin de me faire attendre ?
Annotations
Versions