Mise en abyme

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Bart Holson se pencha sur le corps inerte de l'italien. Il regarda sans émotion la tâche rouge qui s'étirait sur la poitrine de sa victime. Pourquoi aurait-il été troublé d'ailleurs ? C'était un cas de légitime défense et pourtant... Pourtant le détective avait un curieux sentiment. Ce n'était pas du remords ni de la peur. Non, il avait l'impression que quelqu'un le surveillait... Bart haussa les épaules. Aussi furtivement qu'elle était venue, la sensation s'évanouit. Le visage las, le détective alluma une cigarette, enfonça son chapeau sur sa tête et remontant le col de son imperméable, il disparut dans la nuit pluvieuse... Puis le générique de fin s'afficha à l'écran.
Le lieutenant Morris coupa aussitôt l'alimentation. Sur la base spatiale Artémis II, l'électricité était rationnée et il ne restait plus à Morris que deux heures d'autonomie. Après quoi la compagnie lui facturerait un supplément de consommation. L'homme soupira. Son salaire de pilote n'était pas assez élevé pour qu'il se permette ce genre de dépenses futiles. Il s'empara donc d'un digital book, un de ces livres électroniques qu'on trouvait dans toutes les spacio-gares et se plongea dans un bon vieux polar. Il venait à peine d'entamer le premier chapitre que l'écran du visiophone s'alluma. Avisant le logo qui identifiait son correspondant comme étant un membre des armées intercoloniales, Morris prit la communication. Le visage de son supérieur, le capitaine Keaton se matérialisa :
-Lieutenant Morris, dit-il, soyez prêt à décoller dans dix minutes, embarcadère nord. Trois navette de type Gaïa sont entrées dans le périmètre de sécurité et ont refusé de s'identifier. Vous irez à leur rencontre pour un vol de reconnaissance.
-Bien reçu capitaine. J'arrive immédiatement, répondit le lieutenant. Terminé !
L'écran redevint neutre et Morris s'empressa d'enfiler sa combinaison. Il était au comble de l'excitation. Ca faisait plus de deux mois qu'il n'avait pas piloté et encore était-ce juste un vol de routine.... Il était heureux qu'il se passe enfin quelque chose. C'était peut-être sa chance de montre ce qu'il savait faire ! Il fut à l'embarcadère bien avant les dix minutes qu'on lui avait imparties. Il salua le capitaine Keaton et ceux des autres pilotes qui étaient déjà arrivés. Comme le lui avait dit son supérieur, sa mission était simple... Ce qui ne signifiait pas pour autant qu'elle était sans risque. Il ne fallait pas oublier que les navettes Gaïa étaient utilisées par les peuples de nombreuses planètes, dont certains n'étaient même pas humains. Morris frémit à cette idée. Il n'avait encore jamais rencontré de EINH (Entité Intelligente Non humaine)... Dans le fond, c'était une expérience qui le tentait bien. Il se précipita donc dans sa propre navette, un rapide ARES cosmo-turbo et fut le premier à décoller. Les intrus, après avoir pénétré dans le périmètre de sécurité, n'avaient pas cherché à s'approcher davantage de l'ARTEMIS II. Ils s'étaient tout simplement placés en orbite autour de la base et avaient établi un troublant silence radio.
Conformément à la procédure, Morris tenta de les contacter. Sans succès. Il répugnait à l'idée d'ouvrir le feu sur eux, ainsi qu'il l'aurait dû. Aussi décida-t-il d'accoster la navette la plus proche afin de voir à quoi ressemblaient ses occupants. Mais tandis qu'il amorçait la manoeuvre, il fut saisi d'une étrange impression. C'était comme... une présence. Quelque chose ou quelqu'un qui se serait trouvé là avec lui et même à l'intérieur de lui. Quelqu'un qui notait chacun de ses gestes. Le lieutenant Morris soudain se raidit. Son ARES était tout près de la navette Gaïa à présent. Il se pencha sur son cockpit. Devant le hublot de l'appareil voisin, une créature s'agitait. Mon Dieu, c'était....
John se redressa et posa sa plume.Il contempla son oeuvre en silence. Dans la case, sur le papier, la bouche de ce brave lieutenant Morris béait de stupeur. Depuis deux ans maintenant, il dessinait les aventures du pilote. Son dernier album, "Panique sur l'ARTEMIS II" était en rupture de stock. Et lui même s'approchait de plus en plus de la gloire convoitée par tant d'auteurs. Sa vie aurait pu être parfaite s'il n'y avait eu sa petite amie, Carrie. Carrie et ses exigences... Il lui avait tout offert : son temps, son argent, son coeur. Puis il avait voulut lui donner aussi son nom et elle avait refusé. Alors pour la conquérir, il avait travaillé d'arrache-pied. S'il voulait qu'elle l'épouse, il devait atteindre le sommet. Il avait cessé de sortir. Il mangeait peu, ne dormait presque pas. Toute son énergie était focalisée sur son travail. Une clé tourna dans la serrure de la porte d'entrée et Carrie apparut. Elle avait l'air nerveux. John en l'embrassant nota son léger mouvement de recul. Il posa sur elle un regard interrogateur. La jeune femme pâlit.
-C'est fini, murmura-t-elle sans oser lever les yeux sur lui.
-Pardon ? fit-il abasourdi.
-Nous deux... c'est fini, répéta-t-elle en fixant le bout de ses pieds. Tiens, ajouta-telle en lui tendant la clé, je te la rends.
-Mais pourquoi ? s'écria le dessinateur. Qu'est-ce que tu me reproches ?
-Rien, répondit-elle en le regardant enfin. J'ai rencontré quelqu'un d'autre... Je suis désolée.
Anéanti, John la regarda passer la porte et disparaître de sa vie. C'est alors que cela arriva. Une drôle d'impression, le sentiment d'être observé.... comme si quelqu'un était tapi là dans un coin pour l'épier.
Je pose mon stylo et je soupire. C'est bizarre, ces derniers temps je me sens mal à l'aise. Où que je sois, quoi que je fasse, j'ai la sensation qu'on regarde par-dessus mon épaule. Mais le pire, c'est lorsque j'écris, comme en ce moment... comme si quelqu'un lisait les mots qui courent sous ma main.

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