Disloqué...

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"Je te déteste"

Ce sont les derniers mots que j’ai entendus de la bouche d'Antoine, mon petit ange de six ans. Mon fils, ma lumière, m’a quitté en laissant ces mots suspendus, tranchants, dans l’air. Depuis, ils me hantent, écho fragile qui ne cesse de résonner dans le vide qu’il a laissé.

Sous l'épaisseur de ma couette, je tremble doucement, mon visage enfoui contre Doudou-Lapin. Il me fixe de ses yeux usés, et je m’imagine qu’il partage ma tristesse. Peut-être n’est-ce qu’une illusion. Ce n’est, après tout, qu’un jouet... mais ce jouet a été son compagnon fidèle, son gardien silencieux à travers toutes les petites aventures de son enfance. La peluche, usée par le temps, dégageait une odeur autrefois désagréable, mais aujourd’hui, elle m’apaise. Une dernière trace de lui, de ce qui lui appartenait, comme une étreinte invisible.

Dans l’obscurité, je ferme les yeux, tentant de capturer le souvenir de l’éclat de sa voix, le son cristallin de ses rires. Mais plus j’essaie, plus ces souvenirs glissent, comme du sable fin, entre mes doigts impuissants. Déjà, le passé s'efface, se dissipe, et je suis terrorisée à l’idée de perdre ces réminiscences.

Ma gorge se noue, mais les larmes refusent de venir. Je les ai trop versées. Je suis sèche, vidée, mon corps ne connaît plus que l’engourdissement d’une douleur muette. Alors, d'une voix brisée, presque inaudible, je murmure :

  • Pourquoi... Par pitié, Seigneur, pourquoi m’avoir pris ce que j’avais de plus précieux ? Pourquoi lui avoir retiré la vie, emportant par la même occasion la mienne ? Mon âme est en ruine, et les seules paroles que je peux encore ressasser sont les paroles de haine qu'il m'a jeté après que je lui ai refusé un deuxième dessert…

C'était une dispute si futile, il n'aurait pas du mourir... Comment avais-je pu le laisser fuir dans le jardin... ? Comment aurais-je pu anticiper ce camion qui avait dévié de sa trajectoire ? J'aurais tant aimé lui dire à quel point je l'aime, à quel point je suis prête à lui donner mille desserts s'il le faut.

Son petit corps disloqué ensanglanté contre le gravier m'apparait en mémoire et un cri rauque s'échappe de ma gorge. Sa voix s'évade de mes souvenirs, mais pourtant je crois que jamais je n'oublierai sa mort. Son visage tordu d'horreur et de douleur.

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