Chapitre 9 : I Tirissé manu

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Passeurs d’âmes

Son corps flottait tel un enfant dans le ventre de sa mère, bercée par les ondulations d’un vent chaud qui la caressait. Une obscurité bienveillante l’entourait. Parfois, des volutes orangées dessinaient sur cette toile noire, des arabesques mouvantes. Elle aimait ces lignes courbes et fluides, montantes et descendantes. Un spectacle magique, hypnotique.

Cloitrée dans cet espace dimensionnel hermétique, une voix lui susurrait des paroles qu’elle comprenait à demi-mot. Mélange de sa langue maternelle et d’un dialecte qui, bien qu’inconnu, lui paraissait de plus en plus familier. Comme si son cœur en reconnaissait les paroles aussi fidèlement qu’un nouveau-né, pouvait identifier celles de sa mère.

Anagopta nitawa cante (écoute ton cœur)

Le timbre était grave et solennel. Elle en ignorait la provenance, mais devinait derrière ce message une intention généreuse, comme une dernière recommandation faite à un ami qui s’en va.

Puis, le voile se brouilla. Les traits s’estompèrent lentement dans la nuit pour laisser place à un nuage d’or au centre duquel une pierre luminescente tournait sur elle-même. Sa beauté et son aura étaient époustouflantes. Elle sentit son corps s’élever au plus près de ce soleil blanc. Des voix cristallines s’élevèrent pour entamer un chant mélodieux, caressant son âme et réchauffant son cœur. Elle n’en comprenait pas le sens, mais des larmes coulèrent au coin de ses yeux. Une infinie tristesse l’envahie. Une envie irrésistible de se laisser glisser l’entraînait à renoncer. Alors les voix s’accentuèrent résonnant comme un écho :

Ettulmé (viens à nous)

Enfin, le vent souffla plus fort au-dessus de sa tête. Elle ferma les yeux et les rouvrit. Une sphère pale se tenait devant elle, s’approchant lentement, menaçant de l’engloutir. Son rythme cardiaque s’accéléra, sa respiration devint plus forte, presque haletante. Elle ne pouvait plus bouger. La peur gagnait son corps et son esprit. Soudain, un bruit de klaxon retentit percutant ses tympans. Son corps s’arqua sous la douleur. Un cri sorti de sa gorge et déchira les ténèbres. Un crissement de pneus étouffa ses sanglots. Ses lèvres laissèrent s’échapper un nom : « Léo »

Alors, des mots graves résonnèrent de nouveau :

Iyacu Woglake (Reçois la parole)

De nouveau, la nuit, s’abattit sur elle. Une légère brise sécha ses larmes. Tout autour de son corps, des milliers de petites lumières se mirent à scintillées. Ses muscles se détendirent, la douleur disparut. Elle observait de nouveau les figures qui s’enchaînaient. Un chuchotement lui parvint :

Dors mon enfant

Elle s’entendit répondre : « Cénammë »

Puis son esprit sombra quand un loup se mit à hurler.

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