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L’aurore se reflétait sur la nappe opaque du fleuve. Le building qui hébergeait la banque brillait sur la surface de l’eau et les rayons du soleil dardaient quelques éclats.
Patrick Weiss tenait le volant d’une main et répondait avec son cellulaire de l’autre :
– Je suis désolé madame, mademoiselle, excusez-moi, les bureaux ne sont pas encore ouverts, oui, mais je ne peux vraiment pas vous recevoir aujourd’hui.
Il se demandait comment la femme au bout du fil avait pu obtenir son contact. Elle appelait sur son numéro personnel. Qui avait bien pu le lui donner ?
– Comment ? Oui, je vous écoute, mais non, ce ne sera pas possible aujourd’hui, je vous assure, oui, oui, ma secrétaire prendra rendez-vous…
Il raccrocha. Quelques instants plus tard, il prenait l'ascenseur jusqu’au sixième étage. L’horloge au-dessus de la machine à café indiquait huit heures trente-cinq. Bien qu’il ait déjà pris deux cafés avant de prendre la route, il inséra deux pièces dans la machine pour un troisième. La nuit avait été épouvantable, la petite Audrey n’avait pas fermé l’œil de la nuit et Louisa n’avait pas trouvé mieux que de goûter à l’encre d’un stylo dont elle avait croqué la cartouche. La bouche teintée de bleu, elle avait dormi entre Eléonore et lui. Il s'était levé plus tôt que d’habitude.
Patrick Weiss ouvrit sa playlist, choisit Haïti d’Arcade Fire et commença à battre le rythme du pied droit. « Haïti, mon pays, / Wounded mother I’ll never see / Ma famille set me free… ». Quand on frappa à la porte.
La banque n’ouvrait qu’à neuf heures et il était huit heures quarante-cinq. « Throw my ashes into the sea. », c’est le cas de le dire, pensa-t-il., se sentant tellement épuisé, il articula un timide : « Entrez. »
Nicole Fraul, son assistante la plus dévouée, se tenait sur le seuil de la porte, un dossier à la main.Il était rare qu’elle vienne avant neuf heures. Pourtant, il avait été clair, il ne voulait pas être dérangé avant dix heures. Nicole s’avança, referma la porte et posa le dossier sur le bureau. Patrick coupa le son de son ordinateur.
– Bonjour Nicole, que me vaut cette visite si matinale ? dit-il d’une voix sans conviction.
– Patrick… je suis… Je dois… Il faut que je te dise…
– Oui, bon, qu’y a-t-il ?
Elle contourna le bureau, lui écarta les genoux et se plaça toute droite entre ses cuisses. Elle remit le son. « I’m in the black again / Can’t make it back again / We can just pretend… » (Je suis à nouveau dans le noir / ça ne peut pas revenir de nouveau / Nous pouvons juste feindre…) La musique et les paroles d’Everything Now d’Arcade Fire accompagnaient ses gestes langoureux. Patrick était abasourdi. Voilà plusieurs mois qu’ils se tournaient autour, et personne n’avait encore pris l’initiative de quoi que ce soit. Pourquoi fallait-il que cela soit aujourd’hui ?
– Nicole… non… Il tentait de la repousser au niveau des hanches.
Ça faisait deux nuits qu’il dormait à peine et voilà que son assistante plaçait ses mains derrière son cou et l’attirait vers ses seins. Il se recula.
« Every inch of sky’s got a star / Every inch of skin’s got a scar / I guess that you’ve everything now… » (Chaque espace au ciel a une étoile / Chaque pouce de peau a reçu une cicatrice / Je suppose que vous avez tout maintenant…)
– Oh, Patrick… ça fait si longtemps…
Elle pressa sa tête contre sa poitrine et commença à lui caresser la nuque. « Je ne peux faire cela, non, j’aime Eléonore de toute mes tripes, pourquoi me laisser aller comme ça… c’est pathétique, je suis pathétique… », les pensées défilaient dans sa tête pendant que son nez humait la peau de Nicole.
– Hum… Nic…cole… Il… ne … faut… pas…
« Every inch of space in your head / Is filled up with the things that you read / I guess you’ve got everything now… » (Chaque once d’espace dans votre tête / Est remplie des choses que tu as lues / Je devine que tu as tout maintenant…) Elle s’agenouilla entre ses jambes et embrassa sa bouche fougueusement. Patrick la repoussait et se détournait :
– Nous ne sommes pas raisonnables…
Elle s’accrochait, saisit la braguette – elle le désirait par tous ses pores, elle le voulait pour elle seule, qu’importait l’heure. Ce matin elle avait perçu sa vulnérabilité et ne voulait pas rater l’occasion. « Je ne peux pas trahir Eléonore », songeait-il, « oui Nicole est séduisante, une beauté froide, intérieure, mais je ne veux pas briser mon mariage, ma famille, la confiance d’Eléonore », se disait-il. « Je suis minable. »
Il abdiqua sa résistance, Nicole prit son sexe qui n’avait pas manqué de durcir et commença à le lécher. Le rythme de la musique la stimulait : elle voulait son histoire à elle, même si ça ne devait durer que quelques instants. « (Everything now !) I need it / (Everything now !) I want it / (Everything now !) I can’t live without / (Everything now !) I can’t live without. » (Tout maintenant ! J’ai besoin de ça / Tout maintenant ! Je le veux / Tout maintenant ! Je ne peux pas vivre sans ça / Tout maintenant ! Je ne peux pas vivre sans ça.) Elle se montrait insatiable. Il ne l’avait jamais imaginée si déterminée.
Le téléphone du bureau crissa. Patrick en profita pour se lever et appuya sur la touche :
– Monsieur Weiss, une femme est à l'accueil et souhaite vous rencontrer.
L'horloge marquait neuf heures cinq.
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