Hirus
"Voilà... Je vous ai conté l'histoire des racines... Mais il y en a une qui commence à apparaître... Une racine un peu particulière. C'est ma racine. Mon histoire. Et, en tant que conteur, je me dois de la raconter. Je suis né dans un petit village, bien au-delà des montagnes et de la Plaine du Nord, et j'ai vécu avec mes parents et mon frère pendant de longues années. Car, oui, j'ai un frère. Mais lui refuse de me reconnaître, alors que je pourrai l'accueillir à bras ouverts, malgré le mal qu'il a pu faire. Je reviendrai sur ce point après, chaque chose en son temps.
Nous avons vécu paisiblement jusqu'à nos dix ans. Cette année-là, des créatures malfaisantes nous ont attaqué. Nos parents sont morts en nous cachant dans une cave. Par la suite, les monstres ont découvert notre cachette. Alors que la fin approchait, un mage est sortit de nulle part et a éliminé ces chimères. Puis, sans un mot, il s'en est allé. Mon frère et moi avions deux avis distincts sur l'événement : j'étais émerveillé par cet inconnu et je voulais le retrouver, qu'il m'apprenne la Magie. Dazraël, lui, ne voyait que les monstres et souhaitait rentrer dans un nouveau mouvement politique dominant : l'Inquisition, "Préserver les Hommes, abattre la Différence". Nous jurions par deux préceptes opposés.
Au cours de la même année, j'eu la chance de recroiser ce mage et il m'accepta comme apprenti. De son côté, ma moitié avait trouvé un rôle de palfrenier pour un membre de la Brigade Inquisitoriale. Bien sûr, adulant ces tueurs, il tenta de nombreuses fois de me convaincre et de mon convertir à la fois Inquisitoriale. J'ai toujours repoussé ses avances, le vexant probablement, mais qu'importe. J'étais jeune, doué dans la magie et bien moins sage que maintenant. Connaissant les risques de la Magie, je me suis promis de ne jamais l'utiliser pour le mal. C'est en compagnie de Savinien, mon maître, aujourd'hui mort, que j'appris tout ce je connais et qui me fis découvrir mon autre grand talent : raconter les histoires. Encore une fois, je ne voyais pas à quoi cela allait me servir et j'ai mis ce don de côté.
J'ai rencontré Katie quand j'avais seize ans... Elle était magnifique... Ses cheveux flamboyants, ses yeux hypnotisants... Je paierais cher pour la prendre dans mes bras une dernière fois... Lui dire au revoir à nouveau, car son départ fut trop brutal. juste pour revivre notre seule et douce nuit... Je rêve d'elle si souvent... Je l'aimais tellement... Je l'aime tellement. elle n'aspirait qu'à la Paix, m'a poussé à conter, utilisait la Magie pour le bien... Elle a refusé l'avance d'un riche Inquisiteur... Par amour pour moi... Mon cœur est fermé, elle est la seule qui détient la clé. Et elle ne pourra plus l'utiliser... Son âme est autour de moi, il m'arrive de la sentir... Et ça me torture un peu plus à chaque fois...
Ensuite, j'ai découvert Maria, à dix-huit ans. Une bonne amie de passage. Elle s'est battue, elle aussi. Elle ne faisait pas de Magie, mais écrivait. Sur les murs de la Ville de l'Inquisition, dans les bas quartiers, dans les villages, sur les affiches placardées sur les façades, partout ! Pour la Paix. Pour la Justice ! Pour que l'Inquisition devienne plus responsable, ne se contentent pas de tuer tout les gens qu'ils jugent différents. Elle a été enfermé dans une Prison Temporelle. Un jour égale une année... Elle a tenue près de cent soixante-dix-sept jours avant de succomber... Mais elle a eut le temps de semer les graines de la Douce Rébellion, société de gamins de rues et d'adultes brisés qui écrivent à leur tour des messages d'espoir.
Après la mort de Maria, je me suis dirigé vers les terres du Sud. J'ai rencontré ce garçon, Pierre. Un peu naïf mais travailleur. Persuadé que le plus insignifiant des cailloux avait une âme. Il a mené des expériences très dangereuses pour le prouver. Mais l'Inquisition ne supporte pas quand les autres ont raison. Nous avons vécu en fuite, avec Savinien, pendant des mois, évitant les villes, les brigades, les hôtels ! Nous étions heureux ainsi, alors nous ne nous plaignions pas. Quatre-vingt-dix-sept jours après notre fuite, ils nous ont retrouvé. La brigade Quarante-six. Commandant : Monsieur Fruilien. Il a voulu me tirer dessus mais... mais Pierre s'est interposé... On ne meurt pas à dix-neuf ans... On n'est pas censé... Mais lui... Il l'a fait... Pour moi... J'ajoutais un deuil à ceux que je portais déjà.
Et, à peine ai-je quittais mon maître, trop fatigué pour continuer à courir le monde avec moi, j'ai fais la connaissance de Tiomé. Tiomé aux papillons. Il attirait ses insectes, qui se posait par dizaines sur son frêle corps. À onze ans, il avait l'intelligence des vieux sages... Il était bon et jeune. Plus que Pierre. Quand il a apprit que l'Inquisition le pourchassait, il est partit sans un mot, pendant mon sommeil. Je ne l'ai plus jamais revu, mais voir cette racine m'a convaincu de sa mort... Dès que je vois un papillon, je ne peux que me demander si ce n'est pas lui... La folie des Inquisiteurs, prêt à tuer un enfant, me terrifie...
Par la suite, j'ai abandonné l'idée d'avoir des amis. La mort de Savinien a renforcé mes idéaux. Alors j'ai marché vers le Nord, dernier rempart face à l'Inquisition. J'ai marché longtemps, très longtemps. Je n'ai cessé de conter, pour ne pas sombrer dans la solitude ou la folie. J'ai planté des graines d'espoir, de rébellion, de Magie... J'ai vécu. Et puis je suis tombé sur le Cimetière de la Plaine du Nord.
J'ai à peine ressentit la Magie de la première racine, à peine lu la première mort, que j'ai compris. Les larmes coualient, innarrêtables, face à ce constat : Dazraël était le Chef Inquisiteur... Mon propre frère ! Un traître, un tueur ! Et pourtant, mon amour pour lui ne disparu pas...
Il compte brisait la barrière... Je suis recherché, je le sais. Il doit me considérer comme un Méchant, un Mage... Parce que je ne l'ai pas écouté... Mais qu'est-ce que je peux y faire ? J'ai trop souffert, tant de gens m'attendent...
Les vingt-six dernières histoires que j'ai conté correspondent aux vingt-six dernières racines du Cimetière. Après ces histoires, j'aurais fini les contes... Je pourrai mourrir. J'entends déjà les cavaliers qui arrivent ! S'il vous plaît, écoutez moi ! J'ai appris à conter, j'ai conté mon histoire ! C'est à votre tour ! Il n'y a pas de Magie plus belle, plus merveilleuse, plus... magique que les mots !
S'il vous plaît, contez mon histoire ! Notre histoire ! Ne laissez pas l'Inquisition... Dazraël ruiner ce qu'il y a de splendide sur Terre ! Vivez, aimez, contez ! Chaque histoire mérite d'être dites...
Voilà Dazraël, comment vas-tu, mon frère ?
- Ne m'appelles pas ainsi, traître.
- Traître, dit-il. Ainsi soit fais. Je suis prêts, mourir est ma mission. Une histoire s'achève avec moi, mais une autre commence avec eux.
- Ils t'écoutent, mais ne t'obéissent point.
- Ce ne sont pas des ordres, Frère, mais des demandes. Des remarques. Des souhaits. La suite de l'histoire est entre leurs mains.
- Cesse de vivre et de parler comme dans un conte ! Les belles histoires n'existent pas !
- Je sais.
- Ton ton change enfin. Il devient dur soudain... Des rancœurs, Hirus ?
- Non, des regrets. De t'avoir vu devenir comme ça. Tu m'as prouvé que les contes ne sont pas réels en me prenant tous ceux qui m'étaient cher. Mon Maître, mes Amis, mon Amour. Je n'ai plus rien. Ces racines, que j'ai lu, aucune n'est un vrai conte. Car, dans les contes, les bonnes personnes gagnent et vivent.
- J'ai vécu, je suis donc la bonne personne.
- Je viens de te dire qu'aucune de ses histoires n'est un conte...
- Ne joues pas avec moi ! Sois reconnaissant, je t'accorde quelques minutes pour faire tes adieux, ne les gâche pas. Parles.
- Non.
- Pardon ?
- J'ai dit non. Personne ne force un conteur à parler.
- Soit.
Son épée me transperce la poitrine. Ne soyez pas dégoûtés. La Mort est normale. Alongé sur l'herbe, je me sens aspiré par ma racine.
- J'ai... toujours cherché... quels mots je... pourrai dire... à ma mort... La seule chose que je veux dire... est : au revoir...
Et voilà... je deviens racine. Mais personne ne peut couper les racines, pas même Dazraël. Et sur ma racine s'étend le plus beau des messages... Retenez-le...
"Espoir"
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