Olga vise le patron
S’il y avait une nana agréable à regarder, dans la boîte, c’était bien Olga ! Et d’ailleurs… plus d’un qui l’avait regardée ne s’en était pas mal trouvé… si vous me suivez.
C’est qu’elle avait du caractère, cette petite ! Grande, d’ailleurs, pour une petite. Elle se disait descendante des cosaques du Don, ce que son sourire, ses yeux d’un bleu ravageur et surtout son prénom faisaient accroire sans trop de mal alentour.
Oui, une très, très belle fille. Qui se faisait qui elle voulait, donc. Non sans allumer aussi, par-ci, par-là… ce qui, selon son ami et collègue Benoît n’était pas bien honnête, tout de même…
Comme tout le monde, il rêvait des charmes de la belle, de la splendide Olga ; mais sa timidité… olympique lui interdisait toute forme d’espoir.
De plus, ils étaient entrés ensemble trois ans plus tôt dans la boîte — une start-up en informatique qui marchait bien —, et ils étaient quasi immédiatement devenus potes. Ce qui rendait pour Benoît les choses infiniment plus difficiles : on se racontait tout, ou presque, et…
Bref, il rongeait son frein tout en baisant mainte donzelle de la commune : son frais minois aux boucles châtain, qui lui donnaient une allure de premier de la classe, et sa timidité surtout lui attiraient immanquablement les hommages… tactiles d’une gent féminine généralement attirée par ce type de client.
La vie ne lui était pas désagréable du tout, cependant, d’autant qu’il aimait son boulot, et qu’il était apprécié par tous, à la boîte. Justement à cause de son infinie gentillesse.
Mais justement… c’est à cause de cette particularité — le mec qui fait l’unanimité — qu’il lui arriva ce jour-là une bien étrange intrigue…
On ne baisait l’un ni l’autre, ce soir-là, et Olga l’invita dans une pizzeria où ils avaient leurs habitudes.
À peine le rosé italien entamé, ce fut elle qui attaqua :
— J’ai besoin de toi, mon p’tit chéri !
— Électricité, plomberie, euros ?...
— Ah ! Ah ! Ah ! J’t’adore trop, toi, tu sais ? Non, c’est… plus particulier
— Désenvoûtement, gains au jeu, retour d’affection ?
— Là tu… On dira que t’es pas loin de brûler.
— Tu me dis tout, ou je finis le rosé cul sec !
— Faudrait… que tu m’aides… auprès du patron.
— Hein ? sursauta Benoît, mais t’es une des meilleures de sa boîte !... Tu veux une augmentation, c’est ça ?
— Une augmentation… de sa bite, oui.
— Aaaah ! gémit un Benoît soudain dépassé par l’énormité de la chose. Tu rigoles, là ?
— Ben non. Je sais pas pourquoi, en dehors du boulot, où il est super chaleureux, y m’fait la gueule !
— Ben… T’es peut-être pas son type, tout simplement ! Et pis… qui le connaît, le type du patron ? Il cause jamais de ça, et personne de la boîte n’a jamais su quoi que ce soit de lui… ni rien fait avec.
— Moi, je voudrais, fit sérieusement Olga, que Benoît n’avait jamais vu si sévère.
— Oh p’tain ! Mais t’es grave, toi, tu sais ?
— Essaye, mon p’tit Ben-Ben ! Je serai pas ingrate !
— Passer après le patron, merci ! lâcha Benoît malgré lui.
— Non, il ne s’agit évidemment pas de ça, tu le sais, p’tit frère ! fit lors Olga en un large sourire qui doucha froidement in petto le joli Benoît. Simplement lui parler de moi sous un jour autre que celui du boulot. J’ai l’impression qu’il ne me voit pas comme femme… alors que moi, je le vois très bien comme homme !
— Et comme bite, aussi !
— L’une ne va pas sans l’autre, tu le sais bien, bébé !
Le dernier mot d’Olga acheva un Benoît soudain chargé de l’infaisable : placer un canon comme Olga, dont il espérait aussi les faveurs, auprès d’un mec qui s’en foutait, selon toute apparence…
Il se dit qu’il essayerait… au risque de se ridiculiser. Et il accepta le mandat. Du coup, l’Olga l’invita, la pizza descendue, à prendre la mirabelle chez elle…
« Elle doit y tenir, Mémène, pour me faire tout ce cinéma !... » songea-t-il, tandis qu’il sombrait doucement dans l’ivresse et d’un alcool de la meilleure qualité, et des paroles de la belle Olga…
Il rentra chez lui en zigzaguant, mais il était cornaqué, au téléphone, par la bienveillante Olga… qui suivait son poulain !
Il se trouva que le lendemain, il eut à conclure une importante affaire, et que le patron, Armel , un mec de trente ans charmant avec tout le monde — et de ce fait convoité —, dont les compétences étaient reconnues de tous, Armel, donc, le chopa en douce :
— Bien, ta façon de niquer les Anglais ! Je t’invite un de ces soirs, tu veux ?
— Oh ! Mais… s’tu veux, chef, j’t’invite d’abord, ce soir ! J’en avais plus que ras le bol de cette putain d’affaire et… et je respire ! Tu veux ?
— Avec plaisir, fit Armel, avec son air de petit garçon sage… et Benoît frissonna.
Au soir, il attendit le patron, qui faisait des minutes supplémentaires, et non sans qu’il eût promis à Olga qu’il s’occupait de son cas… tout en ne voyant pas comment.
On alla dans un pub nouvellement ouvert dans la vieille ville, et que l’un ni l’autre ne connaissait. Or… on vit tout de suite le drapeau qui décorait la façade : le drapeau gay.
— On change, tu veux ? fit Benoît, incertain.
— Non, non ! Zéro problème ! Généralement, y a une super ambiance, dans ces taules-là ! fit joyeusement Armel, à la surprise de Benoît.
De fait, l’ambiance y était douce, pour l’instant, puisqu’on était au début de la soirée. Et Benoît se demandait bien comment il amènerait Olga sur le tapis, dans une telle atmosphère !
Au reste, quand il prononça son nom pour la première fois, Armel l’arrêta aussitôt :
— S’te plaît, on parle pas de boulot, ce soir ! Olga est une super pro… mais ce soir, on cause de toi, et de ton succès, s’te plaît !
Ça, c’était clair ! On picola donc, et l’on parla de soi : Armel posa des questions perso auxquelles Benoît répondit simplement. Mais Benoît apprit aussi que son patron était seul, sans deviner si c’était par choix.
On picola, aussi, au point que Benoît osa :
— On boit pas trop, là ?
— Soit je te recommande au chauffeur du tramway, soit tu dors chez moi, et voilà ! répondit Armel, tout sourire. En tout cas, je te remercie… et je te rappelle que la prochaine fois, c’est moi qui invite… et… s’il te plaît… dans un bon restaurant… Je prospecte, là !
— Je n’en mérite pas tant… souffla Benoît.
— Tu mérites surtout une augmentation, oui ! Là, je peux rien te dire encore, mais… Oui !
— Oh ! fit un Benoît rougissant comme un petit garçon… ce qui lui valut de se faire prendre la main sur la table, tout doucement, par son Armel de patron. Qui devant la mine incertaine de son employé, murmura :
— Ici, c’est normal, tu sais ? Et c’est juste pour te dire que je t’apprécie hautement, depuis que tu es dans la boîte, Benoît. J’espère qu’on fera du chemin ensemble.
Où Benoît ne sut de quoi parlait Armel, en l’occurrence…
— Je sais, poursuivit le chef, que tu es proche d’Olga… ce qui ne me regarde pas, d’un point de vue privé, évidemment ! Mais je peux te dire en confidence que je l’apprécie grandement pour son professionnalisme : un bonne recrue, que je ne regrette pas… C’était le même jour que toi, si je me trompe pas ?
Benoît sourit gentiment — comment ne pas sourire devant un mec comme Armel ? Mais il ne répondit mot.
On repicola, donc, et Armel resuggéra :
— Tu veux venir dormir chez moi ?
— Non, t’es gentil… mais le tram a moins bu que moi !
— Tu acceptes mon invitation pour un de ces prochains soirs ? J’y tiens, Benoît. En plus de ce que je t’ai promis.
— Oui, Armel… fit enfin Benoît, troublé… les yeux plantés en ceux de son patron… qui ne souriait pas.
— J’t’emmène à la station, alors…
Juste avant qu’arrivât le tramway, Armel posa un bisou sur les lèvres d’un Benoît qui… qui adora ça, une fois avachi sur une banquette du tram ! Un bisou sur les lèvres !
Il se dépêcha de manger une épaisse tartine de rillettes (eh oui, il était de la Sarthe !), en arrivant, pour tenter de retrouver ses esprits, Benoît !
Mais il eut du mal à se repérer dans le vrai monde du lendemain, ce Benoît-là.
Olga, d’abord… qui sans trop insister, lui demanda à quoi il avait réfléchi.
— Oui, j’ai commencé à parler de toi, ma grande, mentit-il avec le sourire. Tout ce que je peux te dire pour l’instant, c’est qu’il te prend pour une vraie pro, et que c’est important pour lui.
— Et mon cul ?
— J’y ai pas encore demandé, excuse-moi !
Benoît gagna son bureau songeur : où le mènerait cette étrange intrigue ? Il ne se voyait pas organiser la moindre rencontre entre Armel et Olga, non ! Clairement, le patron n’avait rien à faire de ladite…
Entre-temps, il croisait un Armel tout sourire, qui le convoqua deux jours plus tard.
— J’ai pensé que… commença le patron, un peu emprunté, que… peut-être, on pourrait aller dans une auberge pas loin et… y dormir. Chacun sa chambre, bien sûr. Comme ça… on picole comme on veut… Tu vois ça ?
— Ben oui, mais… répondit Benoît, incertain, si tu veux m’inviter… peut-être qu’une pizza suffirait ?
— Ah ! Ah ! T’es trop mignon, toi ! Non, je veux vraiment te faire plaisir, Benoît, ah ! ah ! Je veux, en plus du reste, te montrer combien je t’estime. Ça me ferait plaisir, vraiment, tu sais ?
Benoît rougit et baissa le nez. Que lui voulait donc le patron ? Qui insista :
— Benoît : si ça ne te convient pas, comme idée, alors tu me dis non, tout simplement… et je trouverai bien un moyen de te faire plaisir.
— Mais… je dis… oui… fit difficilement Benoît.
Qui fut impressionné par l’immense sourire d’Armel. Et là… les deux regards se figèrent l’un en l’autre. Enfin, Armel susurra :
— Alors je réserve pour vendredi soir prochain, tu veux ?
Benoît crut défaillir, tant le fin sourire d’Armel était porteur de… de…
— En attendant, ce soir… tu…
— Oui, s’tu veux… fit Benoît, tel un zombie.
— Chez moi ?
— Oui, s’tu veux, fit Benoît, plus zombie que jamais.
— Je… Oh ! Comme je suis content que tu viennes !
Benoît regagna son bureau à tâtons… tout en repensant au bisou sur la bouche que venait, derechef, de lui donner Armel… Il avait connu des romances, certes, mais rien qui le troublât à ce point…
Le soir venu, il suivit Armel… sous le regard d’Olga. Et Armel lui demanda tout de go :
— Comment tu la trouves, Olga ?
— Éblouissante, évidemment !
— Vous êtes proches, je crois, mais…
— Non, rien entre nous, coupa doucement Benoît.
— Est-ce que… tu voudrais que je lui parle pour toi ?
— Aaaah ! fit Benoît, sidéré, non, non !
C’était le monde à l’envers, tout ça ! Le vaudeville à l’état pur, Feydeau en moins !
— J’ai dit une connerie ? fit Armel, incertain.
— Tu n’en dis jamais… Là… tu ne sais pas tout.
On arrivait chez Armel qui, à peine sa porte refermée, vint poser un bisou sur les lèvres de Benoît, avant de le fixer gravement. Pour sourire enfin.
— Bienvenue chez moi, gentil garçon. On reparle d’Olga, ou…
— On fait tout… sauf de parler d’elle, lâcha Benoît.
Où Armel se saisit soudain de Benoît pour lui donner le plus bavouilleux des baisers… Benoît l’accepta avec volupté… et se sentit naître une vive excitation. Comme il sentit aussi celle de son patron.
Il ne se posait plus de question, là ! Il avait une furieuse envie de… Il ne le savait trop encore, mais comme il était chaud, soudain ! Ce fut avec fébrilité que ces garçons commencèrent à se défaire, là, dans l’entrée… avant de se transporter demi nus vers la grande chambre d’Armel.
— Je… Je sais rien, moi… susurra Benoît.
— Moi pas beaucoup, mais l’essentiel, c’est qu’on soit là, tous les deux… ensemble, mon Benoît ! On inventera !
Et les opérations, d’abord un peu brouillonnes, et même agitées, prirent tantôt un tour immensément tendre. On se regardait dans les yeux… et il semblait qu’on n’osât agir… alors que deux belles quéquettes bien roides se tendaient les bras, tout agitées d’impatience !
— Dire que j’ai espéré ce moment depuis ton arrivée dans la maison ! avoua enfin Armel. Et jaloux d’Olga !
On commença donc de s’aimer. Timidement, certes, mais avec une telle ferveur ! Où Benoît eut l’impression de rencontrer enfin ce qu’il avait toujours espéré, sans imaginer mettre un nom dessus.
Lundi matin : Olga. À qui il fallut bien parler : Armel avait donné à Benoît toute liberté de le faire.
— Bon ! Eh ben… T’es effectivement pas son type.
— Ah oui ? Et c’est quoi son type, alors ?
— Ben… moi.
— Tu te fous de moi, là ? rugit Olga.
Mais Benoît était sûr de lui… et n’avait plus peur de personne. Et encore moins d’Olga !
Deux semaines plus tard, Armel convoquait son personnel à un pot, où il déclara être fiancé avec Benoît. Et malgré qu’elle en eût, ce fut Olga qui lança le signal des applaudissements. Et, bonne joueuse, elle a accepté d’être le témoin de Benoît… car on va se marier bientôt.
8. IX. 2020
Table des matières
Commentaires & Discussions
Olga vise le patron | Chapitre | 3 messages | 4 ans |
Des milliers d'œuvres vous attendent.
Sur l'Atelier des auteurs, dénichez des pépites littéraires et aidez leurs auteurs à les améliorer grâce à vos commentaires.
En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.
Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion