Chapitre 2
Je lance un dernier regard par la fenêtre, observant la voiture de Fanny disparaître. Je me retrouve seule à devoir défaire les cartons qui se trouvent posés négligemment un peu partout. C'est sans grande motivation que je sors mon ordinateur portable de sa pochette pour la mettre de la musique.
Je laisse le son envahir la pièce et attrape ma valise. Doucement, les murs blancs se couvrent de photographies et de guirlandes lumineuses. Mes livres trouvent leurs places dans les étagères tout comme mon cactus que m'avait offert Cloé pour Noël dernier. Petit à petit, les cartons se vident redonnant vie à l'appartement. Alors que je termine de disposer mes affaires dans la salle de bain, j'entends quelqu'un frapper.
Je coupe ma musique aussitôt ayant peur d'avoir dérangé les voisins. D'un pas presque hésitant, je me dirige vers la porte pour regarder à travers le judas. Je n'ai aucune envie de me retrouver en face d'un toxico ou d'une personne louche. Je me suis peut-être avancée en promettant à Fanny et Cloé que je ne risquerais rien.
Mon anxiété baisse immédiatement en apercevant une dame âgée au visage marqué par le temps. Me sentant stupide de m'être fait des films j'ouvre la porte et fais face à une femme aux cheveux grisonnants attachés en chignons.
— Bonjour ! excusez-moi de vous déranger, mais...
— Si c'est à propos de la musique qui est trop forte, je suis désolée, me précipité-je de répondre en lui coupant la parole brusquement ce qui l'amusa.
— Pas du tout, je voulais vous souhaiter la bienvenue.
Me sentant pour la énième fois bête, je passe ma main dans mes cheveux pour les mettre derrière mon oreille.
— Pardonnez-moi d'avoir été impolie, je dois sûrement être fatiguée.
Comprenant sans doute mon désarroi la dame étire de ses fines lèvres un sourire réconfortant.
— Vous n'avez pas à vous excuser, je suis Faith et la chipie c'est...
— Maisy ! et comment toi tu t'appelles ? bredouille une voix cristalline.
Mon regard se trouve attiré par la petite fille au visage angélique qui vient de lui couper la parole. Je m'accroupis pour être à sa hauteur. Ses yeux pétillants d'un bleu glacial me scrutent sans aucune timidité alors qu'elle lève sa main. Amusée je m'exécute et la lui serre.
— Moi s'est Camélia, je suis enchantée de te rencontrer.
— On se demandait si ça vous dirait de venir manger une part de gâteau. J'ai pensé que ça vous ferait du bien de faire une pause, m'explique gentiment Faith.
— Je ne voudrais pas vous déranger, en plus je dois...
— S'il te plaît, me supplit Maisy en ce dandinant sur place.
— À ce que je vois, je n'ai pas le choix, plaisanté-je en prenant mes clés.
Je les suis jusqu'à la porte d'à côté de la mienne et pénètre dans le couloir de l'appartement au papier peint fleuri. Sur les murs, plusieurs cadres le décore ainsi qu'un miroir. Un rideau à fils avec des boules de neige dessus sépare le corridor exigu du séjour. La même tapisserie se retrouve dans la pièce où une table ronde en bois et ses chaises trône au milieu.
— Vous voulez boire quelque chose, me demande Faith en m'invitant à m'asseoir.
— Je veux bien un thé s'il vous plait.
— Moi je peux avoir un chocolat chaud, minaude Maisy en venant s'installer en face de moi, une poupée entre ses mains.
— Oui ma chérie, mais après c'est dodo, réplique Faith en passant derrière son comptoir de cuisine.
Je lance des regards autour de moi, admirant la grande pièce et ses innombrables bibelots qui la décorent. Je me retrouve fascinée devant ces objets d'une époque antérieure. Je me focalise de nouveau sur Maisy qui joue avec une vieille peluche verte délavée.
— Quel âge as-tu ? me question-t-elle de sa petite voix en me fixant.
— Maisy, cela ne se fait pas, la réprimande gentiment Faith.
La fillette se met à faire la moue tout en continuant de tripoter son doudou. La voir ainsi m'amuse, je la trouve tellement adorable.
— Ce n'est rien ne vous inquiétez pas, j'ai vingt-trois ans et toi ?
— J'ai presque six ans, s'exclame-t-elle fièrement tout en me montrant le chiffre avec ses doigts.
Maisy se précipite sur son bol de chocolat chaud où des bouts de guimauve rose flottent dessus. En reposant sa tasse sur la table une moustache s'est dessinée juste en dessus de sa bouche. Incapable de retenir davantage mon amusement, j'attrape la serviette en papier que Faith m'a donnée pour essayer sa moue.
— Et elle est où ton école, je n'en ai pas vu par ici.
— Maisy habite à Denver chez ses grands-parents. Elle vient seulement pour les vacances scolaires pour passer du temps avec son père, m'explique Faith en posant une tarte au citron meringué devant moi.
— Son père ? Je pensais que c'était votre petite fille.
— Je le connais depuis qu'il est adolescent, c'est un ami de mon petit fils. Puisqu'ils travaillent tous les deux la nuit comme pompiers je garde Maisy le soir. Cela me fait de la compagnie.
Même si elle a l'air adorable cela ne doit pas être simple. C'est vraiment une personne généreuse et très intentionnée. Je bois une gorgée du thé alors que Faith me sert une énorme part de gâteau. C'est comme si elle avait lu dans mes pensées, la tarte meringuée citron est mon dessert préféré. À peine ai-je croqué dans le premier morceau que mes papilles s'éveillent.
— C'est délicieux !
— C'est moi qui l'ai fait et presque toute seule.
Faith souffle amusée devant le spectacle que nous offre la bouille d'ange. Elle a tellement mis de gâteau dans sa bouche qu'elle a du mal à tout avaler.
— Tu es une future pâtissière, affirmé-je en faisant un clin d'œil.
Celle-ci m'e lance un sourire radieux alors qu'elle mange un autre morceau, dont la moitié tombe à côté.
— Vous êtes venue pour travailler, me demande Faith tout en nettoyant le visage poisseux de Maisy.
— Oui, je commence demain au cabinet Linsh, un audit externe.
— Un dite terne c'est quoi ? me questionne innocemment Maisy en fronçant les sourcils.
J'avale de travers ma gorgée tentant de retenir de rire, tout comme Faith. J'essaie de me calmer et termine le dernier morceau de tarte.
— Non ma chérie, un audit externe, répète Faith en prononçant chaque syllabe.
— Pour faire simple, ça consiste à contrôler les entreprises, à m'assurer qu'ils font correctement leur travail.
— Ça doit être intéressant, mais c'est beaucoup de responsabilités.
— Si, mais c'est justement ce que j'aime.
Voyant Maisy bâiller et commencer avoir des petits yeux je décide de rentrer. J'avale d'une traite le liquide chaud avant de me lever.
— Je vous remercie pour le thé et la part de gâteau, mais j'ai encore quelques cartons à ranger.
— Bien sûr de toute façon Maisy doit aller se coucher, et si un jour vous voulez boire quelque chose n'hésitez pas à venir frapper à ma porte.
— Merci pour tout et passe une bonne nuit Maisy.
Je lui fais un signe avant de quitter l'appartement pour rentrer chez moi. Le déménagement m'a complètement épuisé et tout ce que je souhaite là maintenant est une douche chaude.
Je fouille dans les derniers cartons pour tenter de trouver des serviettes, mais la sonnerie de mon portable me coupe dans mon élan. Remarquant que c'est mes parents, je roule des yeux. Ça ne fait que quatre heures que je suis partie et ils m'appellent déjà. Je réponds tout en mettant le haut-parleur pour que je puisse continuer mes recherches.
— Vous savez que ça ne fait même pas une journée que j'ai déménagée.
— Ce n'est pas ma faute, ton père me harcelait pour que je te téléphone.
Je peux entendre le principal concerné rétorquer que ce n'est pas la vérité, nous faisant toutes deux rigoler. Il a toujours été ainsi, un vrai nounours au cœur tendre qui ne veut pas l'avouer.
— Tu as déballé toute tes affaires reprend-elle d'une voix calme.
— Oui, il ne me reste plus que deux cartons à vider et après j'aurai terminé. Fanny est bien rentrée ?
Remarquant des bruits provenant de la rue, je me dirige vers la fenêtre. D'un geste de la main, je décale le rideau pour pouvoir observer en toute discrétion.
— Elle s'est garée il y a un instant et elle partie directement à la douche. D'ailleurs, elle a oublié de prendre des photographies de ton appartement tu pourras m'en envoyer ?
J'écoute à peine ce que me dit ma mère, mon regard fixe les silhouettes éclairées par un faible faisceau de lumière. Malgré la pénombre, je distingue au moins trois personnes, dont un homme, c'est certain. Vêtu d'un sweat noir il a une capuche qui lui recouvre la tête. C'est seulement lorsqu'il se rapproche du lampadaire que je peux voir clairement sa carrure élancée.
Il récupère un tas de billets qu'une sorte de client vient de lui passer. Sans que je comprendre quoi que ce soit le troisième sort un couteau de sa poche pour menacer les deux autres tout en élevant la voix. Étant trop loin je n'entends rien à ce qu'il raconte, mais calmement celui au sweat noir fait une clé de bras et prend l'arme aisément. L'homme se retrouve par terre, levant les mains. Je sais que je devrais appeler la police immédiatement, mais je reste interdite devant la scène qui se déroule en bas de mon immeuble.
— Camélia tu m'écoutes ?
La voix de ma mère me ramène à la réalité même si j'ai encore du mal à assimiler ce qui vient de se passer.
— Maman je te laisse, sans attendre sa réponse je raccroche.
Portant de nouveau mon attention vers la fenêtre. Je me retrouve paralysée, incapable de bouger ou de respirer. L'homme au sweat me fixe, ses yeux noirs inexpressifs ne me lâchent pas. C'est seulement à cet instant que j'aperçois son visage plutôt séduisant avec sa barbe naissante. Il faut plusieurs secondes a mon cœur pour qu'il puisse enfin faire un mouvement pour me cacher derrière le mur, le cœur battant.
Les mains tremblantes je me précipite vers la porte pour la fermer à double tour. N'ayant pas confiance dans les verrous je place une des chaises dernières pour la bloquer. Pourvu qu'ils ne débarquent pas ici.
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